Tous les mêmes, tous suspects
Les odieux attentats de Bruxelles ajoutés à ceux tout aussi ignobles de Paris, de Tunis, d’Istanbul, de Ouagadougou, de Bamako, de Grand-Bassam… viennent administrer la preuve, si besoin était, que la terreur est désormais mondialisée, ce qui est conforme aux déclarations et aux visées des terroristes. En effet, dans leur démesure mégalomaniaque, Ils se sont fixé des objectifs universels et veulent faire de la planète entière le terrain de leurs actes macabres.
Tous ces crimes et d’autres encore ont été commis au nom d’Allah par des individus se prétendant « musulmans ».Et contrairement à leurs dires et à leurs revendications, cesattentats n’ont épargné aucune croyance, aucune origine, aucune culture. Leurs victimes ont été chrétiennes, juives, bouddhistes, athées mais surtout et en majorité musulmanes …Ainsi ont-ils déclaré la guerre à l’Humanité entière à laquelle ils dénient, par ailleurs, toute humanité.
Assignation identitaire
Etant donné que les terroristes sont issus pour la plupart des rangs de l’immigration « arabo-musulmane », les musulmans européensou supposés comme tels, alors qu’ils paient à chaque attentat un lourd tribut, sont sommés, à chaque fois, par leurs concitoyens d’autres cultures, origines ou croyances, de s’expliquer, de se désolidariser voire de s’excuser et de prouver leur innocence.
Cette assignation identitaire prend l’allure d’une injonction paradoxale, d’une «double contrainte »qui consiste à dire simultanément: «soyez et ne soyez pas ce que vous êtes»; «soyez laïcs et en même temps musulmans»; «pas de communautarisme et manifestez-vous comme communauté »Ainsi en était-il en 2014 de L’opération «Pas en mon nom », lorsqu’on a assisté à l’étrange paradoxe où des Républicains laïcs exigeaient de chacun de leurs concitoyens supposés musulmans de se déterminer collectivement et d’afficher ainsi leur religion! Ce qui revient à dire : « assimilez-vous mais quoi que vous fassiez vous ne le serez jamais tout à fait… »
Cette responsabilité collective prononcée à partir des actes de quelques-uns s’appuie sur une culpabilité ontologique qui postule que tout musulman est coupable a priori. Cette suspicion est sous-jacente à la polémique actuelle en France sur la déchéance de la nationalité pour les binationaux, la revendication par certains de la réinstauration de la peine capitale et de l’application d’une réelle perpétuité pour les terroristes. Elle est sous-jacente aussi à la multiplication des actes anti-musulmansen France et en Europe et dont le dernier est l’incendie de la grande mosquée de Madrid. C’est en fait, l’ultime étape d’un processus complexe : l’amalgame conduit bien vite à la stigmatisation et la stigmatisation à l’accusation et l’accusation conduit parfois au passage à l’acte et à la violence physique ou verbale.
Musulmans en Occident
Il n’est pas bon être musulman ou être perçu comme tel en France et en Europe actuellement, car la fabrique à amalgames ne s’arrête jamais et elle se renouvelle et se durcit sans cesse. A l’équation qui établissait dans les années 50 et 60 une équivalence entre les Nord-Africains = les Maghrébins = les Immigrés, tous voleurs, tous sales, tous délinquants, s’est substituée une autre assimilant tous les Arabes = tous les musulmans = tous les réfugiés aux terroristes et plus récemment aux violeurs et aux délinquants sexuels.
Sinon comment expliquer la banalisation des réflexions racistes, des humiliations, des brimades et des contrôles au faciès ? Comment comprendre les regards hostiles et suspicieux dans les transports en commun, dans les gares, dans les administrations, bref dans tout l’espace public ? Plus d’un supposé musulman ont dûse résoudre à rassurer ceux qui les suspectaient en déclarant à la cantonade leur hostilité au terrorisme ; d’autres ont dû informer de leur non-appartenance à l’Islam, à l’instar de Barak Obama lors de sa première campagne présidentielle. Faut-il que ceux que l’on pourrait prendre pour musulmans affichent leur pacifisme, leur opposition au terrorisme, déclarent leur athéisme… en portant un signe distinctif ? Une étoile verte par exemple. Voire ! Que l’on pense à tout ce que doiventendurer les femmes voilées du fait de leur visibilité, de leur Islam flagrant.
Cette culpabilité se trouve parfois intériorisée par ceux-là mêmes qui en sont victimes ou par les intellectuels issus de leurs rangs.Ainsi certains se conforment aux injonctions et reproduisent les clichés comme ce journaliste maghrébin de talent qui a ressorti les théories culturalistes les plus éculées pour justifier l’amalgame fait entre immigrés et délinquants sexuels, à la suite des événements de la Saint-Sylvestre à Cologne.
Plus récemment, après les massacres de Bruxelles, un romancier d’origine maghrébine, célèbre et à succès, a tenu les parents des terroristes pour responsables car ils n’ont pas su transmettre à leurs progénitures la culture idoine qui leur aurait éviter de tomber dans les griffes des recruteurs au Djihad.
Après les attentats de novembre 2015 à Paris, on a même eu la surprise de voir et d’entendre un collectif d’imams de Francequi, pour donner des gages de leur ferme condamnation du terrorisme, ont entonné, par excès de zèle, les passages les plus sanglants le plus contestables de la Marseillaise, mais il est vrai que leur connaissance du français semblait approximative.
Les mots contre les armes
Dans ce contexte délétèreoù la scène médiatique et culturelle est dominée par les néoconservateurs,Il faut saluer le courage d’EdwyPlenel, de Shlomo Sand, de Raphaël Liogier, d’Enzo Treveso et d’autres encore…qui n’ hésitent pas à défendre toutes les minorités de France et notamment la musulmane qui est en passe de remplacer les juifs dans l’imaginaire et les exactions racistes.
Ces intellectuels, véritables lanceurs d’alerte, tirent la sonnette d’alarme et s’élèvent contre la dérive sécuritaire dictée par la peur et la haine. Ils s’élèvent contre la « bouc-émissairisation » des musulmans et contribuent ainsi à contre carrer les plans et à déjouer l’agenda des terroristes car ces derniers par la terreur entendent semer la peur et la suspicion et provoquer ainsi les divisions, la discorde et la guerre civile.
Slaheddine Dchicha