Lu pour vous - 01.10.2018
La promesse du printemps d’Aziz Krichen, publié aux éditions de la Sorbonne : présentation cette semaine à Paris
C’est une édition enrichie du livre d’Aziz Krichen, ‘’La promesse du printemps, Tunisie 2011 -2017) qui vient d’être publiée par les Editions de la Sorbonne. Deux textes majeurs y sont ajoutées : une préface par Pierre Vermeren et une postface, d’Aziz Krichen, intitulée ‘’Monde arabe : la nouvelle donne stratégique’’.
L’ouvrage fera l’objet de deux présentations cette semaine à Paris en présence de l’auteur : la première à la Sorbonne et la seconde, ce jeudi 4 octobre (12h30-14h), à l’iRReMMO (Institut de Recherche et d’Etudes Méditerranée Moyen -Orient).
Pierre Vermeren, historien, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, est spécialiste du Maghreb et des mondes arabo-berbères. Sous le titre de ‘’Saisir l’occasion historique quand elle survient’’ il invite à ‘’comprendre le printemps tunisien’’ dans toute sa complexité et suivre le parcours politique de Krichen. A partir de ces éléments, estime-t-il, le lecteur sera à même d’appréhender la promesse du printemps
La postface d’Aziz Krichen vient compléter le tableau tunisien par une mise en perspective géostratégique régionale. L’analyse, détaillée, fouillée et profonde, interpelle le lecteur, sur plus d’un enjeu crucial. La conclusion lance un grand débat. Extraits.
L'article de Sophie Bessis: Aziz Krichen dans La Promesse du printemps : Sombre tableau, mais une volonté farouche de croire en l'avenir
Et maintenant ?
" Déclin de la suprématie américaine, retour de la Russie comme acteur global, défaite de Daech et du jihadisme, affirmation du rôle de l’Iran, isolement accru d’Israël, résilience de l’Etat en Syrie et en Irak, division du Conseil de coopération du Golfe, affaiblissement considérable de la monarchie saoudite, possibilités nouvelles pour l’intégration maghrébine : toutes ces évolutions, et bien d’autres, ont été soit provoquées, soit accélérées par le Printemps arabe. C’est la preuve, s’il en fallait une, que celui-ci procédait d’une authentique poussée révolutionnaire, puisqu’il est parvenu à modifier en profondeur les anciens équilibres de la géopolitique régionale et mondiale.
Ce tableau d’ensemble, dont on pouvait dessiner les grands traits dès le début de l’été 2017 , reposait sur un constat irrécusable : tous les pays qui avaient combattu la déferlante terroriste, tous ces pays se retrouvaient dans le camp des vainqueurs ; à l’inverse, tous les pays qui, d’une façon ou d’une autre, l’avaient soutenu, tous ces pays se retrouvaient dans le camp des vaincus.
Pour tenter de donner le change et sauver ce qui pouvait encore être sauvé, le camp des perdants s’est alors lancé dans une série de batailles d’arrière-garde, des actions de retardement, visant à compenser l’échec militaire par des victoires politiques. On peut en citer plusieurs exemples :
- Les démarches israéliennes pour obtenir de la Russie qu’elle exige de l’Iran le retrait de ses troupes en Syrie (mars 2017) ;
- Le référendum d’indépendance au Kurdistan iraquien (septembre 2017) ;
- La dénonciation par les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien (octobre 2017) ;
- La séquestration du Premier ministre Hariri à Ryad pour provoquer une crise au Liban, devant entraîner le départ du Hezbollah de la coalition gouvernementale (novembre 2017) ;
- La reconnaissance par l’administration Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël (décembre 2017).
On connaît le sort réservé à ces différentes initiatives : elles ont toutes été vaines et aggravé les difficultés de leurs auteurs. La dernière en date, notamment – le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem –, s’est soldée par un véritable fiasco diplomatique pour les USA à l’ONU. Elle a ressoudé les pays arabes autour de la cause palestinienne et retardé la conclusion de l’accord de normalisation entre le régime saoudien et Israël.
Il faut néanmoins se garder des conclusions trop hâtives. La capacité de nuisance du camp des perdants demeure considérable. Les Etats-Unis restent la première puissance militaire dans le monde. Israël est doté de l’arme nucléaire. L’Arabie saoudite dispose des plus grandes ressources en pétrole de la planète. Et ces trois pays peuvent s’appuyer sur un ordre politique arabe officiel certes profondément ébranlé, mais toujours soumis à leur volonté.
Tout cela compte et continuera de compter dans les années à venir. Mais les choses ne sont plus ce qu’elles étaient. Les réalités qui ressortent de l’analyse des rapports de force ne sont pas figées, mais en mouvement. De ce point de vue, depuis 2011, l’horizon est de nouveau ouvert, même si la route est encore longue pour accéder à une vraie émancipation nationale, la première des libertés."