Tunis, place financière régionale: «S'il reste encore du chemin à faire, notre progression est indéniable»
La participation au Forum de l’Economiste Maghrébin d’éminents économistes et personnalités du monde de la finance et à un niveau aussi élevé, traduit leur engagement à contribuer à l’approfondissement de la réflexion sur les stratégies et les actions nécessaires à la promotion de la place de Tunis au rang de place financière régionale.
Vous n’êtes pas sans savoir que le programme présidentiel «Ensemble relevons le défi» a inauguré une nouvelle étape qui balisera la voie pour conduire la Tunisie à plus de progrès et de prospérité.
Ce programme, à la concrétisation duquel nous accordons toutes nos priorités, consolidera les réalisations jusque-là accomplies, et nous permettra de franchir une nouvelle étape sur la voie de la modernité, de la croissance et de la compétitivité.
Se distinguant par sa globalité et sa profondeur, ce programme met en évidence le réalisme et l’objectivité des choix de Son Excellence Le Président de la République réaffirme, encore une fois, la primauté du bien-être du Tunisien tant il est vrai qu’il se fonde sur une parfaite complémentarité entre les impératifs économiques et les objectifs du développement social.
Ainsi, les 24 points prévus dans ce programme s’inscrivent dans une démarche aux dimensions multiples visant l’édification d’une économie diversifiée, ouverte sur l’extérieur, régulée par les mécanismes de marché et fondée sur des valeurs d’égalité des chances et de solidarité.
L'ouverture du secteur financier ne se décrète pas
Dans ce programme, le point 12 occupe une place centrale et constitue le socle financier de toutes les réformes.
Conçu sur des piliers qui se consolident mutuellement, le point 12 du programme Présidentiel se veut le canevas du prochain quinquennat pour asseoir les préalables nécessaires à une ouverture irréversible et sans heurts de notre secteur financier.
Atteindre cette dimension ne se décrète pas, mais se construit progressivement et mûrement car l’internationalisation de la place de Tunis doit être un aboutissement naturel d’un programme de réformes profond, riche et diversifié.
En s’inscrivant dans cet objectif ambitieux, les réformes à engager visent toutes à doter les banques des moyens financiers, opérationnels et organisationnels nécessaires pour leur développement à l’échelle régionale.
C’est ainsi, que des mesures phares ont été annoncées visant la consolidation du secteur et le renforcement des assises financières des banques, parmi lesquelles je citerai le relèvement du capital légal minimum.
En effet, nous sommes persuadés que la taille et les fondamentaux financiers restent les seuls leviers pour favoriser le redéploiement de nos banques à l’échelle régionale ou, même, internationale d’un côté et constituent une garantie essentielle pour affronter la compétition que suppose l’internationalisation de la place de Tunis d’un autre côté.
Notre vision est très large afin d’atteindre le rayonnement requis et demandé à nos banques, c’est pour cela qu’un signal fort a été, également, lancé pour une plus grande restructuration du secteur bancaire et ce, en quête d’une plus grande efficience.
L’intervention des autorités, à ce niveau, étant bien évidemment orientée sur le secteur bancaire public pour lequel les contours sont bien définis avec deux pôles publics l’un, regroupant les banques publiques universelles et l’autre, regroupant tous les mécanismes mis en place par l’Etat pour le financement de la PME, à savoir le financement, la garantie ou encore la participation.
Comme réplique attendue, les banques privées doivent se positionner pour s’inscrire dans cette dynamique imprégnée par l’Etat et atteindre l’envergure requise pour s’internationaliser.
Sur un autre plan, il s’agira de faire du système financier une industrie à part entière et un secteur à fort potentiel de croissance, dépassant son action traditionnelle dans l’intermédiation financière.
Il est certes nécessaire de continuer à jouer ce rôle mais notre ambition est plus grande; elle tend à faire accéder nos banques à un nouveau palier et à hisser l’offre des services financiers à un niveau équivalent aux standards prévalant sur les marchés internationaux.
Notre action se focalisera sur la promotion de nouveaux métiers innovants à forte valeur ajoutée relevant du domaine de la « private banking» et s’appuyant sur des produits fortement diversifiés et susceptibles de créer une synergie entre les différents marchés de capitaux.
