News - 02.10.2018

Monji Ben Raies: Nous devons élaborer un modèle de gestion des crises intérieures!

Monji Ben Raies: Nous devons élaborer un modèle de gestion des crises intérieures!

La guerre et les tempêtes peuvent vous piéger en un rien de temps, et personne ne le sait mieux que les victimes. Mais les choses ne sont pas toujours aussi simples que ce que les responsables veulent bien le dire. Si les guerres et les tempêtes diffèrent à bien des égards, elles ont quelque chose en commun, une fois lancées, leurs effets sont souvent imprévisibles.

Les tiraillements entre risques naturels et sécurité nationales doivent être au coeur de la création d’une instance en charge de l’anticipation et du suivi des catastrophes naturelles selon une approche tous risques, en se préparant aux incendies, aux inondations, aux tempêtes et aux incidents en tous genres, désastres qui exigeraient tous les mêmes savoirs faire en matière de secours, de soutien logistique et humain et de reconstruction. Il est important de savoir que le nouvel environnement sécuritaire international a eu pour effet d’éroder les capacités de l’État à réagir et à se préparer à de possibles catastrophes naturelles. Jusqu’à aujourd’hui, aucun budget n’est alloué à la prévention et la lutte contre les risques notamment climatiques, qui ne cessent de frapper toujours plus durement notre pays pourtant classé à risque au niveau sismique et climatique, alors que des montants énormes sont alloués à la lutte contre des adversaires fantômes en des lieux reculés du territoire national. L’administration ne voit plus les menaces pesant sur la Tunisie que par un seul prisme, celui du terrorisme, négligeant les autres types de menaces tout aussi dévastatrices. Or, insister à ce point sur le terrorisme pourrait sévèrement restreindre les capacités d’actions de l’État dans des situations ayant bien davantage de chance de se produire, comme la survenance de catastrophes naturelles. La Tunisie a toujours été réputée comme une zone d’instabilité tectonique et tout dernièrement, en 2016, elle a été classée parmi les 15 Etats directement menacés par les conséquences du réchauffement climatique. Le compte à rebours a d’ailleurs déjà commencé si l’on en croit le dérèglement des saisons et la pluviométrie exceptionnelle que subit la Tunisie depuis un certain nombre d’années. La destruction d’une ville majeure comme Nabeul et l’ampleur du sinistre de toute la région du Cap Bon est le signe de l’incompétence et de la négligence des autorités, mais également de l’épuisement des ressources et d’un mauvais sens des priorités; elles ont sapé la capacité du pays à se protéger contre des risques parfaitement prévisibles.

Inondations, glissements de terrain, tremblements de terre, désertification, érosion des côtes et incendies de forêts sont autant de fléaux qui menacent continuellement la Tunisie. L'histoire de la Tunisie est pleine de catastrophes survenues, qui sont autant de preuves que notre pays n'est pas à l'abri des risques naturels majeurs. le phénomène inondation est ancien. À travers l'histoire, le nombre de fois où des régions tunisiennes ont été touchées se comptent par dizaines. Il apparaît donc que les très fortes pluies sont un phénomène qui a toujours existé en Tunisie. Ces pluies sont une des manifestations du caractère irrégulier, brutal et excessif de son climat. Les dégâts matériels et humains des crues et des inondations qui s’ensuivent sont souvent importants. Les extrêmes pluviométriques semblent être de plus en plus récurrents, ce qui expliquerait les gros dommages provoqués par les inondations depuis cinq ou six décennies. Mais malheureusement nous ne disposons pas de chroniques suffisamment longues pour déceler d'éventuelles ruptures de stabilité dans les séries pluviométriques. Les événements les mieux décrits et les mieux connus, sont pour la plupart encore récents, ou ceux enregistrés depuis le début du XXème siècle et notamment après les années 1950. Mais il est indéniable que tous les changements hydrologiques sont inhérents à la fois à des changements climatiques généraux mais aussi à une urbanisation outrancière et aux actions diverses d'aménagement du territoire, parfois imprudentes, qui ne cessent d'augmenter la vulnérabilité des villes et des espaces aux inondations.

Par ailleurs, la croyance commune se représente la Tunisie comme calme sur le plan tectonique, et à l'abri des secousses telluriques. Or l'histoire signale l'occurrence de séismes importants concentrés au Centre et au Nord du pays. En effet, les risques sismiques qui menacent la Tunisie relèvent de la tectonique des plaques, en relation avec l'affrontement de deux grandes plaques, celle de l'Afrique et celle de l'Eurasie. Ce phénomène peut entraîner de violents tremblements de terre comme des raz de marées de type Tsunami comme ce fut le cas au IXème siècle après JC en Tunisie.

