Ce que dit Taoufik Baccar dans son livre de Ben Ali, Mohamed Ghannouchi et Mustapha Kamel Nabli
Les économistes et financiers y trouveront des éléments utiles à lire. Les amateurs de révélations croustillantes ne seront pas totalement comblés, mais pas fortement déçus. Dans ‘’Le miroir et l’horizon, rêver la Tunisie’’, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, jusqu’au 17 janvier 2011, Taoufik Baccar alterne analyses, parcours et témoignages. Son récit du 14 janvier 2011 et des deux jours suivants tels qu’il les a lui-même vécus apporte des éclairages personnels.
S’il revient dans son livre sur la fausse rumeur destructrice de la disparition d’une quantité considérable de lingots d’or des réserves de la BCT (1,5 tonne, d’une valeur de 45 millions de dollars, qui déplore-t-il, ne sera pas officiellement démentie, il évoque les mesures urgentes qu’il avait prises. Taoufik Baccar sera cependant peu tendre à l’égard de l’ancien Premier ministre Mohamed Ghannouchi et mitigé à l’égard de Mustapha Kamel Nabli.
Tout en défendant son bilan de ministre du Développement économique, puis des Finances, et de Gouverneur de la BCT, Baccar étoffe son ouvrage d’une série d’analyses, de réflexions et de propositions. Dans la dernière partie, il décrit « la seule voie passante : réformes et cercle vertueux, fondé sur la démocratie, la croissance et le développement".
« Sa nouvelle casquette, à la tête du Centre international Hédi Nouira de Prospective et d'Etudes, un think tank en plein envol, écrit dans sa préface, Christian de Boissieu, va lui permettre de peser autrement sur les options majeures de son pays. Puisse-t-il être entendu et surtout écouté. »
Un vaste débat.
Le miroir et l’horizon, rêver la Tunisie
de Taoufik Baccar
En librairies, 406 pages, Octobre 2018, 29,5 DT
Extraits
Ben Ali
De ses relations avec le sommet du pouvoir début des années 1990, alors qu’il était secrétaire général du ministère du Développement économique dirigé par M.K. Nabli, avant de lui succéder en septembre 1995 Baccar livrera sa version: « Je n’avais pas, écrit-il, de ''background politique'' et je n’entretenais pas de relations avec le président de la République, ni avec le Premier ministre de l’époque Hamed Karoui, et je n’avais non plus de contacts avec ‘’les pouvoirs parallèles’’ qui étaient en ces moments à l’origines de plusieurs nominations à caractère politique.»
Ben Ali, dira-t-il l’avait repéré à la faveur d’un débat télévisé sur le développement régional en 1994, auquel il avait fini par accepter de participer en tant que ‘’représentant de l’Administration’’ avec Khemaies Chammari, Bujemaa Remili et Slaheddine Jourchi. Lorsqu’il a été choisi de prendre la relève de Nabli, Taoufik Baccar écrit : « Je ne m’y attendais pas ; lui non plus, d’ailleurs. Les années d’après me feront découvrir les raisons de cette nomination. En fait, le départ précipité de Mustapha Kamel Nabli qui n’avait jamais accepté que le ministère soit amputé de la Direction générale de la Coopération internationale, au moment où l’élaboration du 9ème Plan de développement (1997 – 2001) était déjà engagée, ne laissait pas beaucoup de choix au Président de la République et rendait la confirmation du secrétaire général justement chargé de la coordination des travaux du plan que j’étais, au poste de ministre du Développement économique envisageable et même souhaitable pour les pouvoirs publics ».
En fait, l’auteur ne l’a pas mentionné, Nabli avait demandé avec beaucoup d'insistancec son départ du gouvernement, remettant sa démission entre les mains du Premier ministre Hamed Karoui, suite au renforcement de la main mise de Carthage sur les marchés publics, la recrudescence de l’influence du clan présidentiel, le renoncement aux engagements démocratiques et autres points essentiels qu’il jugeait non-négociables. Il n’était pas le seul dans cette position, Mohamed Charfi aussi, au moins. Hamed Karoui rapportera dans ses mémoires en cours de préparation avancée, combien de temps et de patience il lui faudra pour convaincre Ben Ali d’accepter la démission de Nabli.
