Le potentiel humain, le trésor caché de la Tunisie
En pleine crise économique, attelé à la recherche de solutions, notre pays tarde à prendre l’élan pour changer la donne et prouver au monde entier que nous,Tunisiens, sommes les dignes descendants d’Hannibal et d’Ibn Khaldoun.
«Winou el pétrol» (Où est le pétrole ?) est certes un slogan, mais qui recèle nombre de significations. Il traduit le désespoir d’un peuple et une déstabilisation quasi généralisée de la jeunesse tunisienne.
La problématique des ressources humaines occupe une place de choix au sein des politiques nationales de développement. A l’aube de l’indépendance, la Tunisie de l’ère de Bourguiba a constamment misé sur une stratégie de développement intellectuel du citoyen tunisien, car avant-gardiste comme il l’a toujours été, Bourguiba savait très bien que sa seule vrai richesse était le potentiel humain. Lui qui ne cessait de rappeler «la Tunisie est un pays sans ressources naturelles, c’est pourquoi il doit parier sur son potentiel humain».
En l’absence de moyens financiers, il savait pertinemment que les capacités à mobiliser étaient essentiellement humaines, mais qu’elles devaient être efficaces, susceptibles d’assumer les responsabilités et tâches qui leur incombaient. Et que de ce fait, elles constitueraient la pierre angulaire et le facteur déterminant pour un développement socioéconomique harmonieux et intégré.
Aussi, la politique de planification du développement des ressources humaines à travers des plans stratégiquesopérationnels demeure le socle sur lequel doit reposer le développement de nos entreprises qu’elles soient publiques ou appartenant au secteur privé.
L’ère de Ben Ali viendra gommer cette dynamique et une définition nouvelle de la valeur travail s’imposera dans les esprits et entachera la société tunisienne qui deviendra, en l’espace de quelques années obsédée par la notion du gain facile et rapide, encouragée en cela par les contre-exemples de managers, commis de l’état- ou appartenant au secteur privé dont le souci majeur était de profiter de leurs positions pour se servir plutôt que de servir et dont le développement en général et celui des ressources humaines (RH) en particulier ne constituait qu’une préoccupation toute relative..
Des «Grands» occuperont rapidement des places privilégiées, ils auront la mainmise sur l’économie nationale. Des «grands» qui illustrent la citation de Pierre Vergniaud «les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux».
Aujourd’hui, le monde du travail dans la Tunisie postrévolutionnaire se trouve rongé par une décadence totale de l’éthique, par la déliquescence des principes fondamentaux, par la dénaturation et la perversion du sens de la responsabilité.
De l’extrême nord du pays à son extrême sud, les débits de boissons prolifèrent comme des champignons et ne désemplissent pas de toute la journée. Ce sont, là, des preuves tangibles et objectives de la marginalisation par l’administration et les entreprises, par le système dans son ensemble, du capital humain du pays.
En résumé, il est permis d’assurer que la rémunération, le manque de reconnaissance et les mauvaises pratiques managériales constituent des facteurs explicatifs de la démotivation du salarié tunisien.
La science moderne a prédit que la richesse des ressources humaines passe par le bien-être des hommes, y compris celui du dirigeant. Or, le manager tunisien éprouve des difficultés à se manager lui-même, alors qu’il lui est demandé de manager les autres.
Sans oublier que pour être performants, tout homme a un besoin, somme toute légitime, de se sentir satisfait, comblé, insouciant.
Stratégie et solutions
Au cours des dernières décennies, les entreprises ont évolué dans leurs moyens de production. Elles ont investi de manière considérable dans les outils, la technologie, l’organisation et les méthodes .les progrès économiques, techniques et structurels reflètent l’instabilité permanente à laquelle les entreprises doivent s’adapter pour continuer àprogresser. Mais comment pérenniser la dynamique de changement pour faire face aux enjeux futurs?
Comment motiver et mobiliser les salariés autour d’un projet d’entreprise en perpétuelleévolution? Comment développer un comportement individuel et collectif propice à la performance opérationnelle plutôt que s’assoir autour d’un café, et dilapider son temps et son énergie à papoter en se partageant des propos vains?
Je suis tunisien, manager d’une grande société. Depuis 24 ans, je travaille inlassablement à rechercher les moyens et solutions permettant de développer et améliorer la compétitivité de mon entreprise, en veillant à l’augmentation de sa production et à l’évolution de sa productivité. Après de nombreuses années, je suis parvenu à la conclusion que la motivation des employés reposait essentiellement sur un principe immuable et presque intangible «liaison étroite entre travail et bonheur»
Fort de ce constat j’ai pu réaliser un Kit baptisé «plaisir du Management» qui réinvente les méthodes de gouvernance, lesquelles mettent l’accent sur les vertus de la joie dans le travail.
1/ Mangement horizontal dit de proximité où le manager ne se voit plus comme un chef mais plutôt comme un leader inspirant et bienveillant qui veille plutôt à apporter des solutions plutôt que d’imposer des décisions.
2/ Le Collectif ou la force de groupe
L’idée maitresse étant que l’on va plus vite tout seul, certes, mais on va plus loin à plusieurs.
Le foot est le meilleur des exemples. L’exploit individuel attire le regard mais ce qui fait la vraie force de l’équipe c est sa capacité a conjuguer ses efforts pour aller dans la même direction.
