Exclusif - Le président de la BAD, Akinwumi A. Adesina : Avec la Tunisie, une relation historique, un partenariat privilégié
Par Akinwumi A. Adesina, Président de la Banque africaine de développeme. La relation entre la Tunisie et la Banque africaine de développement est tout à fait singulière par son ancienneté et par les liens de confiance qui nous unissent. D’abord, parce que la Tunisie est un membre fondateur de la Banque, qui fête cette année ses 55 ans. Le pays a toujours joué un rôle important au sein de l’organisation; le deuxième président de la banque était d’ailleurs le Tunisien Abdelwaheb Labidi.
Plus récemment, nous avons été l’un des premiers soutiens de la Tunisie de l’après-14 janvier 2011. Dès les premiers mois, la banque a mobilisé plus d’un demi-milliard d’euros pour soutenir l’efficacité des services publics et contribuer au désenclavement des régions défavorisées. A la suite de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire, Tunis a accueilli le siège de la Banque pendant 11 années, entre 2003 et 2014. Après le retour à Abidjan, la Tunisie a été choisie pour héberger le nouveau bureau régional pour l’Afrique du Nord, où travaillent aujourd’hui plus de 100 collaborateurs gérant près de 10 milliards de dollars d’opérations sur 6 pays de la région. Nous allons, lors de la visite officielle, l’inaugurer officiellement.
La convergence de nos visions avec le pays fait de la Tunisie un partenaire de choix: le pays est un des principaux bénéficiaires des financements de l’institution avec plus de 40 opérations structurantes dans l’éducation, l’eau, l’agriculture, les infrastructures ou encore le numérique. En tout, notre engagement en Tunisie atteint plus de 1,4 milliard de dollars.
Relever le défi de la croissance et de l’emploi
La Tunisie a démontré sa capacité à allier modernité et tradition. C’est là qu’elle doit puiser son énergie pour surmonter ses défis. La Banque est à ses côtés pour lui apporter son appui.
Nous continuerons ainsi à être présents dans nos domaines traditionnels d’intervention, comme les infrastructures de base et le développement régional inclusif. De même, notre engagement va se poursuivre pour soutenir la mise en œuvre des réformes.
Nous croyons aussi dans cette jeunesse tunisienne, moderne, vibrante et créative. Notre institution va donc accroître son soutien à l’investissement, à la transition écologique et numérique et à l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes. Notre objectif est de générer une croissance durable et partagée, avec de la création d’emplois.
Notre vision pour l›Afrique, pour la région et enfin pour la Tunisie en particulier, c’est de voir les jeunes s’impliquer dans l›avancement de leurs pays et briller par leur innovation et leur compétence. Notre souhait est de voir émerger les prochains Bill Gates et Elon Musk sur notre continent.
De meilleures conditions de vie pour les Tunisiens
La stratégie de la Banque pour la Tunisie pour la période à l’horizon 2021 doit agir directement sur la création d’emplois de qualité et sur l’amélioration des conditions de vie, en particulier dans les zones défavorisées. Ce faisant, les enjeux du changement climatique seront également pris en compte.
Le premier axe de travail est le soutien à la compétitivité des entreprises à travers une amélioration de leur productivité. En d’autres termes, nous allons aider le système d’éducation et de formation à mieux répondre aux besoins des entreprises. Cela signifie que les jeunes vont trouver plus facilement du travail et que les entreprises pourront recruter du personnel mieux qualifié. À terme, les entreprises tunisiennes seront plus compétitives et pourront se développer et offrir de meilleures opportunités.
Le deuxième axe de notre stratégie consiste en l’amélioration de la qualité de vie des populations de 16 gouvernorats prioritaires. D’abord en améliorant la qualité des services publics et des prestations des administrations. Ensuite, par la stimulation de l’économie rurale grâce à la valorisation des ressources locales, un meilleur accès aux marchés et l’encouragement à la création de projets menés par les femmes et les jeunes. Nous ambitionnons une hausse des revenus de 30% en 2020 (par rapport à 2017).
En complément de ces priorités stratégiques, les projets ne manquent pas: mise en place de services administratifs en ligne, création d’un système d’identité numérique, ou encore la construction d’un nouveau pont à Bizerte pour fluidifier le trafic et les échanges commerciaux.
Renforcer la transition écologique
Le dérèglement climatique est le véritable défi de notre siècle, et comme de nombreux pays, la Tunisie commence à ressentir ses effets à travers une plus grande fréquence d’épisodes de sécheresse et de phénomènes météorologiques extrêmes. La Banque a d’ailleurs mobilisé une assistance d’urgence après les inondations dramatiques qui ont affecté la région de Nabeul. Plusieurs écoles, accueillant près de 4 600 élèves, en ont bénéficié en 2018.
Nous nous engageons à soutenir la Tunisie pour adapter son agriculture, secteur vital pour l’économie du pays. Il s’agit de mobiliser des eaux non conventionnelles, de diffuser des techniques d’irrigation économes en eau et même de développer l’usage de drones afin de renforcer la production agricole du pays.
Dans le cadre des engagements internationaux de la Tunisie en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, des financements sont prévus pour développer les énergies renouvelables, améliorer l’efficacité énergétique et mieux traiter les eaux usées et les déchets, en particulier à travers le recyclage.
Pour relever tous ces défis, la Banque africaine de développement réaffirme sa détermination à rehausser le niveau de sa coopération au bénéfice de la Tunisie
Akinwumi A. Adesina
Président de la Banque africaine de développement
(en visite officielle en Tunisie du 2 au 4 mai 2019)