L’UGTT: L’histoire d’un monument national
L'Union générale tunisienne du travail (UGTT) tient son vingt-troisième congrès à Gammarth. Je souhaite saisir cet heureux événement pour exprimer mon admiration et toute ma sympathie à ce monument de notre glorieuse histoire. L’occasion aussi pour moi pour reprendre la publication des mes opinions après un silence de plus de 8 mois.
L'UGTT est la principale centrale syndicale de Tunisie avec 750 000 adhérents. Fondée le 20 janvier 1946 par Farhat Hached, figure emblématique de la lutte contre l’occupation française. Il fut lâchement assassiné dans une opération terroriste -le terrorisme est une ancienne histoire française- commise par les services spéciaux français le 5 décembre 1952.
L’UGTT a joué un rôle central dans la lutte pour l’indépendance. Elle était à l’origine de l’exceptionnelle mobilisation des Tunisiens du 17 août 1946, c’est-à-dire à peine 7 mois après sa création. Par son action et sous son égide elle a donné naissance le 23 août au Front pour l’Indépendance ; un Front qui rassemble tous les syndicats et les partis politiques, toutes tendances confondues. En 7 mois le travail accompli par l’UGTT est gigantesque ; elle donne un nouveau souffle aux aspirations du peuple et lance un mouvement irréversible pour la libération et l’indépendance.
En janvier 1947, une Union des Syndicats des Artisans et petits commerçants, l’ancêtre de l’UTICA aujourd’hui, est créée àl'initiative de Farhat Hached et SalAh Ben Youssef (néo-Destour).
L'UGTT devient, au lendemain de l'indépendance en 1956, une composante importante du Front national réuni autour du parti au pouvoir et adhère totalement à son programme pendant une quinzaine d'années avant de devenir le principal contre-pouvoir au régime de Bourguiba. L'omnipotence du parti destourien et l’absence d’une opposition structurée et dynamique contraignent la centrale syndicale à servir d'espace de contestation. Durant les années 1970 le secrétaire général Habib Achour n'hésitait pas à rejeter les décisions du gouvernement au nom de l'intérêt des travailleurs. Le divorce fut consommé en 1978. Et Habib Achour fut arrêté.
Sous le régime de Ben Ali, l’UGTT a été sérieusement affaiblie. Noyautée de l’intérieur, la centrale, fer de lance du mouvement d’indépendance, est rentrée en inhibition pendant près de 20 ans. C’est seulement après la révolution que la base a repris le dessus. Depuis, L’UGTT s’est montrée inflexible et refuse toute compromission avec les partis au pouvoir.
Par son initiative de septembre 2013, pour l’organisation d’un dialogue national entre la coalition hétéroclite au pouvoir et l’opposition, l’UGTT revient à ses fondamentaux, à sa vocation première et donc à son rôle historique : mouvement de libération et défense des intérêts du peuple. Le Prix Nobel de la paix revient donc en large partie aux efforts de la centrale syndicale et à son charismatique et incontournable Secrétaire général Houcine Abbasi. J’ai envie aussi de dire, il s’agit là d’une décoration posthume à Farhat Hached.
Ezzeddine Ben Hamida
Professeur de Sciences économiques et sociales