3/ Autonomie et responsabilisation. Ceci implique que l’on est amené à manager le système plutôt que les gens. L’objectif devient ainsi que l’organisation n’est plus source de problèmes mais de solutions
4/ Formation permanente: Apprendre à progresser en continu, ressentir le mouvement vers l’avant plutôt que la stagnation
5/ Transparence ou livre ouvert: Budgets, projets, …. tout le monde sait tout sur l’entreprise. Cela crée un sentiment d’appartenance et d’engagement
6/ Equité : Une place pour chacun. Chaque voix est entendue car chaque voix compte, celle du stagiaire autant que celle du directeur.
7/ Confiance : Difficile à mettre en place. Car, en effet, la confiance ne se décrète pas, elle est pourtant indispensable au management. Les modernistes diront « la confiance rapporte plus que le contrôle »
8/ Recrutement ou qualité d’abord: fini le seul prisme de l’excellence du diplôme ou la notoriété de l’école car « une compétence, ça s’apprend, une valeur .Non ». l’on se doit de demeurer davantage ouvert sur le bon profil pour la nature de la tâche à accomplir. Un encadrement approprié surtout pour les premières semaient demeure indispensable pour l’éclosion des valeurs de l’homme et le secret de la réussite par la suite.
9/ un plan de carrière pour tous:
Loin du copinage et du vice de flatterie et de complaisance il faut que chacun sache que la porte de l’ascenseur des étages supérieures est ouverte à celui qui saura évoluer, à celui qui en a les aptitudes et la compétence.
Eloignons-nous des principes d’avantages dont sont dotés, dans la règle, les fils à papa ou «héritiers du trône».Un chef ne doit pas être désigné’ mais il doit s’imposera par ses qualités et ses performances.
10/ La bienveillance ou l’écoute de l’autre: la seule façon de progresser c’est de dire les choses directement et de développer la culture du «savoir écouter». De cette manière, tout le monde devient un jour un KEY Peopel avec un réel impact sur l’entreprise.
11/ Le confort dans l’absolu:
Créer les conditions de l’épanouissement de chacun, individuellement et collectivement, pour stimuler la productivité de leurs salaries, pour attirer et conserver les talents, les entreprises tunisiennes doivent répondre à ce défi.
Travailler dans un confort relatif est très important pour le salarié.
Des locaux illuminés, une ambiance de sourire et la climatisation pendant l’été, ce sont là, quelques conditions à remplir afin de «donner des ailes» aux employés.
Se remettre promptement au travail
Tous ces facteurs de bonne gouvernance sont, sans aucun doute, motivants et nécessaires pour le développement du potentiel humain dans l’entreprise.
A travers l’histoire, les leaders politiques avertis ont constamment actionné le levier de la mobilisation des masses autour d’un idéal, d’une cause, fusse-t-elle extrême. Fédérer les communautés était donc le moyen idoine, selon les concepteurs d’idées, les défenseurs d’une cause, de se garantir un soutien massif et par conséquent d’assurer le succès à leurs idées, idéologies ou causes.
En Tunisie, l’on a assisté, au cours des semaines écoulées à l’émergence d’une «cause» qui a bénéficié de l’appui général de la population. Il s’agit du combat contre la corruption initié et entrepris avec succès par le chef du gouvernement. De par son caractère noble, cette lutte soutenue par la majorité du peuple tunisien ne saurait connaître qu’un heureux épilogue. Le peuple et son dirigeant se sont ainsi créé un idéal, celui de débarrasser le pays de la corruption, de ses adeptes et de ses différents acteurs
Comme l’optimisme est en passe d’accompagner l’action gouvernementale de lutte contre toutes sortes de malversations, il semble clair que l’on se penche sur la mise en place d’une cause tout aussi importante et tout aussi juste et que l’on s’attelle à la défendre et à l’instituer.
Il s’agira de rassembler les morceaux épars de nos ressources humaines, de les faire valoir, de les ramener dans le giron de l’entreprise et de les réconcilier avec la valeur travail afin qu’elles se remettent à la tâche. Il faudra déployer des efforts assurément soutenus pour convaincre des fonctionnaires, salariés démobilisés et démotivés de retrousser leurs manches et de se réinvestir consciemment afin de hausser la productivité de notre industrie vers un niveau semblable aux pays développés. Rappelons les exemples des peuples d’Allemagne, du Japon, de Corée sortis exsangues au lendemain de guerres dévastatrices et qui avaient réussi à force de courage, de discipline, de foi à propulser leurs pays respectifs au-devant de la scène économique mondiale.
Le peuple tunisien vit une épreuve difficile. L’économie du pays, ses finances sont fragilisées voire chancelantes. Et le peuple tunisien en est conscient. Comme il est conscient que la solution est entre ses mains. Il n’a qu’à se remettre au travail, à charge pour les dirigeants de veiller à assurer une politique managériale raisonnée.
Les malheurs de l’économie tunisienne ne résident pas uniquement dans notre culture et mentalité.
Nos compatriotes à l’étranger multiplient les réussites et administrent la preuve de leur foi en les valeurs du travail.
Placés sous la tutelle de managers compétents et bien expérimentés dans leur domaine, ils parviennent à exceller dans leur travail et deviennent les moteurs de croissances de leurs entreprises respectives.
Pour sortir notre économie de l’ornière avons-nous d’autre alternative que celle du développement des capacités de notre jeunesse et sa préparation pour assurer une relève que nous souhaitons prometteuse?
Pour assurer la relance économique de notre pays, avons-nous d’autre choix que d’unir nos forces vives?
Le trésor caché de la Tunisie n’est autre que son potentiel humain qui exige aujourd’hui qu’on le valorise, qu’on en rehausse les mérites, qu’on en relève les aptitudes et qu’on en rétablisse la confiance et ravive les espoirs.
Ghazi El biche