Réflexions sur le changement (à la suite de la conférence d’ Edgar Morin )
Cette semaine , je donne un cours sur les transitions de phase, et le samedi dernier, il y a eu une conférence d’ Edgar Morin, je ne sais pas de quoi il a parlé ( car je n’ai pas eu le privilège d’y assister et j’espère bien que l’assistance en a tiré profit) , mais je prévois qu’il a parlé de des notions très générales, pouvant être appliquées à l'ensemble de la réalité ( La méthode, paru en 1977) . Il a peut être introduit les idées d'ordre, de désordre et de complexité. Ces principes antagonistes, en y adjoignant celui d'organisation aident à comprendre la complexité du Monde. Et je me souviens avoir lu et apprécié les ’Sept Savoirs Nécessaires à l’Education’ où il a recommandé l’enseignement de la Thermodynamique’ à tous les étudiants en Supérieur quelque soit leur orientation académique. ‘L’enseignement devrait comporter un enseignement des incertitudes qui sont apparues dans les sciences physiques (microphysiques, thermodynamique, cosmologie), les sciences de l’évolution biologique et les sciences historiques’.
Pour justifier ( très modestement) je reviens à mon cours, je vais définir les deux états différents - deux phases , de la même substance. L'une est stable à des températures basses, et une autre est stable à des températures plus élevées. A la température de transition, l'énergie libre ( c’est l’énergie de transformation d’un travail utile ) des deux phases doit être la même. Les premières dérivées de l'énergie libre, par exemple, l'entropie ( vient du mot grec ‘Entropia’ que les Français ont gardé pour désigner l’évolution vers le désordre ou le manque d’information…) , peuvent avoir un saut à la transition; dans ce cas, on parle de transition de phase de premier ordre ( Les exemples les plus connus sont les transition liquide-solide et liquide-gaz). Il se peut aussi que les dérivées premières soient continues, mais les deuxièmes dérivées, par exemple, la chaleur spécifique ou la capacité ( tous les mots en physique ont une signification), ont un saut, on parle de la transition de phase de deuxième ordre. (Des exemples sont les supraconducteurs, les matériaux magnétiques, pyroélectrique,….). Notons qu’il y a aussi des transitions de phase qui ne peuvent pas être décrites par une telle classification. Par exemple, les transitions de phase quantiques qui se produisent à la température zéro, et les phases existent à différentes valeurs d'un autre paramètre, par exemple, le désordre.
Selon Edgar Morin, pour comprendre le monde, il faut associer les principes antagonistes d’ordre et de désordre, en y adjoignant celui d'organisation. Morin oppose la complexité désorganisée et la complexité organisée. L'idée de complexité désorganisée vient du deuxième principe de la thermodynamique et à ses conséquences (entropie toujours croissante). La complexité organisée, elle, signifie que les systèmes sont eux-mêmes complexes, parce que leur organisation suppose ou produit de la complexité. Il y aurait une relation entre la complexité désorganisée et la complexité organisée.
Edgar Morin nomme "auto-éco-organisation" le fait que l’auto-organisation dépende de son environnement, car elle y puise de l’énergie et de l’information. En effet, comme elle constitue une organisation qui travaille à s’auto-entretenir, elle dégrade de l’énergie par son travail, donc doit puiser de l’énergie dans son environnement.
Les sciences doivent alors, devenir pluridisciplinaires, voire transdisciplinaires et multidisciplinaires. "Tôt ou tard, cela arrivera, à partir du moment où s’y implantera l’idée d’auto-organisation; cela devrait arriver dans les Sciences humaines, bien qu’elles soient extrêmement résistantes", dit Edgar Morin.
« Nous sommes encore aveugles au problème de la complexité. Or cet aveuglement fait partie de notre barbarie. Il nous fait comprendre que nous sommes toujours dans l’ère barbare des idées. Nous sommes toujours dans la préhistoire de l’esprit humain. Seule la pensée complexe nous permettrait de civiliser notre connaissance. » (E. Morin, Introduction à la pensée complexe)
Si nous partageons un bon nombre d'idées avancées par Edgar Morin, nous pouvons être réticents par rapport à son ambition généralisatrice. Par exemple, Edgar Morin déplore que certains rejettent la complexité générale. Selon lui, ils la rejettent parce qu’ils n’ont "pas fait la révolution épistémologique et paradigmatique à laquelle oblige la complexité".
En tant qu’être humain, individu, personne, et citoyen, on ne peut pas savoir si la complexité généralisée concerne tous les champs qui nous préoccupent. la problématique de la complexité est un concept scientifique et philosophique d'un usage limité.
Sihem Jaziri
Professeur Université de Carthage
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