En quoi apprendre le Coran gène-t-il ?
Pouvons-nous vivre sans polémique? Je pense que ce n'est plus le cas. Aurions-nous développé un besoin obsessionnel pour la polémique? Manifestement, oui. Comme si un certain nombre de nos compatriotes s'ennuient sans polémiquer. C'est devenu le meilleur moyen pour rompre avec un quotidien routinier et monotone. Dernière en date, la polémique soulevée par l'idée d'enseigner le Coran dans les écoles durant les vacances d'été.
Ceci se fera bien évidemment sous la tutelle de l'État, ne sera pas obligatoire et les écoles seront aussi ouvertes pour d'autres activités culturelles qui seront proposées. Par conséquent, je ne comprends pas l'opposition frontale de certains concernant l'apprentissage du Coran durant ces vacances. Comme d'habitude, l'exagération est au rendez-vous, il y a même ceux qui disent que ceci fera émerger une génération d'extrémistes, de fanatiques et de daechiens. Bref, c'est à qui mieux mieux.
Les générations qui nous ont précédé et qui ont appris le Coran, incarnaient-elles un danger? En quoi apprendre le Coran dérange-il et gêne-il? Enfant, j'ai appris le Coran, suis-je un terroriste? Peut-être un terroriste passif, refoulé ou que sais-je encore? Ceux qui s'opposent frontalement à cette proposition, veulent-ils que l'enseignement du Coran soit abandonné aux charlatans dans les bas-fonds et dans les écoles clandestines? L'Etat doit-il se désengager de la religion pour laisser le large panel des islamistes se l'approprier?
Cette question de l'enseignement du Coran est beaucoup plus profonde. Elle est révélatrice d'un autre type d'extrémistes, les anti-religieux primaires. Les polémistes les plus virulents, les plus aigris et ceux qui ont déclaré la guerre à cette proposition n'ont pas de problème avec l'idéologie islamiste mais avec l'Islam tout court. Pour eux, pour avancer et devenir moderne, il faut balayer d'un revers de main la religion. Et ces extrémités anti-religieux sont autant dangereux que les fanatiques islamistes, car ils se nourrissent mutuellement. Les premiers, par leur haine de la religion, donnent du pain bénit aux seconds.
Pour eux, la religion est cette "chose" archaïque, encombrante, embarrassante et lassante dont il faut se départir une bonne fois pour toute. C'est le dernier carcan dont il faut se débarrasser pour accéder à la Civilisation. Ces gens feignent d'ignorer que les nations les plus modernes et les plus développées sont celles qui ont su allier authenticité et modernité et ne les ont pas opposé.
Être ouvert d'esprit, être moderniste ne signifie pas s'acculturer, renier son identité et se déraciner. Surtout dans cette phase historique très sensible, nous ne pouvons combattre l'extrémisme islamiste qu'en dotant nos enfants d'un bon enseignement religieux ouvert et tolérant comme cela a été le cas durant des siècles dans la prestigieuse Zitouna. Mais aussi d'un Islam spirituel soufi, bien répandu dans nos contrées, qui a toujours immunisé notre pays et notre peuple contre le wahhabisme. Cette polémique est un faux problème, un de plus dont la Tunisie n'a pas besoin.
Chedly Mamoghli