Forte de cette expérience et de ses annales notre pays aurait dû apprendre à gérer ces risques. La gestion des risques naturels suppose une approche systémique pour tenir compte de tous les facteurs directs ou amplificateurs. Se préparer à affronter un événement extrême pour en prévenir les effets, suppose la mise en place d’une politique d’aménagement en plusieurs étapes, d’abord celle de sa perception ; Ensuite de sa localisation et de la détermination de son aire d’action ; enfin de sa prévision et de sa prévention. Cela aurait dû être d’autant plus vrai que nous disposons de tout un arsenal juridique et institutionnel prévu à cet effet :

Loi n°91-39 du 8 juin 1991 portant ‘’Lutte contre les calamités, et leur prévention et l’organisation des secours. Le plan national relatif à la lutte contre les calamités, à leur prévention et l’organisation des secours : institué par la loi relative à la lutte contre les calamités et dont les modalités d’élaboration et d’application ont été fixées par le décret n°93-942 du 26 avril 1993 constitue le droit commun de l’intervention urgente en cas de survenance d’un risque naturel, sur le plan national. Les plans régionaux d’urgence relatifs à la lutte contre les calamités, leur prévention et l’organisation des secours, ont été institués conjointement avec le plan national relatif à la lutte contre les calamités, leur prévention et l’organisation des secours.

Par ailleurs, les acteurs plus remarquables dans la gestion des catastrophes naturelles en Tunisie sont l’administration publique et les commissions permanentes.
En ce que concerne l’administration centrale, la tâche est répartie entre plusieurs ministères

  • Le Ministère de l’intérieur : rôle limité à la phase de secours
  • Le Ministère de l’environnement : chargé de la prévention, la réduction ou la suppression des risques qui menacent l’Homme, la flore et la faune et tous les éléments de l’environnement, air, eau et sol.

Également chargé de la présidence de la commission nationale pour la prévention et la lutte contre les évènements de pollution marine.

  • Le Ministère de la santé publique : ce ministère est principalement responsable de la prévention des fléaux ayant un caractère biomédical tels que les épidémies et pandémies et le bioterrorisme.

Mais la réalité nous conduit à penser que tout cet édifice n’est qu’un décor de scène et que ceux qui en ont la charge ne maitrisent aucun de ses rouages. La preuve en est l’ampleur des sinistres depuis le début du XXIème siècle, y compris celui de Nabeul du 22 septembre 2018.

Nous devons réfléchir sur les relations entre risques et société, d’autant que depuis 2015 et les accords de Paris, le réchauffement climatique nous rappelle à l’ordre à chaque instant. Face à l’une des plus graves catastrophes naturelles de l’histoire du pays, les Tunisiens découvrent l’impuissance des pouvoirs publics qui, à tous les niveaux, se montrent incapables de prendre les mesures nécessaires pour gérer la crise, agissant dans la confusion et le chaos. Des vies ont été perdues qui n’auraient jamais dû l’être si toutes les précautions avaient été prises. Les pluies torrentielles du 22 septembre 2018 à Nabeul soulignent la superficialité et la vulnérabilité des dispositifs de sécurité intérieure. Cet état de fait vient confirmer le fait déjà souligné par le raid de Ben Gardane en 2016. Ce qui sanctionne durement le choix de l’administration de ne se consacrer qu’à la seule lutte contre le terrorisme, négligeant ainsi la prise en compte des risques naturels. Les dégâts sont considérables, la catastrophe ayant semé sur son passage destructions et désolation. Face à cette catastrophe naturelle la confusion règne en maître et les Tunisiens découvrent avec stupeur la paralysie de leur administration à tous les niveaux de l’Etat, local, régional et central. La Tunisie doit avouer son impuissance face à la colère des éléments et son incapacité à faire face à une crise sur son propre sol. Les médias reprennent en boucle les images des rescapés hagards de Nabeul, réfugiés sur leurs toits en attendant d’hypothétiques secours, des automobiles, et éléments domestiques emportés par les flots déchaînés. Les gens dépossédés en un instant de tout ce qu’ils possédaient et livrés au désespoir. Aucune mesure n’est prévue pour l’après et comme à chaque fois l’Etat se met en retrait et ce sont les dons citoyens qui doivent pallier sa défaillance et mettre la main à la poche pour le dédommagement des victimes. Ces actions jouant sur la fibre de la solidarité et de la générosité alors qu’il y a tant de gens qui perçoivent des salaires scandaleux sans jamais être mis à contribution.

