Sfax : De la pollution atmosphérique à la pollution scientifique
L’effervescence est à son comble ces derniers jours à la ville universitaire de Sfax sur l’affaire de la thèse dirigée par le Professeur Jamel TOUIR. Il est regrettable que cette ville universitaire de renommée internationale se trouve au cœur d’une polémique scientifique alors que les derniers indicateurs montrent que l’Université de Sfax est parmi les premières dans les classements des universités non occidentales.
Que la terre soit ronde ou plate, on ne peut éviter les effets néfastes sur le rayonnement international d’une quelconque université impliquée dans ce genre de controverse. Sans aborder le fond du sujet, il faut se rendre compte, dans le contexte actuel, qu’il est primordial de peser toute action de communication publique de la part de nos universitaires qui a pour conséquence de mettre en cause la crédibilité de nos institutions universitaires.
Nos partenaires étrangers sont sévères et sans scrupules pour pointer du doigt immédiatement et parfois de façon exagérée un dysfonctionnement de la machine universitaire chez nous et le prendre comme prétexte pour annuler, empêcher ou suspendre toute action de coopération et d’échange avec nos institutions.
Nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’enseigner, de faire de la recherche et de publier tout seul sans le concours des grandes universités et laboratoires de ce monde pour asseoir notre crédibilité scientifique et technique. Les réseaux sociaux ne facilitent pas non plus la tâche des uns et des autres et l’effet boule de neige gagne rapidement les esprits.
La facilité de publication offerte par les réseaux sociaux, devrait être utilisée à bon escient surtout pour traiter des sujets aussi critiques et ne pas balancer tout et son contraire sur une affaire qui reste pour le moment incompréhensible et demande d’être statuée par des pairs en la matière.
Il existe deux volets importants dans cette thèse, un volet administratif et un autre scientifique. Le volet administratif relève de la compétence de l’Université de Sfax et son Ecole Doctorale qui doit s’assurer de la régularité des procédures d’inscription, de dépôt et d’autorisation de soutenance conformément à la réglementation en vigueur. Le volet scientifique appelle à l’éthique et la morale scientifique de nos collègues universitaires en charge de statuer sur des manuscrits qui doivent répondre à des normes de rédaction et de présentation mais aussi et surtout à des exigences de qualité scientifique du travail présenté et son positionnement par rapport aux études publiées et rapportées par la communauté scientifique internationale.
L’existence de publications avérées dans le cadre d’un travail de thèse dans des revues, de renomméeet avec un facteur d’impact,est une règle mondialement observée à laquelle il faut veiller scrupuleusement. La validation et la critique des résultats scientifiques par les pairs constitue la seule garantie de la qualité d’un travail. Une fois publié, le travail en question influence de façon certainela visibilité et la crédibilité scientifique de ses auteurs. C’est sur ces points pertinents que doit se pencher chaque rapporteur et évaluateur d’un quelconque travail scientifique.
J’ai été profondément attristé de voir des collègues à moi,en poste dans des universités en France partenaires de l’Université de Sfax, m’interpeller sur un ton narquois sur ce qu’ils ont pu attraper sur les réseaux sociaux comme informations sur cette affaire et me disant simplement qu’ils doivent faire à l’avenir de plus en plus attention à leurs travaux de thèses en cotutelles avec la Tunisie !
Voilà comment, des collègues, dont je ne doute point de leur bienveillance, mettent indirectement en cause des collaborations universitaires, difficiles à mettre en œuvre dans les faits et dans le temps, par des négligences portées au grand jourdes communications sur les réseaux sociaux. Je peux vous assurer, qu’en France, ce genre de problèmes existe aussi, et plusieurs thèses ont été à un moment ou un autre revues, corrigées, reprises, voire annulées après une étude plus poussée ou une révélation d’un rapporteur, mais tout se fait à l’intérieur de la sphère universitaire qui corrige ses erreurs automatiquement avec ses propres outils et dans un esprit de concordance et d’adéquation entre scientifiques.
Il convient maintenant de communiquer avec la manière la plus intelligente qu’elle soit en Tunisie ou à l’extérieur pour apporter les éclaircissements salutaires à une affaire qui vient polluer scientifiquement la deuxième ville de la Tunisie, déjà « bien polluée »dans son atmosphère.
Ghanem MArrakchi
Professeur des Universités
Université de Lyon / Saint-Etienne