Fadhel Moussa :«Le plus grand combat de Mohamed Ali»: Sur un ring de boxe ou sur le ring de la Cour suprême?
«Mohamed Ali’s Louisville» tel est le titre de l’effigie géante qui vous croise à l’entrée de cette métropole de l’Etat du Kentucky aux USA. Mais il y a une rue, une Avenue, un musée et un site classé aussi en son nom. Sur la stèle en bronze, faisant face à la maison familiale érigée en site classé, est gravée sa légende. Ce site sera un point de passage naturel du cortège pour ce dernier voyage.
Il est à noter que ce «Mohamed Ali’s Site» figure déjà comme monument sur le circuit des visites officielles au même titre que : le somptueux capitole du Kuntuky, réplique fidèle de celui de Washington.D.C, où nous avons été reçus par le représentant Tom Burch ; la fameuse « University of Louisville » fondée en 1798 où nous y trouverons une autre effigie légendaire celle de « Kennedy for President » ainsi qu’une célèbre statue du «Thinker» le « penseur de Rodin » ornant l’entrée ; la célèbre « Altherton school » un établissement public d’enseignement secondaire de réputation internationale où on enseigne aussi la langue arabe en option ; le Derby county célèbre club hippique mondialement connu et la fameuse distillerie de bourbon fleuron de l’industrie artisanale américaine de spiritueux fondée par Jim Bean. C’était il y a une année jour pour jour.
Ce que je retiens de cette tournée aux USA c’est le piédestal sur lequel a été placé Mohamed Ali, l’aura dont il bénéficie et le respect qui lui est voué pour sa personnalité exceptionnelle et ses exploits sur le ring de boxe mais aussi sur le ring de la justice. Il va sans dire que s’il n’a pas que des adorateurs, il a marqué l’Amérique et le reste du monde.
Sur le ring de boxe : L’histoire apprendra qu’en 1954 à 12 ans il est victime du vol de son vélo, il voulait punir le voleur. Il prendra à cette fin et pour se défendre des cours de boxe. Six ans plus tard il deviendra champion olympique à Rome en 1960. Il engrangera les victoires sur les rings de boxe dans un style qui lui est propre: «voler comme un papillon et piquer comme une abeille ». Une idole mondiale est née. Il sera surnommé «the greatest» «le plus grand».
En Tunisie comme ailleurs il nous laissera éveillés plusieurs fois pour suivre ses combats à la télévision qui étaient des événements planétaires. Nous garderons en souvenir indélébile particulièrement ses trois combats contre Joe Frazier et celui contre G. Foreman à Kinshasa en 1974 pour le titre de champion du monde arbitré par notre compatriote Adala. La reconquête magistrale pour la troisième fois du titre de champion du monde des poids lourds dans ce qui était considéré comme le combat du siècle reste un exploit unique dans l’histoire du noble art. Cet exploit a été fêté chez nous avec la même ferveur que fut fêtée la médaille d’or olympique de Mohamed Gamoudi au Mexique en 1968, ou notre première victoire contre le Mexique lors de la coupe du monde en Argentine en 1978.
Mais son engagement pour la défense des valeurs de la paix et des droits de l’homme ont grandement marqué aussi sa légende. Le président Obama n’a pas manqué de saluer son rôle dans la lutte pour les droits civiques, le comparant à Martin Luther King et à Nelson Mandela ajoutant: "Il a parlé quand d'autres ne le faisaient pas".
Sur le ring de la justice : En effet ce qui marquera aussi son histoire c’est le défi qu’il a lancé et la publicité qu’il a fait en se convertissant à l’Islam en 1964 puis en rejoignant l’Islam sunnite en 1972 et en optant pour le nom du prophète au sens propre. Il deviendra, au sens figuré, «prophète» dans son pays après avoir renoncé à être Dieu se contentant d’être un homme black fier avec les pleins droits.
Il ne manquera pas de faire valoir une objection de conscience pour refuser de faire la guerre au Vietnam. Il n’a pas craint d’être déchu de ses titres et interdit de boxer pendant trois ans et demi à l’apogée de sa carrière écopant des peines d’amende et de prison en 1967 par une juridiction inférieure. Dans sa décision Clay c. États-Unis, 403 US 698 (1971), sur appel de Muhammad Ali de sa condamnation pour avoir refusé son enrôlement dans l’armée, la Cour Suprême des États-Unis à l’unanimité a infirmé la condamnation et a indiqué que le gouvernement avait omis de préciser correctement pourquoi la demande d'Ali avait été refusée. La Cour a déclaré que «le dossier montre que les croyances [Ali] sont fondées sur des préceptes de la religion musulmane comme il les comprend».
La cour a ainsi répondu à une question essentielle: Peut-on se soustraire au service militaire arguant de la liberté de conscience ? Elle a penché dans un premier temps vers une réponse négative puis elle s’est ravisée étendant sa jurisprudence dans l’affaire Sicurella des témoins de Jéhovah de 1955 qui a reconnu ce droit.
Muhamed Ali aura ainsi livré et remporté son plus grand combat obtenant gain de cause. Cette affaire sera portée à l’écran dans un film « Muhammad Ali’s Greatest Fight ». Le grand cinéaste Stephen Frears reconstituera les débats à huis clos qui ont opposé les juges de la Cour suprême américaine. La leçon plus générale et principale à tirer de cette affaire c’est que la liberté de conscience a bien servi l’Islam contrairement à ceux qui pensent que cette liberté le desservira.
Mohamed Ali n’est jamais revenu sur ses convictions et en particulier son attachement à l’Islam sunnite modéré. A Los Angeles sur le Hollywood Boulevard, il sera le seul parmi les célébrités « étoilées » à avoir obtenu que son étoile ne soit pas gravée sur le trottoir, mais sur un mur à hauteur d'homme. "Je porte le nom du prophète Mahomet et il est impossible que je permette à des gens de piétiner son nom" aurait il dit. Une icône s’est éteinte. Il a été tant aimé chez nous. Son souvenir restera gravé. Adieu l’artiste. Allah yerhmou.
Fadhel Moussa