Blogs - 31.07.2010

Honorable, dites-vous !

H-O-N-O-R-A-B-L-E,  c'est peut-être l'adjectif  le plus usité dans la langue arabe. Gavé par les désillusions depuis plusieurs décennies, le monde arabe n'a pas trouvé mieux  pour conjurer cette "malédiction" que cette épithète pour se remonter le moral. C'est pour cela que vous n'entendrez jamais parler de défaite cuisante, mais de défaite "honorable" comme s'il existait des défaites autres que déshonorantes, ou de demi victoires; non pas de résultats décevants, mais de performances et de résultats honorables. Il ne faut surtout pas désespérer les citoyens, même dans des secteurs ou la défaite ne porte pas à conséquence (en sport par exemple), comme le faisaient les intellectuels européens de gauche en gardant le silence  sur le Goulag, dans les années 50 (il ne faut pas désespérer Billancourt, disait Sartre).

En plein blitz et alors que Londres était bombardé par les Stukas allemands, Churchill exhortait  ses compatriotes à résister tout en leur demandant des sacrifices et  leur promettant encore "du sang, de la sueur et des larmes." Le courage d'appeler les choses par leur nom, de faire prendre conscience des véritables enjeux, c'est la meilleure façon de motiver les gens, de provoquer en eux un sursaut salvateur. Bien au contraire, le recours aux euphémismes, à la méthode Coué, a un effet boomerang sur les gens dans la mesure où il les démobilisent en les conduisant à minorer les difficultés.

Si le monde arabe accuse aujourd'hui un retard immense sur d'autres pays moins riches en ressources naturelles, s'il envie des pays comme la Corée du sud d'être parvenu à se hisser au rang des grandes puissances industrielles en l'espace d'une génération, s'il enrage de ne pouvoir ramener à la raison un petit pays comme Israël qui opprime impunément les Palestiniens depuis soixante ans, c'est, surtout, parce que la plupart des gouvernants arabes des premières années de l'indépendance, alors que leurs pays avaient tous les atouts pour décoller, ont préféré flatter plutôt que d'orienter, éduquer ou responsabiliser; tuer l'initiative privée au nom de théories fumeuses; promettre des lendemains qui chantent tout en se gardant de demander des sacrifices ou de glorifier le travail et l'effort d'une manière générale. C'est cette politique que les Arabes n'ont pas fini,  jusqu'à aujourd'hui, d'en recueillir les "dividendes" empoisonnés.

Jacques Berque aimait à dire qu'"il n 'y a pas de pays sous développés mais des des pays sous analysés, mal aimés par leurs peuples". L'attitude de certains dirigeants arabes y est certainement pour beaucoup. Les Coréens, eux, aiment leur pays "non pas en lui  demandant tout le temps ce qu'il peut faire pour eux, comme le disait Kennedy, mais en se demandant ce qu'ils peuvent faire pour leur pays". Le patriotisme n'est pas synonyme de chauvinisme ni de nationalisme étriqué ou agressif comme on la pratique souvent sous nos latitudes mais de don de soi, de sacrifice et de civisme comme savent si bien en faire preuve les Coréens.

 

                                                                                                                                                                                                                  Hédi