Sofiane Tahar : le spécialiste en vérification des puces qui aurait pu éviter l'explosion d'Ariane 5
Etait-ce une prédestination ? Le petit Sofiane Tahar, habitant la rue d’Athènes, en plein cœur de Tunis, quartier de l’électricité et de l’électronique, élève de l’école primaire de la rue d’Arago, le polytechnicien (1803), et le physicien célèbre, deviendra le chef d’un plus grands laboratoires scientifiques au monde, spécialisé en vérification des puces et systèmes embarqués. Du cœur de la capitale tunisienne, à l’avenue Sainte-Catherine, à Montréal, où s’élève sur 16 étages, la prestigieuse université Concordia, l’écolier natif de Ksibet Sousse, est devenu professeur… le plus haut grade universitaire en Amérique du Nord.
Très jeune, Sofiane était déjà désigné par ses enseignants « Deuxième façon », tant il s’ingéniait à trouver une deuxième solution, d’abord aux exercices de calculs, puis, de maths, raflant toujours la première place. Son père Si Tahar, ingénieur à la Steg, chargé des barrages puis de la distribution et du dispatching dans le Grand Tunis, l’y pousse à fond. Bac en poche, lauréat du Lycée El Menzah 6, il décroche une bourse d’études en Allemagne. Une année de langue à Heidelberg, puis 5 ans pour réussir à l’Université de Karlsruhe.un diplôme d’ingénieur avec un mastère en génie électrique, spécialité génie informatique. Là, Sofiane, commence une série de nouveaux records quant à la compression des délais d’études. Ce mastère s'étale sur 13 semestres, il le terminera en 10 seulement. Cette université compte parmi ses anciens étudiants, un certain Carl Benz, le père de Mercédès, sa fille et de Mercédès Benz, sa grande invention. D’ailleurs c’est de l’Université de Karlsruhe que sa première voiture se mettra en route un certain 5 aout 1888…
Voilà Sofiane couronné de succès en 1990 et envisager son retour en Tunisie occuper un poste d’ingénieur ou d’enseignant. A l’époque, on s’intéressait peu au hardware. Il finit par retourner en Allemagne pour poursuivre ses recherches et préparer une thèse de doctorat. Nouveau record : il la soutiendra en 1994, au bout de 3 ans et demi au lieu de 5 à 6 ans. Sujet : l’informatique, la vérification des microprocesseurs basée sur un raisonnement mathématiques. Fini le contrôle manuel, place à des dispositifs automatisés soutenus par des suites mathématiques… Le sujet fait fureur parmi la communauté scientifique internationale et Sofiane avait été invité dès 1993 à présenter ses travaux aux Etats-Unis et au Canada. Son premier contact avec l’Amérique du Nord fut un véritable coup de foudre qui l’incita, dès l’obtention de son doctorat, à s’y installer.
Son ambition est grande : disposer de financement substantiels pour pousser ses recherches et accéder au rang universitaire le plus élevé possible. Deux opportunités lui étaient offertes, la première à New-York et la seconde en Louisiane. Mais, cherchant le plus de fonds pour la recherche, il opta pour le Canada, avec un poste de post-doctorant à l’université de Montréal. « Vous savez, confiera-t-il à Leaders, lorsque vous débarquez dans un laboratoire de recherche en Amérique du Nord, on vous octroie un desk, une chaise et ligne téléphonique. A vous de décrocher sur les subventions de recherches, de payer toutes vos factures et de faire jaillir la lumière… Aux Etats-Unis, la National Science Foundation, principal bailleur de fonds, se concentre à 80% sur 5 grandes universités (Harvard, MIT, Berkeley, Stanford et Princeton). 15% iront aux Top 10 et le reste, 5% est disputé par des centaines d’autres universités. »
Une série de distinctions
Le système canadien est plus généreux et égalitaire. Les subventions a la decouverte (Discovery Grants) sont éligibles à tout chercheur à partir du grade de assistant professor (maitre assistant) et notament pour financer des etudiants de Mastere et PhD. Sofiane portera son choix sur Concordia University qui fait partie des Top 10, avec 40 000 étudiants dont 5000 en génie et informatique et s’y lance à fond. D’Assistant Professor, à président de Chaire Junior 2001), puis Full Professor (2006), avec au palmarès une série de grands prix et hautes distinctions. Dès 1998, il rafle le prix de la Fondation canadienne pour l’innovation ce qui lui permet d’équiper son laboratoire, pour un demi-million de dollars, d’un super gros serveur (à l’époque de 6 Gb de capacité). En 2001, il est célébré en tant que Most significant breakthrough in Microelectronics. Sur cette même lancée, il sera couronné en 2007, en qualité de Meilleur Chercheur (sénior) de Concordia University, toutes disciplines confondues. Bref, la totale.
Le secret de sa réussite est simple. Hérité de sa famille, cultivé en Allemagne et affûté en Amérique du Nord, il se résume en quelques mots: labeur méthodique et sans limites. Les travaux de son laboratoire sont prisés de par le monde. Il y a deux semaines seulement, il était l’invité de la NASA, dans sa forteresse de Langely en Viriginie. Juste avant de prendre l’avion pour Tunis où il participera à la réunion du comité de haut-niveau sur la science et technologie, embrasser ses parents et donner des cours à l’Ecole Polytechnique de la Marsa et à l’INSAT. A ses étudiants tunisiens, il a enseigné les processeurs dédiés et l’informatique des systèmes embarques.
Sofiane Tahar est demeuré très attaché à sa Tunisie natale. A chaque visite, il se rend dans les institutions à la rencontre des enseignants et des étudiants, faisant des présentations, donnant des cours et surtout jetant des passerelles avec le Canada. C’est ainsi qu’il accueille actuellement dans son laboratoire à Montréal 6 chercheurs tunisiens entre étudiants ENIT (PFE), Faculté des Sciences (Mastère), EPT (Ph.D), ENISo, ENIS et autres. « J’essaye de me rendre utile et surtout de rendre une partie de ce que mon pays me doit, dira-t-il à Leaders. Etablir ces ponts de recherche entre la Tunisie et le Canada, en faire bénéficier des étudiants, des chercheurs et des enseignants, me tient beaucoup à cœur. Au moins, je me sens utile» .