Revenant sur sa nomination au poste de ministre des Finances, Taoufik Baccar révèlera que Ben Ali le convoquera le 17 avril 1999 pour lui demander de lui proposer un candidat pour lui succéder à la tête du ministère du Développement économique, lui annonçant ainsi sa décision de le désigner aux Finances. Sa nomination à la tête de la Banque centrale suivra le même processus. En plein été 2003, alors qu’il était en vacances à Mahdia, rapportera-t-il, Ben Ali l’appelle au téléphone pour le « sommer de lui présenter dans les plus brefs délais une liste de responsables à désigner à la tête de différentes institutions financières publiques, y compris et ce sont ses propres mots, le gouverneur de la Banque centrale ». Baccar se dit « désemparé », mettant du temps à répondre à la première demande et « esquivant » la seconde. Le 20 décembre 2003, alors qu’il lui rendait compte de l’adoption du budget, Ben Ali lui annoncera sa nomination à la la Banque Centrale.
Le 14 janvier 2011
Taoufik Baccar racontera son « jour le plus long » qu’il avait vécu du balcon de son bureau au 8ème étage de la BCT, juste en face du siège du RCD… Il indiquera qu’il contactera d’urgence les PDG de banques et les convoquera pour une réunion urgente le lendemain, samedi 15 janvier 2011. Des décisions sont prises : blocage de toutes les opérations de retrait à l’étranger de cartes bancaires tunisiennes, gel des mouvements ayant trait aux avoirs financiers, et assurer la continuité des opérations bancaires et l’approvisionnement des DAB. Aussi, mise de la Banque Zitouna, sous administration provisoire et contrôle direct de la BCT.
Baccar dit s’être employé à préserver la notation souveraine de la Tunisie et rassurer les marchés financiers. Il reconnait que ce travail n’avait pu être mené à termes « en raison de l’opposition des services du Premier ministre à publier un communiqué de presse visant à contrer les rumeurs calomnieuses nourries par le journal Le Monde sur un prétendu détournement d’une quantité d’or des caisses de la BCT et qui, au demeurant, se sont révélés fausses. »
Mohamed Ghannouchi
Lorsqu'il évoque l’ancien Premier ministre Mohamed Ghannouchi, Taoufik Baccar n'est ni en indifférent, ni en obligé. Du moins critique, voire, amer, ce qui est compréhensible après son lomogeage en janvier 2011 « La suite des évènements, écrira-t-il, montrera que le gouvernement présidé par Mohamed Ghannouchi a été débordé par les phénomènes de contestation, cédant sur plusieurs questions stratégiques. » Et les détaillera, avant d’asséner : « Mohamed Ghannouchi a, par ailleurs, tout fait pout s’affranchir de ses relations avec ses collègues du gouvernement. » Et de modérer ses propos en reconnaissant que « la pression de la rue était trop forte qu’il fallait jeter du lest. »
Revenant sur la composition du nouveau gouvernement du 17 janvier 2011, et les conditions de son limogeage, Baccar ne semble pas le pardonner à Mohamed Ghannouchi. « Dans la même annonce, il met prématurément à mon second mandat et me remplace par Mustapha Kamel Nabli, écrit-il ; une décision manifestement illégale au regard de la loi organique de la Banque centrale, la quelle réserve cette prérogative au président de la République, et du statut de l’Institut d’Emission qui, pour être une personnalité morale autonome de l’Etat, ne fait partie du gouvernement. »
Mustapha Kamel Nabli
Alors qu’il était en 1990, PDG de l’Office de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (OFPE), écrit Taoufik Baccar, Mustapha Kamel Nabli, fraîchement nommé ministre du Développement économique lui proposera de devenir son chef de cabinet. Il déclinera le poste préférant celui de secrétaire général du ministère, dans « modus vivendi laborieusement tissé ». C’est à cette époque, soulignera-t-il, qu’il a dû commencer à exercer des responsabilités de décision d’un département ministériel. Il reconnaît que M. K. Nabli acceptait volontiers de déléguer ses pouvoirs et ce n’était pas courant en Tunisie. »
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Ce qui était important que le président était le maître à bord de la république et la sélection des hauts responsables se ferait selon la compétence et la confiance qui avait généré une gestion très efficace qui avait influé positivement sur la vie sociale c'est grâce à la rigueur plus loin de la dictature .