Festival de Carthage : le départ de Mourad Sakli pose toutes les interrogations
Qu’il soit débarqué ou démissionnaire, Mourad Sakli, en quittant à quelques jours seulement la direction du Festival de Carthage, rappelle sans doute tout le statut de cette plus importante manifestation culturelle tunisienne, et l’impératif de revoir sa gouvernance. Depuis sa création en 1964, ce festival installé dans le site exceptionnel et majestueux de l’amphithéâtre de Carthage constitue un évènement majeur du bassin méditerranéen et une scène incontournable pour toute vedette tunisienne ou arabe en quête de consécration.
Certes d’année en année, la qualité de la programmation n’a pas été constante et, encore moins ascendante.
Certes aussi, les défaillances de l’organisation, notamment l’accueil et le confort des spectateurs ont contraint nombre de fans de renoncer à y aller.
Certes enfin, l’intrusion de Rotana et le diktat de certains imprésarios ont gâché nombre de soirées. Mais Carthage, reste Carthage. Son prestige, son cadre magique et ses soirées ont rythmé les étés tunisiens et bercé les générations successives.
Peu importe aujourd’hui ce qui s’est réellement passé. Dépité pour finir par baisser les bras ? Incapacité à cohabiter avec l’incontournable ? Tout l’espoir fondé sur Mourad Sakli, universitaire et musicologue de renom, qui a déjà fait ses preuves à la tête du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes (CMAM, La Maison du Baron d’Erlanger), est, pour certains tombé, à l’eau. Mais, l’essentiel est de rebondir. Sur de bonnes bases.
Moins d'interférences administratives et mieux de spectacles
La toute première est de doter ce festival, mais aussi tous les autres d’un statut juridique approprié, le meilleur étant celui d’association, indépendante et responsable. Rien n’empêche cependant le ministère de la Culture de garder une tutelle, à travers la propriété des droits du Festival et le contrôle de sa bonne gestion, à travers des Administrateurs de droit membres du comité directeur et/ou l’agrément du directeur du festival, ainsi qu’à travers l’inspection administrative et financière s’agissant d’institution bénéficiant du soutien de l’Etat.
Rendre ces manifestations à la société civile, mettre en place une gouvernance efficace, organiser le mode opératoire, fixer les indicateurs de performance, exercer un droit de suivi et de contrôle : autant de garants d’une meilleure gestion de nos festivals. Que le départ de Mourad Sakli serve au moins à hâter la réflexion et l’action sur le statut et le management de nos festivals, avec moins d’interférences et mieux de spectacles.
Addendum: Le journal La Presse rapporte:
"Nous apprenons d’une source autorisée au ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine que le remplacement de M. Mourad Sakli par M. Boubaker Ben Frej à la direction de la 46e édition du Festival international de Carthage a été prise en raison de la marginalisation manifeste des principaux artistes tunisiens dans la programmation de l’ancien directeur, alors que cet important rendez-vous a pour vocation de promouvoir la musique tunisienne et ses artistes.
Comment le concevoir alors sans particulièrement Lotfi Bouchnak, Latifa Arfaoui, Amina Fakhet, Soufia Sadok et Zied Gharsa?"