La crise libyenne : Une guerre civile à nos portes
Rarement la situation aura été aussi catastrophique que celle qui prévaut actuellement en Libye. Les perspectives d’évolution s’annoncent très dangereuses, au risque même de provoquer une guerre civile. A nos portes. Des points essentiels sont à considérer.
Plus que des affrontements, c’est une longue et atroce guerre qui ne fait que commencer. Elle risque de durer longtemps et de constituer une menace réelle pour les pays voisins, la Tunisie en toute proximité. Une guerre qui risque de se transformer en guerre civile. Les deux principaux camps en confrontation directe risquent d’aller jusqu’au bout, lourdement fournis en armes par leurs soutiens respectifs, ne reculant devant rien, jouant le tout pour le tout. Les facteurs religieux (islamistes, salafistes, extrémistes) et tribaux se conjugueront dangereusement pour tout embraser.
Une guerre qui reflète, au niveau du pays et de la région, la dislocation du système international, sonnant la fin des axes traditionnels. Voir les Etats-Unis s’unir avec la Russie pour refuser au sein du Conseil de sécurité leur soutien à un projet de résolution présenté par le Royaume-Uni, en vue d’instaurer un cessez-le-feu, en offre une édifiante illustration. Une guerre atypique. Les pays voisins, dont notamment la Tunisie, sont ceux qui tiennent le plus à une solution politique interlibyenne, sous la bannière des Nations unies. Les puissances mondiales qui interfèrent sont mues par des intérêts bassement égoïstes d’accès aux richesses pétrolières. Alors que d’autres pays lointains du voisinage entendent jouer de leur influence. Une guerre par procuration. Les véritables belligérants ne sont pas en Libye. Ils se situent loin du champ de bataille, faisant livrer armes, munitions et argent.
Une guerre qui menace de partition la Libye. Les tentations d’éclatement du pays en trois entités autonomes ressurgissent. Curieusement, c’est un pays non arabe de la région, hégémoniste et dominateur, soucieux de sa sécurité stratégique, qui s’y oppose fermement, s’invitant indirectement à cette guerre.
Une guerre qui compromet quasi définitivement toute chance d’une solution politique, sonnant la fin de la mission de l’ONU, conduite par Dr Ghassan Salamé. Les autorités tunisiennes ont de quoi s’inquiéter. Elles multiplient les démarches d’appel au cessez-le-feu et la reprise du dialogue politique, directement entreprises auprès des deux camps et de leurs « amis », saisissant d’urgence les différentes instances régionales et internationales. Tout en réitérant cet appel, le Conseil de sécurité nationale, réuni par le président Béji Caïd Essebsi, craignant par ailleurs les répercussions internes, a invité «les Tunisiens à plus de vigilance et de solidarité, pour faire bloc face à tous les défis pouvant se poser au pays dans ce contexte très critique.»
«La diplomatie tunisienne marche sur un fil de rasoir, confie à Leaders un spécialiste. L’équation, devant intégrer de nombreuses données sur le terrain et prendre en compte nombre de considérations géopolitiques, n’est pas facile à résoudre. Ayant accès à toutes les parties concernées, en Libye comme dans les autres capitales concernées, la Tunisie s’en tient à sa ligne de principe : opposition à toute interférence étrangère, refus de la partition de la Libye, exclusion de la solution militaire et retour au dialogue politique interlibyen».
Sauf que la réalité sur le terrain et dans les coulisses est encore plus complexe...