Blogs - 18.06.2010

Et si Tarek Dhiab avait raison...

Il y a quelques jours, un site électronique arabe d'information rendait compte des résultats d'un sondage réalisé par ses soins sur les Arabes et le Mondial. On y apprend que le Brésil, l'Argentine, l'Allemagne et l'Italie sont les équipes préférées des Arabes. A la question de savoir s'il existait une équipe dont on souhaitait l'élimination dès le premier tour, un bon nombre de lecteurs égyptiens citaient... L'Algérie. On comprend la déception ressentie par les supporters égyptiens après l'élimination de leur équipe nationale face à l'Algérie à l'automne dernier. Mais de là à souhaiter carrément la défaite du seul représentantant arabe dans cette compétition, voilà qui doit donner à réfléchir. La solidarité arabe est-elle donc devenue à ce point un slogan creux? En fait, de telles réactions sont révélatrices d'un nouvel état d'esprit. La rivalité entre les pays arabes est telle, aujourd'hui, qu'une défaite sportive devant "une équipe soeur" est vécue comme un drame national, alors qu'une victoire est célébrée de manière si ostentatoire qu'on a peine à croire qu'il s'agit d'un simple évènement sportif. 

Derrière le clinquant des clichés habituels sur la fraternité arabe, se cache une grande hypocrisie. Les gens s'épient, se regardent en chiens de faïence, se haïssent cordialement tout en protestant de leur attachement à "la fraternité arabe". Mais à la moindre occasion, les masques tombent et ces sentiments qu'on a pris soin de refouler remontent à la surface pour s'exprimer parfois avec le sens de la démesure qu'on nous connait. Tarak Dhiab avait raison lorsqu'il y a quelques mois, lors de la dernière CAN,  il avait affirmé que le succès sportif  d'un pays arabe aussi éclatant fut-il ne suscitait au mieux que de l'indifférence chez les autres peuples arabes, provoquant un beau scandale

Il faut se rendre à l'évidence: comme les mondes hispanique ou lusophone, le monde arabe n'a plus en commun, après la fin du mythe de la "Nation arabe", que la  religion et la langue. C'est déjà beaucoup, mais pas assez si l'on veut édifier un ensemble économique en mesure  de traiter d'égal à égal avec les autres ensembles. Quand on sait que les réunions interarabes qui se sont tenues au cours des cinquantes dernières années ont donné lieu à des milliers de recommandations et de décisions qui ont nécessité des millions d'heures de réflexion, de travail et de paperasse (surtout avant l'avènement de l'internet) pour être finalement rangées dans les tiroirs, il y a de quoi être  sceptique quant à la volonté de coopérer, une volonté suffisamment solide pour résister à toutes les contingences et surtout à une banale défaite sportive.

Le poète et essayiste français, Paul Valéry disait que seuls les accords conclus entre les arrières-pensées avaient des chances d'être appliqués. Or ces arrières-pensées sont loin d'être en accord avec les positions affichées quand elles ne leur sont pas diametralement opposés.

Accorder les intentions proclamées avec les actes. Voilà, ce qui nous fait défaut, aujourd'hui, pour que les réunions arabes cessent d'être des occasions manquées.

Hedi