Pourquoi la Tunisie ne "produit" plus des érudits de la trempe de H.H. Abdelwahab?
Depuis 28 ans, avec la même périodicité (annuelle) et à la même date (fin avril), nous accueillons la foire du livre avec ses milliers d'ouvrages et sa cohorte d'éditeurs, d'écrivains, de lecteurs et de curieux. Une fois l'an, et pour une dizaine de jours, le livre se rappelle à notre bon souvenir. Une piqure de rappel salutaire pour des millions de Tunisiens, réputés être mauvais lecteurs,puisque rechignant à dépenser l'équivalent du prix d'un paquet de cigarettes pour l'achat d'un seul livre chaque année. Pourquoi, cette désaffection pour la lecture alors que le taux d'alphabétisation a atteint des niveaux très élevés?
En feuilletant les livres de feu Sadok Zmerli consacrés aux Tunisiens illustres, on est frappé par le nombre d'autodidactes qui en faisaient partie. Je me contenterai de citer l'exemple de Hassan Hosni Abdelwahab parce qu'il est représentatif de cette génération d'érudits qui sont l'honneur de notre pays. Sait-on que cet érudit polyvalent, auteur des fameuses "Warakat" qui était à la fois historien-archéologue, incollable aussi bien sur la Tunisie antique que sur les périodes arabe ou turque de notre histoire, enseignant, grand commis de l'Etat et même...homme d'affaires, n'a pas dépassé l'équivalent de notre première année de l'enseignement secondaire. Toutes ses connaissances, il les avaient puisées dans les bibliothèques tunisiennes et étrangères au point de devenir une référence dans des spécialités très pointues et de faire partie des académies arabes du Caire et de Damas. On pourrait lui adjoindre les noms des regrettés Hachemi Sebai, une des plus belles plumes de Tunisie et l'historien Othman Kaak et de bien d'autres.
Un engouement pour le charlatanisme
Si la Tunisie ne produit plus des hommes de cette trempe, c'est tout simplement parce que les Tunisiens ne lisent plus, se contentant, aussitôt leurs études terminées, et au mieux, de quelques magazines, l'internet, et notamment facebook, ayant balayé tout sur son passage. Et dire que, comparés aux autres pays arabes, nous faisons figure de lecteurs... boulimiques Je ne dispose pas de chiffres exacts, mais selon une étude de l'Union des Editeurs Arabes publiées il y a deux ans par "le Monde", la foire du livre de Tunis est de toutes les manifestations arabes similaires, celle où les éditeurs arabes réalisent leurs plus gros chiffres d'affaires, ex aequo avec la foire du Caire qui est, faut-il le rappeler la capitale d'un pays qui compte huit fois plus d'habitants que la Tunisie. Une mince consolation pour nous Tunisiens, mais qui donne la mesure du retard accumulé par les Arabes (qui n'hésitent pas, par ailleurs, à dépenser 5 milliards de dollars par dans des activités liées à la sorcellerie et au charlatanisme) par rapport aux autres peuples qui "consomment" une moyenne d'un livre tous les deux jours comme le Japon ou l'Angleterre. Tout est dit dans ces chiffres. Le reste n'est que.. littérature.