N’est-il pas temps de nous interroger sur les choix et priorités de l’administration, obsédée par la lutte antiterroriste, si dans le même temps il n’est pas possible pour elle, de protéger les citoyens contre des aléas, certes naturels, mais dont les conséquences au moins devraient être humainement maîtrisables avec un plan d’urgence bien étudié ? L’émoi provoqué par le désastre advenu est tel qu’il nous faut comprendre les raisons d’un tel échec et donc ouvrir une enquête au sein de l’administration, non pas pour désigner un coupable mais simplement pour que cela ne se reproduise plus. Si la violence de l’averse rend aisément compréhensible l’importance des dégâts subis par les régions dévastées, en revanche, la réaction confuse des pouvoirs publics et le cafouillage des forces de sécurité, trahissent leur impréparation à une catastrophe, qui constitue pourtant une menace habituelle de nos jours dans un pays frappé depuis plusieurs années par ce type de phénomènes climatiques. Cette impréparation trouve ses racines dans le traumatisme subi par la Tunisie suite aux attentats dont elle a été victime, qui ruinent le mythe de l’invulnérabilité légendaire du territoire tunisien. Dès lors, l’obsession majeure des présidents comme de l’administration nationale est de forger un outil destiné à prémunir l’Etat contre la répétition de ce traumatisme, conduisant les responsables nationaux à négliger la prise en compte des risques réels, naturels, considérée comme une menace secondaire, laissée au mieux des cas à la charge des pouvoirs locaux. Ceci explique comment, alors même que la menace climatique était parfaitement connue, elle n’a pas été prise en compte par les pouvoirs publics, consacrés qu’à la seule lutte contre la menace terroriste. Cette impréparation s’est payée au prix fort. Intervenant au dernier moment dans une crise qu’elle n’a pas su anticiper, l’administration s’est avérée impuissante à remédier à la confusion qui règne au sein des pouvoirs publics locaux. C’est l’erreur des choix stratégiques d’une administration davantage préoccupée par les menaces extérieures qui avaient montré la vulnérabilité extérieure de la Tunisie, l’échec de Nabeul après celui du nord-ouest du pays soulignent aussi notre vulnérabilité intérieure et les failles du dispositif de sécurité intérieure. Il est difficile de comprendre et surtout d’admettre le manque de préparation et l’inefficacité de la réponse initiale à un désastre qui a été annoncé et pour lequel des avertissements ont été donnés pendant plusieurs jours sur d’autres canaux médiatiques. Les pluies diluviennes ont provoqué une des catastrophes les plus importantes de l’histoire du pays, parce qu’il a ravagé une ville, dont la vulnérabilité était notoire du fait de sa localisation dans un endroit particulièrement exposé aux risques d’une inondation.

Les orages de cette ampleur sont devenus un risque naturel habituel et fréquent constituant une menace chronique pour la Tunisie, frappant pratiquement chaque année.

Il ne s’agissait donc pas d’une menace inconnue ni exceptionnelle. La vulnérabilité notoire de la ville de Nabeul, comme de toute la partie nord du pays à la menace des eaux, était connue. En raison de sa localisation géographique, Nabeul était particulièrement exposée à des risques d’inondations, d’autant que son dispositif de protection structurel souffrait de nombreuses insuffisances et n’était pas en mesure de la prémunir des effets d’un déluge.

Une ville construite dans un site extrêmement exposé aux risques naturels des eaux. L’ensemble des infrastructures a été construit selon un véritable patchwork, sans aucune vue d’ensemble et sans respect de normes communes tant de sécurité que de construction. De plus, la dilution des responsabilités entre les différents organismes a empêché une prise de conscience de la menace, les organismes locaux ne se souciant que de la partie du système dont ils étaient responsables. Cette hétérogénéité a masqué les zones de faiblesses du système entraînant l’inondation du 22 septembre 2018. Cependant, la principale faiblesse du système tient avant tout au fait qu’il a été conçu pour ne supporter au maximum qu’une pluviométrie ordinaire.

