De l'altruisme à l'horizon de pensée
Comment appréhender avec le recul des années l’immense prestige dont jouissait Hassouna Ben Ayed ? Par ou commencer ? Son enfance ? Son adolescence ? Ses études ? Sa vie professionnelle? Comment apprécier ces étapes qui l’on façonné ? Et qui sont les miroirs de son être et de sa personnalité.
Il y a bien des réponses…
Hassouna ne s’est jamais totalement dévoilé, il était pudique, il ne m’appartient pas de tout dévoiler.
Je crois qu’il faut d’abord évoquer la séduction de sa personnalité.
Au village, on l'appelait Hakim
Hassouna incarnait une forte noble et belle tradition, celle du bon pour ne pas dire du grand médecin, du médecin généreux, humain, disponible.
C’était un homme du monde qui s’imposait par sa culture, sa discrétion par son écoute, par ses vertus de sociabilité et d’honnêteté et aussi par sa puissante intelligence toujours disponible et nullement spécialisée.
Si Je résume d’une image ou d’un mot la relation entre le père Mustapha et son fils Hassouna, je dirais : une estime réciproque.
Il y avait une entente et une compréhension mutuelle, une grande liberté dans leurs rapports. Au point d'être le seul autorisé à fumer devant son père, notre père. Il avait droit aussi à son cheval et c’est peut-être de là que vient son amour des voitures sportives : sa MG, ou son coupé Karman.
C’était un homme de conviction, républicain et Bourguibiste. Telle était sa profession de foi politique déclarée à haute voix puis acceptée dans la maison familiale de Djerba, située à 4 Km du lieu de naîssance du militant Salah Ben Youssef.
Ainsi, Il a fêté le 25 juillet 1957 à Houmt Souk avec les amis et ses proches.
Son éducation a débuté par l’école coranique, où sa mémoire est exercée par des heures d’apprentissage, de travail acharné. Il y forgeait une volonté d’acier.
Plus tard, à la mosquée El Gaied Sedghian à l’occasion des Aïds, Il se mettait à la troisième place, juste après l’imam à la droite de son père.
Puis, c’est l’Ecole Franco-arabe de Mahboubine. Il avait alors le privilège et le bonheur d’avoir un moyen de transport dont il était fier: son âne.
Ensuite le Cours complémentaire à Houmt Souk. Son moyen de transport change: une bicyclette.
Vient alors le Départ pour la lointaine Tunis et le Lycée Alaoui, et enfin, Paris et la faculté de médecine.
Et à chaque retour de Paris, il avait droit à un accueil privilégié, fêté par le sacrifice d’un mouton.
Au village on l’appelait Hakim (le sage, le médecin du corps et de l’âme). Sollicité pour ses connaissances des pratiques médicales, il dispensait généreusement et gratuitement ses soins. Un certain été, je m’en souviens, pour certains malades qui ne pouvaient pas se déplacer, c’était son beau frère, Hédi Ben Ayed qui le conduisait dans sa Traction 15 légère.
A Paris, au contact de célèbres professeurs tel J. Hamburger, il perfectionnait encore ses facultés intellectuelles, apprenait son métier de médecin mais il développait aussi son humanisme.
Avec ses confrères des premiers temps à Djerba, docteurs Pietrini et Boulakbache, il avait des relations confraternelles exemplaires. Son amitié avec le docteur Mhamed Ben Salah était indissoluble, indestructible.
Tout ceci peut paraître idéal, mais c’est l’image qui me reste.
A Paris, il rencontre aussi Madeleine, avec qui il fonde une famille et rentre en Tunisie en 1962.
Et tous les deux, au début du service M8, avec passion, ils s’attèlent à la tâche: développer, enraciner, la médecine tunisienne.
Il était aussi un père affectueux, aimant, attachant et un frère sage, sincère et fidèle.
Tout ceux qui l’on connu sont d’accord pour vanter sa générosité, sa gentillesse, son esprit, son altruisme ainsi que la rencontre bouleversante de son regard pur.
De par le monde, des sommités lui ont rendu hommage tout au long de sa carrière.
Et pourtant, il était la simplicité même. Il ne s’est pas isolé dans sa tour d’ivoire mais était resté toujours dévoué à ses patients, au contact de son équipe, écoutant souvent, parlant peu mais donnant de précieux conseils. «Ex cathedra» il n’avait pas la prétention d’être un monarque infaillible ou irresponsable. Il privilégiait la liberté de décision, laissant toujours un choix.
Sa voix monotone quelquefois à peine audible qualifiée par le Professeur Zmerli d’« Asthénie familiale des corde vocales », pouvait laisser la place à un silence assourdissant après une remarque cinglante.
Un esprit éclairé, généreux, humain
Il était aussi citoyen du monde, mais avant tout patriote… sans chauvinisme.
Si Hassouna n’était pas un violent, il avait ses convictions, voulait un monde meilleur mais restait un pacifiste éclairé.
Et il me fascinait, nous fascinait tous par son optimisme. Avec lui, le point de non retour n’était jamais atteint. Il était l’homme de l’espoir.
Il était attentif aux souffrances, aux douleurs, au mal et au calvaire des autres. Sa pratique clinique était un mouvement, oui un mouvement d’amour vers l’autre, sans quoi, il ne saurait y avoir de véritable connaissance médicale. Sa pratique était aussi une expression de sa propre sensibilité. Et c’est à ce prix que sa médecine devient imagination, LIBERTE et épanouissement. Tel est l’humanisme de Hassouna.
Au soir de sa vie, notre père, suivant la tradition familiale, lui conféra deux symboles: un fusil et un Coran.
Le fusil dit la difficulté et l’effort constant dans toute pratique et toute action humaine.
Le Coran dit le séjour du divin dans le coeur et la raison des hommes.
Tel fut l’héritage de son papa, qu’il avait assimilé puis retransmis à son entourage, ses élèves, son équipe.
L’effort du praticien est matérialité et foi. Effort noble.
Mais chez Hassouna, il faut y associer la volonté, l’ardeur et ma pensée se tourne vers André Gide lorsqu’il dit « le bonheur n’est pas dans le confort et dans la quiétude, mais dans l’ardeur », voilà ce qui est peut-être une constante de l’oeuvre de Hassouna Ben Ayed.
Il ne s’agit pas uniquement d’ardeur, mais aussi de ferveur qui va de pair avec la sincérité, la loyauté envers soi-même et les autres. N’est-ce pas là, le vrai sens de l’authenticité ?
C’est dire donc que l’oeuvre de Hassouna Ben Ayed est non seulement un exemple d’altruisme, mais elle est avant tout le résultat d’un esprit éclairé, généreux, humain.
Farhat Ben Ayed
Le frangin reconnaissant, pour tout le passé
Relu et enrichi par ses enfants : Fatmi, Elies et Lamia
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