Gouvernement d’union nationale : Compétence, argent et travail, trois conditions préalables
Point de vue d’un ancien haut responsable - L’union nationale est un concept séduisant. L’union fait la force, dit-on. L’union permet de venir à bout de toutes les difficultés. Car ensemble on peut faire des miracles. Mais qu’en est-il lorsqu’on parle de gouvernement d’union nationale. Cela suppose que le pays soit dans une situation exceptionnelle pour qu’on puise envisager la mise en place d’un tel gouvernement. Telle une guerre imminente ou des difficultés insurmontables. Auquel il faut recourir aux dispositions exceptionnelles prévues par la Constitution.
Mais dans une situation de paix civile ou de paix tout court ce genre de gouvernement n’a pas beaucoup de sens. Car comment mettre ensemble des courants politiquement différents sinon opposés. Comment concilier entre ceux qui mettent la priorité sur les programmes et ceux qui placent en avant les hommes et les femmes appelés à siéger au sein de ce gouvernement. C’est une évidence que c’est un gouvernement difficile à mettre en place et impossible à gérer. Car l’on reviendra à la méthode des quotas qui consiste à un partage du pouvoir comme il s’agit d’un butin, sans prendre en considération la compétence. Dans la situation extrêmement difficile que vit la Tunisie, ce qu’il faut c’est une gouvernance de crise, plus qu’un gouvernement d’union nationale. Pour ce faire trois conditions me paraissent d’une importance primordiale ;
Primo
Un gouvernement resserré composé essentiellement de compétences nationales. Les ministres seront choisis sur la base de ce seul critère, la compétence dans le domaine qu’ils sont appelés à gérer. Le pays ne peut se permettre de placer dans l’exécutif national ni des stagiaires ni des compétences en herbe. Comme pour une équipe nationale sportive il faut choisir les meilleurs et les mieux en forme. Le chef du gouvernement doit être un animateur d’équipe mais aussi une personnalité dotée d’un fort caractère capable de prendre les décisions courageuses et qui ose aller toujours de l’avant. Les compétences, il faut aller les chercher à où elles sont. On peut les trouver parmi les anciens responsables qui ont été placés pour la plupart en quarantaine pour appartenance à l’ancien régime. Continuer à les ignorer c’est refuser de bénéficier de leur apport au service du pays. Pourquoi continuer à priver la patrie de ses compétences quand le mot d’ordre du président Caïd Essebsi est « la patrie avant les partis » !
Secundo
Pour changer la situation actuelle, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. L’argent c’est le nerf de la guerre. L’argent on peut le trouver sur place si on sait où aller le chercher. Nos hommes d’affaires en disposent. Il faut les rassurer par des décisions courageuses pour investir leur argent dans les zones dites marginalisées. Six ans après la révolution, il faut savoir tourner la page et mettre en œuvre une législation de réconciliation économique et financière sans ambages.
L’administration doit être un outil d’impulsion. Pour ce faire, il est indispensable de réhabiliter les hauts cadres et de leur accorder pleine confiance dans l’accomplissement de leurs tâches. Il faut que notre diplomatie œuvre dans les faits pour qu’un soutien exceptionnel soit accordé à la Tunisie par nos partenaires étrangers que ce soit le G7, l’Union Européenne ou les pays arabes du Golfe. Il n’y a aucun mal à demander des sous à l’Etranger si c’est pour les investir dans le développement du pays. Nous sommes en droit d’attendre ce soutien d’autant que nous aurons déjà fait l’effort de placer d’abord l’argent du pays au service de son développement.
L’aide publique est la bienvenue, mais ce qu’il faut ce sont surtout des investissements directs, car ce sont eux qui sont créateurs d’empois et générateurs de richesse.
Tertio
Il faut remettre le pays au travail. Le Tunisien ne travaille pas ou si peu. On est rentré dans le cycle infernal de la revendication tous azimuts. Sans travail sans production, les majorations salariales ne font que nourrir l’inflation. Les hausses des prix que tout le monde remarque et l’amenuisement du pouvoir d’achat qui en est la conséquence ajoutent aux difficultés du pays le sentiment d’impuissance et de crainte de l’avenir. Le glissement inexorable de notre monnaie nationale aggrave l’inflation interne par l’importation de l’inflation externe, rendant la situation intenable. Il faut négocier avec l’UGTT des révisions triennales générales des salaires sur des bases convenues ensemble.
Dans l’intervalle, il faut se soucier de la production et de la productivité. Sans une réhabilitation de la valeur travail rien ne se fera et rien ne sera possible. Sans ces trois conditions préalables, un changement de gouvernement peut amener peut être un changement de style, mais il ne peut amener les changements profonds attendus.
Néjib Essoussi
Pseudonyme d’un ancien haut responsable national qui a requis l’anonymat