Ce choix, motivé par le souci de limiter les coûts de construction, reposait sur une étude des risques, constituant la menace la plus probable. De ce fait, dès lors que la ville était exposée à un orage majeur, il était certain que les canalisations seraient saturées, au pire partiellement détruites, entraînant dans les deux cas l’inondation de la ville. C’est ce qui s’est produit, l’absence de système de surveillance et d’un dispositif d’alerte ne permettant pas de surcroît de contrôler la montée des eaux ni de détecter toute faille dans le système de protection. Une menace parfaitement identifiée mais non comprise.
Devant l’ampleur des conséquences potentielles d’une telle catastrophe, dont nul ne peut ignorer les effets probables. Confrontées à la réalité d’une menace connue et dont les effets sont parfaitement identifiés et contre lesquels il faut réagir rapidement, les autorités se montrent pourtant incapables de prendre les mesures qui s’imposent de manière à organiser l’évacuation de la population des zones sinistrées et à prépositionner les moyens nécessaires pour y faire face. Cette paralysie de l’initiative, est un autre reflet de l’impréparation des autorités publiques à la gestion d’une crise majeure sur le sol tunisien, faute d’avoir su à l’avance, suffisamment prendre au sérieux la menace pourtant réelle, des risques naturels, relégués à un rang secondaire du fait de l’obsession antiterroriste qui caractérise l’administration.

Dans un pays très attaché à son unité, la gestion des crises a longtemps été l’apanage des seuls pouvoirs régionaux et locaux. Par tradition, c’est d’abord aux autorités des villes et surtout aux gouverneurs des régions qu’il incombe de faire face aux risques naturels. Tout entier tourné vers la lutte contre la menace terroriste sous toutes ses formes, après les attentats du Bardo et de Sousse, le gouvernement néglige ouvertement la prise en compte des risques naturels comme menaces potentielle à la sécurité intérieure. La situation est d’autant plus préoccupante que le nouveau gouvernement, reste un chantier inachevé en pleine restructuration, confronté à d’importantes difficultés de commandement et de coordination qui obèrent significativement sa capacité opérationnelle.

Nous devons constituer un premier dialogue, le début d’une discussion à prolonger sur la manière de faire face à un désastre dont presque personne ne douterait qu’il frapperait la Tunisie. Dans le cas présent, un certain nombre de problèmes n’ont pas été véritablement pris en compte. Le poids de la centralisation est encore, jusqu’à présent, un frein à une gestion efficace des crises intérieures. La prééminence constitutionnalisée des régions et des pouvoirs locaux n’est restée jusqu’à aujourd’hui qu’un voeu pieux. La gestion des catastrophes relève, depuis l’indépendance, des attributions du centre et non des gouverneurs et des pouvoirs locaux, qui ne peuvent qu’apporter leur soutien par leur administration et logistique en cas de besoin. Cette primauté est malvenue, car les gouverneurs et les pouvoirs locaux ont une meilleure connaissance des besoins spécifiques des citoyens et des territoires qu’ils administrent. Ils sont mieux à même d’évaluer rapidement et avec efficacité les actions nécessaires à mener, en se soutenant entre gouvernorats et/ou municipalités. Le gouvernement ne peut jouer en la matière qu’un rôle secondaire, se contentant de pourvoir aux besoins que les gouvernorats et autorités locales ne sont pas en mesure de satisfaire, en veillant à ne pas interférer avec les directives données par ces autorités. Cette conception classique de la gestion des crises est dans l’esprit de l’unitarisme traditionnel qui caractérise la plupart des Etats africains, la Constitution opérant une stricte attribution de tâches entre les autorités déconcentrées, celles décentralisées et le gouvernement central. De fait, le pouvoir appartient d’abord à l’Etat, dont la Constitution souligne les attributions au profit du gouvernement dans les domaines où elle considère que ce dernier est le mieux placé pour les exercer au nom de l’intérêt commun. En vertu de cette répartition des pouvoirs, le gouvernement est ainsi chargé d’assurer la défense, la politique des affaires étrangères et de veiller aux relations extérieures. En revanche, ce devrait être aux pouvoirs locaux que revient la charge de gérerau premier chef les troubles civils et les atteintes à la sécurité publique. Un tel dispositif, guidé par le principe de subsidiarité, est parfaitement inadapté à la plupart des catastrophes de faible ou moyenne intensité qui se produisent chaque année.

Pour fonctionner correctement, il suppose que les responsables locaux des premières interventions et secours, soient en mesure de gérer la phase initiale de la catastrophe, le temps de bénéficier de renforcements de la part de l’administration centrale.

