«La petite phrase» de Samir Taïeb sur l'huile d'olive : notre ministre n’avait pas tout à fait tort
Ces derniers jours, on ne parle que du ministre de l’agriculture et de sa fameuse phrase « l’huile d’olive ne fait pas partie de nos traditions culinaires » et du prix du litre d’huile d’olive qui risque d’atteindre cette année 13 dinars. Je voudrais apporter ces quelques précisions. L’olivier est un arbre millénaire en Tunisie, sa culture est l’une des plus importantes. Sans l’olivier tout le sud tunisien à partir de la région de Sfax serait aujourd’hui un désert et quelques oasis pour les palmiers dattiers.
Les politiques des gouvernements successifs depuis l’indépendance ont beaucoup nui au secteur de l’olivier. On a décidé pour des raisons incompréhensibles de favoriser les huiles végétales importées aux dépens de l’huile d’olive comme si au lieu de subventionner les agriculteurs tunisiens on a décidé de subventionner les agriculteurs américains et européens. Imaginez une seule seconde si au lieu de subventionner le prix du blé, on décide d’importer du riz et de compenser son prix à la vente.
La consommation d’huile d’olive en Tunisie est faible et ne dépasse pas 3,7 Kg/habitant alors que celle des autres pays producteurs comme La Grèce, l’Espagne, l’Italie ou la France dépasse 10kg/habitant et par an.
Les Tunisiens utilisent l’huile d’olive surtout pour l’assaisonnement, très peu pour préparer certains plats mais aussi comme remède pour certaines affections. Rappelez-vous la fameuse potion de nos mères à base d’huile d’olive et de citron pour la toux. Chauffer l’huile d’olive dégrade les acides gras insaturés et les polyphénols qui sont la base des effets bénéfiques de l’huile d’olive.
Le prix de l’huile à de tout temps était indexé sur le cours mondial puisque la plus grande partie était destinée à l’exportation. Ce prix ne dépend pas du volume de la récolte en Tunisie mais de l’importance de la production dans le monde. Toutes les études ont montré ces dernières années que l’huile d’olive possède des vertus extra ordinaires sur la santé vu ses qualités anti oxydantes, vu son action sur l’os, sur la peau, sur le cœur, sur le cholestérol et même pour certains sur le développement des cellules tumorales ce qui a augmenté considérablement sa consommation dans le monde développé. Si en plus on tient compte de l’apparition de certaines maladies incurables qui touchent l’olivier dans certains pays européens concurrents, on comprend l’augmentation très importante du cours mondial de l’huile d’olive.
Dans les années cinquante et soixante, les plus âgés peuvent le confirmer : le prix du litre d’olive était à peu près égal au salaire moyen d’un ouvrier agricole et du prix du kilogramme de viande. C’est la mise en place de l’office de l’huile qui a fait chuter les prix puisqu’il est devenu le seul opérateur et le seul exportateur d’huile d’olive, c’est lui qui fixait le prix de cession ; il a par la même occasion donné un coup d’arrêt à la culture de l’olivier en Tunisie devenue non rentable. Plusieurs régions du sud en ont d’ailleurs beaucoup soufferts. La subvention des huiles végétales était supportée par l’office de l’huile, donc par les agriculteurs tunisiens. les économistes diront qu’il s’agit d’une mesure totalement injuste.
Il a fallu la fin du monopole de l’Office national de l’Huile sur l’exportation de l’huile d’olive pour voir le prix du litre d’huile d’olive augmenter et devenir de nouveau indexé sur le cours mondial ce qui a donné un nouveau souffle au secteur et on parle maintenant d’un projet pour planter dix millions d’arbre ce qui permettra à la Tunisie de redevenir un pays agricole et permettre à ce secteur de participer d’une manière substantielle à l’équilibre de notre balance de payement. C’est l’exportation d’huile d’olive qui a permis à notre pays, il y a deux ans, d’améliorer ses recettes en devises, malgré un secteur touristique très touché par les attentats.
Il est donc évident que notre ministre de l’Agriculture n’avait pas tout à fait tort. Il fallait tout simplement donner plus d’importance à la communication et un peu plus de pédagogie pour expliquer aux tunisiens.
Cessons donc cette campagne orchestrée, d’autres sujets sont beaucoup plus importants que cette phrase et méritent tout notre intérêt.
Slaheddine Sellami