Samir Gharbi: La Tunisie a besoin d’un état des lieux pour avancer
Alors que le pays attend toujours que l’Isie proclame les résultats définitifs des élections législatives tenues le 6 octobre…
Alors que les tractations du parti Ennahdha se poursuivent pour former un coalition parlementaire capable de soutenir le futur gouvernement…
Alors que le Président de la République commence à former son propre cabinet en ayant nommé, entre autres, sa responsable ès communication, la journaliste Mme Rachida Enneifer…
Alors que le peuple vaque à ses préoccupations ordinaires…
Que faut-il attendre du Président de la République Kaïs Saïed ?
J’attends, pour ma part, une première initiative, ordinaire dans la plupart des pays démocratiques, surtout lors des changements radicaux de gouvernement : faire l’état des lieux de la « maison » Tunisie en novembre – décembre 2019.
Cet état des lieux devrait être réalisé, au maximum dans un délai de trois mois, par une commission polyvalente et indépendante d’experts et d’analystes. Les membres de cette commission devront être irréprochables et guidés par le seul intérêt général de la Tunisie. Ils devront avoir accès à toutes les données dans tous les secteurs couverts par leur mission officielle.
Cette mission, définie par le Président de la République, aura pour objectif de dresser un portrait réel de la Tunisie, par exemple:
- Etat de la fonction publique
- Etat de la sécurité nationale
- Etat de la diplomatie
- Etat de l’économie générale
- Etat des finances publiques
- Etat de la dette extérieure
- Etat du commerce extérieur
- Etat des accords et des projets d’accord avec tous les partenaires économiques, financiers et commerciaux bilatéraux et multilatéraux
- Etat des entreprises en Tunisie : entreprises fermées depuis 2011, entreprises en difficultés, projets en panne…
- Etat du code des investissements
- Rôle et contribution des partenaires sociaux (syndicats ouvriers, patronat)
- Rôle et contribution de la société civile
- Etat des médias (presse écrite, audiovisuelle, électronique) : statuts, financement, déontologie, régulation (cartes de presse, libertés, devoirs)
- Etat des enquêtes sur les malversations et les compromis approuvés ou à approuver
- Etat des enquêtes sur les assassinats politiques depuis 2011
- Enquêtes sur la gestion des deniers publics depuis 2011
- Enquêtes sur les détournements de deniers publics depuis 2011 (y compris sur les dons reçus par la Tunisie)
- Refonte de la loi sur les partis et situation actuelle des partis politiques : statuts, financement, présence sur le territoire national…
- Refonte de la loi sur les associations, en particulier leurs statuts et leur financement
- Etat du secteur de l’enseignement public et privé
- Etat du secteur de la santé publique et des cliniques privées
- Etat des projets de loi restés en souffrance de 2014 à 2019, pourquoi ?
- Etat des lois votées qui ne sont pas appliquées faute de décrets d’application
- Etats des institutions prévues dans la Constitution : composition, expertise, financement, rôle.
Vous verrez, Monsieur le président de la République, que vous découvrirez à l’issue des travaux de cette Commission tous les dysfonctionnements qui entravent aujourd’hui le progrès de la Tunisie. Un problème identifié est à moitié résolu, dit l’adage. Et ce n’est qu’ainsi – en découvrant la vérité sur les legs de la période 2011-2019 que vous pourriez remettre le pays en marche. C’est, je suis sûr, une demande que vous avez certainement entendue de la part des Tunisiens que vous avez rencontrés au cours de votre campagne électorale.
Sachez seulement, et je ne doute pas de votre perspicacité, que certains partis et certains lobbies feront tout pour vous dissuader de créer pareille Commission ou pour entraver ses travaux. Mais vous avez le peuple derrière vous et le jugement de l’Histoire devant vous.
Il est évident que la synthèse des travaux de cette Commission devra être rendue publique et débattue. Le salut de la Tunisie est à ce prix. Sinon, le pays continuera de naviguer à vue d’œil en fonction des intérêts étroits de son microcosme politique.
Samir Gharbi