A Nabeul, l’ampleur des dégâts dès le début de la crise a été telle que les responsables locaux, pris au dépourvu, ont été paralysés, se montrant incapables de réagir et d’évaluer leurs besoins, subissant toute la phase initiale de la crise. Celle-ci a conduit à une certaine passivité de l’administration, qui a attendu d’être saisie pour intervenir, perdant un temps précieux, alors qu’une action de planification en amont des effets possibles aurait permis une action efficace dès le début, contribuant ainsi à limiter l’inondation de la ville et les souffrances des victimes. L’ampleur de la catastrophe, annoncée par l’office de la météorologie nationale, justifiait largement le recours à de telles dispositions pour légitimer une intervention dès l’annonce. C’est au contraire la passivité qui a prévalu, laissant libre cours au drame qui s’est joué samedi 22 septembre 2018, avec une intervention après coup.

L’attentat du Bardo du 18 mars 2015, ainsi que celui de Sousse du 26 juin 2015 avaient mis un terme au mythe de l’immunité du territoire tunisien, provoquant un traumatisme durable dans l’esprit des autorités et au sein de la population tunisienne. Dès lors, la lutte contre la menace terroriste est devenue une priorité nationale, reléguant toutes les autres menaces à un rang secondaire, voire négligeable. En pratique, cette obsession paranoïaque pour le terrorisme a conduit à systématiquement rejeter les demandes tant de matériels que de subventions, lorsqu’elles ne sont pas relatives à une mesure de lutte contre le terrorisme. Or il nous faut un instrument de gestion de crises, censé favoriser une réponse globale, permettant de faire face avec succès à toute menace, qu’il s’agisse d’inondations, d’incendies ou de séismes. Il nous faut aussi un corps de la protection civile qui soit fiable tant en effectifs personnels qu’en répartition géographique surtout dans les zones reconnues à risque et qui doit disposer d’un équipement conséquent.

Le gouvernement a aussi échoué, jusqu’à présent dans la gestion des risques naturels, parce qu’il n’a pas tiré parti des expériences passées, ou parce que les enseignements qui auraient dû être tirés des annales n’ont pas été mis en oeuvre. Si les attentats de 2015 et ceux qui ont suivi ont été l’échec de l’imagination, alors les inondations du Nord-Ouest en 2012, de Tunis et de Bizerte et Menzel-Bourguiba quelques semaines plus tôt et enfin de Nabeul ont été l’échec de l’initiative et des pouvoirs publics. Confrontés à une catastrophe connue et largement annoncée, les responsables tunisiens se montrent incapables tant de prendre les mesures pour en limiter les effets que de réagir de manière efficace à une crise qui a pourtant eu de nombreux précédents dans le passé. Alors même que d’importants moyens sont disponibles pour juguler la catastrophe, qu’il s’agisse des structures, ou des moyens militaires, absents ; les autorités hésitent à les employer et semblent paralysées par l’ampleur de la crise avec laquelle elles sont en prise. Ces échecs sanctionnent l’impréparation des autorités nationales à une menace endémique et répétitive à laquelle elles ne croient pas, mettant la catastrophe sur le compte de la fatalité et de la prédestination. L’obsession de la lutte contre le terrorisme qui anime l’administration depuis 2011 la conduit à concentrer tous ses efforts sur ce seul objectif, négligeant la prévention des risques naturels et la préparation à la gestion de crises provoquées par de telles menaces d’origine naturelle. Aussi, l’échec dû aux catastrophes naturelles auxquelles est confrontée la Tunisie est bien une faillite du dispositif de sécurité intérieure du pays, négligé et par conséquent incapable de faire face à un risque naturel, à l’image du plus pauvre des pays du Tiers-Monde. Les citoyens ont eu aussi un rôle important à jouer à leur niveau, comme une responsabilité civique à prendre des mesures décisives ce qui est un bon point. Les gens se sont pris en charge parce que les responsables des premiers secours ont été incapables de s’occuper des personnes en danger au cours de ces jours fatidiques, constatant ainsi que, dans une crise en Tunisie, les gens doivent d’abord se débrouiller seuls… Nous devons élaborer un modèle de gestion de crises intérieures. La Tunisie ne peut plus et ne doit plus se contenter de constater la cassure de sa capacité de gestion de crises. La préparation à la menace, qui s’est faite en ordre dispersé dans un climat de confusion et de chaos ne doit plus l’être. Ce qui est aujourd’hui sans doute le plus clair aveu de l’impuissance du gouvernement doit être corrigé.

Monji Ben Raies
Universitaire,
Enseignant et chercheur en droit public et sciences politiques,
Université de Tunis El Manar,
Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis.