«Pacem in terris» : Manifeste pour une paix universelle
La grande majorité des humains donne raison à Blaise Pascal (1623-1662) lorsqu’il affirme que « la Paix est le plus grand des biens ». Au niveau des gens simples, qui doivent peiner pour trouver le pain quotidien, on peut affirmer sans crainte qu’ils sont des millions à y aspirer de toutes leurs forces. Malheureusement, il s’agit d’une majorité, et non de l’unanimité. Certains, soient parce qu’ils occupent des positions qui les mettent à l’abri du danger physique, soit parce que la violence les attire, pour des raisons innées ou acquises, soit parce que leurs valeurs se rattachent au prestige, à la vengeance, au fantasme (notamment religieux), soit enfin parce qu’il est plus facile de s’emparer des fruits du travail d’autrui que de travailler soi-même.
On ne s’étonnera donc pas que l’un des mots les plus utilisés durant ce début du XXIème siècle soit celui de Sécurité. Car on y trouve à la fois la paix, et l’absence de menace. Que la non-sécurité soit ainsiun mal, c'est ce qui ne fait de doute pour personne, et je ne m'attarderai pas à la démonstration de ce truisme. Mais ce mal n'est-il pas le prix à payer pour vaincre le terrorisme et l’extrémisme moyenâgeux ? Sur ces problèmes l'accord est loin d'être fait, et la matière en est si vaste que je n'ai pas, dans les limites de ces lignes, la prétention d'apporter une solution qui lève toutes les difficultés. Je voudrais au contraire circonvenir le débat, le dégager de considérations vaincs ou secondaires dont on a coutume de le compliquer, et délimiter le terrain sur lequel il est, à mon sens, utile de porter la discussion. En un mot, c'est moins dela « philosophie universelle de la paix » que je voudrais traiter ici, que la méthode qu'il convient de suivre quand on aborde un problème d'une aussi redoutable complexité.
En effet, la paix n’est ni un rêve, ni un refuge pour les belles âmes, ni même seulement l’espoir du monde de demain ; elle est tâche politique d’aujourd’hui et les hommes s’y confrontent quotidiennement, dans tous les lieux où s’exerce leur activité, à tous les stades de leur communauté.
Il est vrai que la « paix froide », établit depuis 1947, n’a pu dépasser le stade d’une trêve imposée par un nouvel ordre impérial. Toutefois, quand bien même l’institution d’une paix durable apparaît sociologiquement possible à une communauté humaine qui avance pas à pas, et malgré de nombreuses et terribles régressions dans quelques régions de la planète, sur la voie d’une plus grande conscience de son destin terrestre, de sa force, mais aussi des dangers qui pèsent sur elle.
Que de contradictions restent à résoudre ?! La paix entre les nations est-elle de même nature que la paix sociale ? Une fin ou simplement un moyen ? Un devoir ou une utopie ?Une nostalgie ou un objectif ?
En raison de la fréquence des guerres et de leur résonance dans l’Histoire, on ne s’étonnera pas de rencontrer des opinions sombres, de cris de détresse, témoins d’horreurs que nul optimisme ne saurait faire oublier. Cependant, l’opinion publique ne doit pas se borner à des cris d’indignations. Alors que le monde où nous vivons, à l’heure où nous vivons, ne cesse de nous offrir des exemples de conflits, il est du devoir de chacun de chercher à voir plus clair dans un problème qui, avec le « perfectionnement » incessant des moyens de destruction, est probablement le plus grave de tous ceux qui se posent à l’humanité. Ainsi, la prise de conscience graduelle des fondements de la paix peut jouer un rôle décisif dans la construction d’une paix universelle et durable. Néanmoins, la liste des moyens d’assurer la paix sur terre serait incomplète si l’éducation n’y avait pas sa place dans un monde profondément préoccupés par les manifestations de violence, de racisme et de xénophobie. C’est pourquoi, nous devons savoir tous que si l’œuvre de la paix doit être préparée dans la pensée des femmes et des hommes et dans la conscience des nations, c’est à condition que les esprits arrivent à se persuader profondément de principes tels que les suivant : qu’une bonne politique est d’abord et avant tout une politique juste ; que chaque peuple doit s’appliquer à comprendre la psychologie, l’Histoire, les traditions, les besoins matériels et moraux des autres peuples, parce que chaque peuple doit avoir en vue non seulement son propre avantage, mais aussi le bien commun de la « famille des nations » ; que cet éveil de compréhension mutuelle et du sens de la communauté civilisée, s’il suppose, étant donné, hélas, les habitudes séculaires de l’histoire humaine, une sorte d révolution morale, reprend à une nécessité de salut public dans un monde qui désormais est un pour la vie ou pour la mort tout en restant désastreusement divisé quant aux intérêts et aux passions politiques.
Débarrasser les manuels scolaires de tout jugement tendancieux à l’égard de « l’autre », les purger de toute partialité et de toute agressivité, bannir de nos livres de classe tout ce qui peut, directement ou indirectement, justifier un sentiment de primauté et de fatuité chauvine, sur quelque plan que ce soit ; matériel, intellectuel ou moral, soustraire les jeunes esprits aux malsains conditionnement qui engendrent l’incompréhension, le mépris et la haine, persuader l’enfant et l’adolescent qu’aucun pays ne vaut mieux qu’un autre, qu’aucune race n’est supérieure à une autre, qu’aucune patrie ne s’est, au cours des âges, plus noblement et droitement conduite qu’une autre, voilà assurément une belle entreprise et qui peut, de prime abord, sembler assez chimérique, car on n’imagine guère, dans l’état présent des choses, qu’un gouvernement, quel qu’il soit, donne son consentement à une pédagogie « déchauvinisée » et partant, si contraire à une tradition séculaire.
Mohamed Arbi Nsiri