CIPED : Le programme Tunisie 2020 aurait dû cibler des priorités permettant d'assainir les comptes publics et de restaurer la confiance
Se prononçant sur le programme du gouvernement tunisien à l'horizon 2020, le CIPED considère "qu’ilaurait été plus indiqué dans la situation actuelle, d’opter dans un premier temps pourun programme ciblé sur certaines priorités,qui permettrait au pays d'engager l'assainissement de ses comptes, de retrouver la confiance, d’améliorer le climat d'affaires ; un programme centré sur la réforme de l'Administration et l'assainissement des comptes publics, la compensation, la restructuration des entreprises publiques, du secteur bancaireet de la sécurité sociale."
Dans un avis rendu public mardi, Le Centre International Hédi Nouira de Prospective et d'Etudes pour le Développement (CIPED) soulmigne que "ces réformes sont lesseules à même de rendre possible, une stratégie de relance basée sur les différentes sources de croissance et en particulier sur l'investissement, y compris les IDE et les exportations. Ce programme d'urgence devrait comprendre des mesures d'accompagnement sous formed’actions additionnellespour la promotion de l’emploi dédiées en priorité, aux jeunes diplômés et axées sur l'emploi dans les secteurs des services et des nouvelles technologies et sur des facilités supplémentaires en matière d'installation pour propre compte. Le programme d'urgence devraitégalement comprendredes mesures d'accompagnement social des réformes et particulièrement,celle de la compensation."
Il relève, en outre, que "le document ne traite pas de certains secteurs stratégiques, tels que l’éducation et la formation, l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et technologique, la santé, l’agriculture, l’industrie et les services."
Ci-après les sept points mentionnés par le CIPED
I. Le CIPED relève d'abord que le programme proposé retient un certain nombre de réformes ou de mesures devenues aujourd'hui incontournables en raison de la situation actuelle que connait le payset des accords déjà conclus avec le FMI. Ilrappelle que son ouvrage «Eléments de stratégie de sortie de crise» publié au mois de Mars 2017 a fait ressortir l’urgenced’engager ces réformes.
II. Il relève toutefois, l'absence d’une vision globalequi constituerait la trame de fond pour ces réformes.Le programme pêchepar ailleurspar la faiblesse de son contenu sectoriel,ainsi quela quasi-absence de la dimension régionale.Quant aux réformes retenues, autant celles relatives à la fiscalité qu’à la sécurité socialeont été déclinéesen mesures concrètesautant les autres sont demeuréesau stadede principeset d’orientations générales.
III. Le CIPEDcomprend la difficulté de l'exercice qui consiste à satisfaire toutes les parties prenantes dansle Gouvernementd’UnitéNationale, mais considère que la situation actuelle exige des choix clairs et une détermination à avancer dans les réformes et les politiquesà mettre en œuvre, même si elles risquent de ne pas recueillir le consensus de toutes les parties.
Dans l’objectif de faire adhérer les différentes parties à ces réformes le gouvernement devra s'outiller de simulations sur un horizon de 5 à10 ans, pour faire ressortir le coût de non engagement des réformes:déficit des caisses de sécurité sociale; gap budgétaire en l'absence d’ajustement; déficit extérieur en cas de poursuite du modèle actuel de gouvernance économique, niveau de la subvention au titre de la Caisse de compensation en cas de non augmentation des prix de certains produits compensés, etc.
IV. Il constate par ailleurs,que la démarche empruntée par ledocument reste dans la ligne de celle poursuivie depuis 2011 et qu'elle n'apporte pas le rééquilibrage requis au modèle.Les exportations y sont traitées en tant que mesure additionnelle et l'intérêt apporté à l'investissement est tout à fait mineur.Le CIPED rappelle dans ce sillage, que la politique du « Go and Stop » a montré ses limites et a été en grande partie, à l’origine des dérapages économiques etfinanciers que vit la Tunisie. Il considère que l'antagonisme entre relance par la demande et par les exportations n'a pas lieu d'être et que dans le contexted’un pays ouvert comme la Tunisie où la contrainte extérieure est fondamentale, autant le pays développe les exportations et les IDE,autant il pourra compter sur la demande intérieure en tant que levier de la croissance dans le cadre d'équilibres extérieurs acceptables.
V. Le CIPED considère par ailleurs que la stabilisation de la situation, l’assainissement des comptes publics et extérieurs et le retour de la confiance constituent un préalable sans lequel aucune politique de relance n'est possible et appelle le gouvernement à établir un «séquencing» cohérent à ce niveau.
Le CIPED constate à cet égard le faible contenu du programme en termes de mesures destinées à améliorer le climat d'affaires et à faire retrouver aux opérateurs la confiance requise en tant que préalable pour faire redémarrer l'investissement et la croissance. Il considère à cet effet que le niveau de la pression fiscale déjà élevé constitue un élément fondamental du climat des affaires et attire l’attention sur la nécessité d’agir d’abord sur les dépenses publiques et sur le recouvrement fiscal. Il rappelle par ailleurs les limites d’une politique de promotion de l’investissement réduite aux encouragements fiscaux et financiers.
VI. Nonobstant l'opportunité ou non de fixer des objectifs à l'horizon 2020 qui relève de considérations plutôt politiques,le CIPED considère que certains objectifs retenus sont hors de portée.C'est notamment le cas de la baisse escomptée du taux de chômage à 12% qui suppose la création annuelle de 110 mille emplois,de la baisse de la part de la masse salariale dans le PIB de 14,5% à 12,5%, ce qui signifie une stabilisation de la masse salariale à son niveau actuel, unobjectif difficile à réaliser à moins d'une réduction substantielle des effectifs de la Fonction publique.L'objectif d'une croissance de 5% est quant à lui difficile à atteindre, à moins d'une conjoncture agricole et touristique exceptionnelle.
VII. Le CIPED considère enfin, que le document ne traite pas de certains secteurs stratégiques, tels que l’éducation et la formation, l’enseignement supérieur, la recherche scientifique et technologique, la santé, l’agriculture, l’industrie et les services. L’absence du contenu sectoriel confirme d’ailleurs les appréhensions quant à la possibilité de réaliser l’objectif de croissance de 5% en 2020.
- Ecrire un commentaire
- Commenter