Palestine - Israël : Grandes manœuvre autour de la Conférence internationale pour la Paix
Par Mohamed Larbi Bouguerra - Dimanche 15 mai 2016, M. Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires Etrangères français, doit rencontrer Benjamin Netanyahou à Jérusalem pour le convaincre de ne pas rejeter l’initiative de Paris : une conférence internationale pour la paix prévue à la fin de l’année à Paris. Un sommet sur le processus de paix se tiendra en effet dans la capitale française le 30 mai 2016 en présence d’une vingtaine de délégations étrangères - mais en absence des Palestiniens et des Israéliens. Dimanche après-midi, M. Ayrault rencontrera le Président Abbas à Ramallah avant de repartir pour Paris dans la soirée.
DES HOMMES EN COLERE !
Entre Ayrault et Netanyahou, l’atmosphère sera plutôt électrique. Le Premier ministre israélien se prétend très en colère après le vote par la France, le 14 avril 2016, à l’UNESCO, de la résolution - à l’initiative des délégations arabes - condamnant l’occupation par Israël des différents sites culturels palestiniens tant à Jérusalem qu’à Hébron. Netanyahou et ses hommes n’arrêtent pas de fustiger la France pour ce vote.
A Paris, il y a aussi un homme qui n’a pas du tout apprécié cette résolution. Il s’agit de M. Roger Cukierman, président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF). Ce monsieur est si scandalisé qu’il en a écrit à M. Hollande pour épancher sa bile. M. Ayrault, avant de s’envoler pour voir Netanyahou et Abbas, passera donc par la case CRIF, samedi 14 mai 2016, pour convaincre ce grand manitou qui affirme, à qui veut l’entendre, que « le Quai d’Orsay ne nous écoute pas du tout »! M. Manuel Valls avait déjà commencé cette calinothérapie en déclarant, devant les députés, à propos de cette résolution : « Le vote de cette résolution a suscité en Israël et ici en France, des inquiétudes » et déploré « des formules malheureuses, maladroites et qui auraient dû être incontestablement évitées ». Déclaration proprement extraordinaire de la part d’un chef de gouvernement car qui a donné l’ordre de voter cette résolution si le chef de l’exécutif de la France n’en est pas satisfait ? « Hibat eddawala » pose problème non seulement chez nous mais aussi sur les bords de la Seine ?! « Hibat eddawla » est aussi mise à mal quand un député, M. Meyer Habib (UDI), éructe son mécontentement à propos de cette résolution au Palais Bourbon en s’exprimant en hébreu ; foulant aux pieds l’article 2 de la Constitution française ( « La langue de la République est le français ») sous le regard impavide du Premier Ministre et de M. Bartolone, président du Parlement.
Outre MM. Valls et Ayrault cependant, M. Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, avait été reçu au CRIF le 9 mai 2016 et évoqué une diminution du nombre de départs de juifs français vers Israël ainsi qu’une baisse importante des actes antisémites. Il devait aussi critiquer le vote de son pays ! De son côté, M. Haïm Korsia, le grand rabbin de France, n’est pas content, lui non plus. Il prétend que la résolution fait peu de cas des liens des juifs avec Jérusalem et « la rejette totalement. »(Haaretz, 11 mai 2016).
TRACTATIONS TOUT AZIMUT
Pour certains analystes, si la France a voté, à l’UNESCO, en faveur de la résolution sur Jérusalem, c’est pour amener les Palestiniens à geler leurs efforts pour faire passer au Conseil de Sécurité une résolution condamnant les colonies illégales israéliennes en Cisjordanie. On rappelle que les Etats Unis ont utilisé près de quarante fois leur veto au Conseil de Sécurité pour éviter une condamnation de l’Etat sioniste… sauf – exception unique- lors de la lâche attaque de Hammam Chott en octobre 1985… par la grâce de l’aura d’Habib Bourguiba ! Que cherche donc M. Hollande en voulant empêcher la Palestine d’en appeler au Conseil de Sécurité pour condamner la colonisation sioniste ?
Avec Netanyahou, M. Ayrault aura fort à faire : l’homme, lors d’une réception des ambassadeurs le 8 mai 2016, à l’occasion de la fête de l’Indépendance d’Israël a prétendu- en dépit de son torrent de déclarations en sens contraire -être d’accord pour la solution à deux Etats. Le hic, prétend-il, est que Abbas ne répond pas à ses avances et que lui, ne veut pas d’interférences étrangères dans les négociations israélo-palestiniennes! Même pas celles des Etats Unis, éternel parapluie de l’Etat sioniste?