De même et dans l’objectif d’une utilisation optimale des nouvelles technologies d’information et de la communication, le système financier œuvrera à généraliser les services en ligne et à diffuser, à une plus grande échelle, les nouveaux produits virtuels à même de dépasser les contraintes temporelles et matérielles.
Conférer à la place de Tunis, un statut régional
L’ambition affichée par la Tunisie de conférer à sa place un statut régional puise son fondement dans les acquis ayant, toujours, associé la libéralisation financière et l’encadrement juridique et institutionnel afin de préserver le crédit de la place.
Les acquis que la Tunisie a accumulés au cours des ces dernières années lui permettent d’aspirer, légitimement, à devenir une place financière régionale.
Je citerai, à ce titre, une stabilité politique et sociale, une ouverture sur l’extérieur, des fondamentaux économiques solides, un secteur bancaire en phase de mutation profonde, une infrastructure des plus modernes et un cadre légal et réglementaire alliant rigueur et souplesse.
Ces atouts sont autant de préalables à même de permettre à notre pays d’émerger en tant que place financière pour la région de l’Afrique du Nord; région dépourvue, jusque là, d’un véritable marché financier commun capable de drainer plus de flux de capitaux et d’investissement pour la rive sud du bassin méditerranéen.
Le nouveau code de prestation de services financiers aux non-résidents promulgué l’année dernière procède d’ailleurs de cette même démarche étant donné qu’il confère plus de souplesse à l’activité des banques non-résidentes et à la gestion des actifs financier.
La promulgation de ce code a coïncidé avec l’amendement de la loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent dans le sens de son harmonisation avec les standards et les pratiques internationales les plus évolués.
La Tunisie abritera d’ailleurs, dans quelques jours, la réunion plénière du groupe d’action financière pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord (MENA GAFI) qu’elle préside actuellement et au sein duquel elle joue un rôle de premier plan.
Les défis futurs que nous impose le choix irréversible de s’ouvrir sur l’extérieur réclament la poursuite du processus des réformes en vue d’aboutir de manière graduelle au stade de la convertibilité du dinar.
Transposer l'attractivité du site Tunisie dans le domaine industriel au secteur financier
Sur ce plan, la crise financière internationale n’a, à aucun moment, remis en doute nos choix et nos convictions en matière d’ouverture sur l’extérieure et l’orientation vers cet objectif.
Au contraire, elle nous a édifiés sur le degré d’attractivité du site Tunisie notamment dans le domaine industriel et manufacturier; attractivité que nous désirons transposer au domaine financier pour que notre pays s’érige en une véritable Plaque tournante pour ceux qui décident d’accéder aux marchés de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen Orient.
Déjà son attractivité commence à s‘affirmer en tant que destination privilégiée pour l’implantation d’institutions financières régionales comme en témoigne la présence, depuis 2003, de la Banque Africaine de Développement et des représentations de la Banque Mondiale et de la Banque Européenne d’Investissement.
Dans le même cadre, elle a été choisie, également, pour abriter le siège de la Banque Maghrébine pour l’Investissement et le Commerce Extérieur.
S’il reste encore du chemin à faire, notre progression est indéniable. En témoignent les dernières distinctions obtenues par la Tunisie auprès des instances ou agences internationales tel le Forum de Davos sur la compétitivité économique ou encore le maintien de la notation du risque souverain de la Tunisie par les agences de rating dans un contexte économique international des plus troubles.
Ces témoignages nous réconfortent dans nos choix et nous incite à fournir plus d’efforts afin de préserver et de consolider nos acquis.
L’insertion de la Tunisie dans l’espace Euro méditerranéen, un espace qui lui est naturel de par son histoire et les liens économiques tissés avec les pays de la région, doit être multi-canal englobant tous les secteurs économiques y compris le secteur financier.
D’ailleurs, le cadre Euromed nous invite à identifier davantage de domaines de coopération avec nos partenaires et la place de Tunis pourrait, dans ce cadre, constituer une véritable passerelle et un lieu privilégié pour les échanges financiers pour une meilleure intégration financière entre les deux rives.
Taoufik Baccar
Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie
* Allocution d’ouverture de Monsieur Taoufik Baccar, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, du 12ème édition du Forum international, de l’Economiste Maghrébin.