La diplomatie française compte sur la présence de vingt ministres des Affaires Etrangères et espère surtout que Russes et Américains seront de la partie. Ce qui donnerait éclat et sérieux à son initiative. Lundi 9 mai 2016, l’Américain John Kerry était à Paris et a rencontré Ayrault. La Conférence de paix était le plat de résistance des deux ministres. On laisse entendre que Kerry serait prêt à participer si on repoussait de quelques jours la conférence et si certains changements étaient apportés. M. Ayrault aurait prêté une oreille attentive mais doit d’abord en référer à M. Hollande. De son côté, M. Kerry a parlé à M. Abbas mardi 10 mai 2016 et l’agence de presse palestinienne a déclaré que Abou Mazen apportait son soutien à la démarche française et avait invité les Américains à faire de même.
BRISER L’ENFANCE PALESTINIENNE
A l’heure où ces tractations ont lieu et au moment où M. Ayrault part rencontrer Netanyahou, Israël empêche Omar Barghouti, fondateur du mouvement non-violent BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions)(Titre d’ailleurs de son livre paru aux Editions La Fabrique à Paris en 2010) de voyager au mépris des droits humains de base. En décembre 2007 il confiait à un journal italien: « Israël, un Etat dont les incessantes actions de purification ethnique et de déshumanisation criminelle des Palestiniens se font de façon plus ou moins ouvertes, n’a plus recours qu’à la brutalité, au terrorisme intellectuel, et à l’intimidation vis-à-vis de la communauté internationale. » De nombreuses associations américaines comme Jewish Voice for Peace JVP (Voix Juive pour la Paix) ont lancé une campagne demandant à John Kerry d’intervenir en faveur de Barghouti étant donné l’aide économique, militaire et diplomatique que consent son pays à l’occupant sioniste. En mars 2016, le ministre des Renseignements et de l’Energie atomique Yisraël Katz avait demandé au gouvernement d’autoriser le Mossad à éliminer les leaders du mouvement BDS !
Brutalité, terrorisme intellectuel, intimidation disait Omar Barghouti…Oui, comme en témoignent plusieurs organisations de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine. Elles ont publié un terrible rapport sur le comportement sauvage des autorités israéliennes vis-à-vis des jeunes Palestiniens… qui encourent - en vertu d’une nouvelle loi portée par la ministre de la justice d’extrême droite Ayelet Shaked - 20 ans de prison s’ils jettent des pierres sur les forces israéliennes et sur leurs blindés…s’ils ne sont pas abattus, séance tenante, dans la rue, par la soldatesque israélienne.
Chaque année, 500 à 700 de ces jeunes passent depuis 2000 par les prisons militaires israéliennes. Fin février 2016, plus de 400 mineurs - dont 104 âgés de 12 à 15 ans - ont été emprisonnés, sans compter les nombreux autres, arrêtés souvent de nuit puis relâchés après un interrogatoire musclé à base de gifles, coups de pied, insultes, interdiction d’aller aux toilettes et agressions sexuelles. Les auteurs du rapport - Acat (Action des Chrétiens pour la Paix), la Ligue des droits de l’homme, Addameer, Defense for Children International, l’AFPS (France Palestine Solidarité)….- concluent : « La société palestinienne dans son ensemble est déstructurée par le sort que les autorités palestiniennes réservent à ses enfants. La recrudescence des arrestations et détentions de mineurs rend chaque jour plus improbable la reprise du processus de paix ». (https://www;acatfrance.fr/public:rapport_enfances_brisees.pdf).
Ces enfants lanceurs de pierres, Nizar Kabani les a chantés comme personne quand il dit :
« Ils ont ébloui le monde
Alors qu’ils n’ont dans les mains que des pierres……
Ils se sont levés…ils ont combattu…ils sont tombés en martyrs
Nous sommes demeurés des ours polaires
Le corps revêtu d’une armure contre la chaleur…
Ils ont combattu à notre place…jusqu’à se faire tuer…
Nous nous sommes assis au café…comme un crachoir en coquilles
L’un… cherchant un quelconque commerce
L’un..cherchant un autre milliard…
Et une quatrième épouse….
Et des seins polis par la civilisation…
L’un…cherchant à Londres un château haut perché
L’un ….trafiquant en armes…
L’un.. cherchant vengeance dans les bars…
L’un….cherchant un trône, une armée, un émirat….
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Ô génération de la trahison….
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Les enfants des pierres….
Auront raison de toi- même si l’Histoire tardera à se prononcer.
Nizar Kabani, Œuvres politiques complètes, tome 6, p. 203-204 , Editions Nizar Kabani, Beyrouth, Janvier 1999)
Mohamed Larbi Bouguerra