Mohamed Larbi Bouguerra: La Palestine au cœur, de Tunis à Paris et d’Ottawa à Atlanta….
Certains essaient désespérément de nous faire croire que la Palestine est une cause perdue.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres !
En Tunisie, une vingtaine de minutes de recueillement sont dédiées à la Palestine et aux Palestiniens, au sein des établissements éducatifs ce vendredi 22 novembre 2019 suite aux massacres perpétrés par l’Etat sioniste à Gaza, cet Etat qui traduit devant « la justice » militaire cinq cents mineurs palestiniens par an. Record mondial absolu !
A Paris, la Palestine est au cœur des hommes et des femmes épris de liberté et de justice. Ainsi, parmi mille actions, il y a celle du Centre Social de Belleville, dans le 19ème arrondissement, qui organise une grande manifestation populaire autour du film « La case Prison » de Frank Salomé qui traite du cas d’Ala Abou Maria, un ancien détenu mineur palestinien des geôles israéliennes. A Paris est aussi projeté l’excellent documentaire « Le char et l’olivier », une autre histoire de la Palestine, d’Olivier Nurier, qui rappelle des fondamentaux oubliés. Un éclairage primordial basé sur des éléments factuels incontestables, pour se débarrasser des clichés et idées reçues !
De même, les salles obscures de Tunis accueillent actuellement l’émouvant film de Ken Loch « Sorry, we missed you » qui montre les ravages des politiques ultra-libérales et de l’ubérisation en Grande Bretagne. Ken Loch est un ardent défenseur de la cause palestinienne. En avril 2018, l’Université Libre de Bruxelles a décerné à ce grand réalisateur engagé un doctorat honoris causa en dépit de la forte opposition du Premier Ministre belge Charles Michel. Retentissante claque pour ce soutien d’Israël !
Ce même vendredi 22 novembre 2019, paraît sur les colonnes du quotidien « Le Maghreb » (page 10), la lettre ouverte au Président Kaïs Saïd « pour que les droits palestiniens demeurent dans la conscience des Tunisiens ». Cette missive est signée par notre ami le grand mathématicien M. Ahmed Abbas et le juriste émérite de l’Université Princeton (Etats Unis), M. Richard Falk. Rappelons qu’en avril 2018, cet éminent homme de loi américain disait à l’ambassadeur de France auprès des Nations Unies, à la fin de son mandat de rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens: « Ma conviction profonde c’est que la défaite apparente des Palestiniens n’est qu’une illusion d’optique qui cache une défaite israélienne finale- c’est-à-dire que tandis qu’Israël gagne une guerre grâce à sa domination militaire et à l’imposition continue de « faits de terrain », la Palestine gagne ce qui, en fin de compte, est la guerre la plus importante, la lutte pour la légitimité qui est la plus susceptible de déterminer l’issue politique. »
Donald Trump peut twitter et éructer à l’infini en faveur de l’Etat sioniste -Jérusalem, colonies, Golan - pour s’assurer les voix des évangélistes américains lors d’une éventuelle réélection, mais au cours du débat présidentiel démocrate tenu à Atlanta le 20 novembre 2019, le sénateur du Vermont, Bernie Sanders - qui a tâté des kibboutz « socialistes » en Israël dans sa jeunesse - a déclaré sous un tonnerre d’applaudissements : « Nous devons traiter les Palestiniens avec le respect et la dignité qu’ils méritent.» Cette vérité simple est rarement exprimée aux Etats Unis pourtant. Il devait ajouter : « Les Etats Unis doivent revoir leur politique vis-à-vis d’Israël. »
Alors que les États-Unis avaient déjà unilatéralement déclaré Jérusalem "capitale d’Israël" ainsi que la souveraineté israélienne sur le Golan au mépris des résolutions et des Accords d'Oslo, Washington a maintenant annoncé ne plus considérer, pour sa part, comme illégales les colonies israéliennes installées en Cisjordanie et vient ainsi de se placer lui-même hors du cadre légal international.
Les prises de position du président américain sont rejetées même par le Canada voisin.
En rupture avec la toute récente position des États-Unis au sujet des Palestiniens, le Canada a appuyé une résolution des Nations unies en faveur du droit des Palestiniens à l’autodétermination. Il s’agit là d’un vote historique, car il marque une volte-face majeure pour le Canada, qui avait refusé d’appuyer essentiellement la même résolution dans 14 votes consécutifs depuis 2006, depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre conservateur canadien Stephen Harper.
Radio Canada International clarifie les choses ainsi : « S’exprimant sur le contexte de la volte-face canadienne, un représentant du ministère des Affaires mondiales explique que l’appui canadien au droit à l’autodétermination des Palestiniens envoie le message selon lequel le Canada n’est pas d’accord avec l’affirmation du secrétaire d’État américain Mike Pompeo.
Lundi 18 novembre 2019, celui-ci a expliqué que les colonies israéliennes dans les territoires occupés ne sont « pas, en soi, incompatibles avec le droit international ».
Le fonctionnaire d’Affaires mondiales ajoute que le vote du Canada en faveur du droit à l’autodétermination des Palestiniens reflète la prise de position fondamentale du pays sur le conflit israélo-palestinien, soit l’adoption éventuelle d’une solution à deux États avec des frontières viables pour les deux peuples. »
En réalité, en soutien à Benjamin Netanyahou, les États-Unis accélèrent la mise en œuvre de leur «deal» qui consiste à ne reconnaître qu'un seul État gouverné par l’extrême droite israélienne, excluant de fait les Palestiniens et niant leur droit à vivre en paix dans leur propre État souverain, indépendant et démocratique. Il est clair que les alliés des Etats Unis rechignent de plus en plus à entrer dans cette dangereuse diplomatie du pire.
La Palestine au palais du Luxembourg
Samedi 16 novembre 2019, au Sénat, à Paris, s’est tenu un colloque « Israéliens et Palestiniens ensemble contre l’apartheid » organisé par le CVPR-PO et Orient XXI. Dans une salle Clémenceau pleine à craquer, la tribune était occupée par MM. Pascal Savoldelli (sénateur PCF du Val-de-Marne), Maurice Buttin (président d’honneur du Comité de Vigilance pour une paix réelle au Proche-Orient CVPR-PO) et Salman Herfi (ambassadeur de Palestine en France). Le Dr Tarek Loubani, médecin urgentiste canado-palestinien était parmi les intervenants au colloque pour exposer « la situation médicale dans la Bande de Gaza ». Rappelons que le Dr Loubani avait fait une conférence à la Faculté de Médecine de Tunis le 11 mars dernier (Cf le site de Leaders, 10 mars 2019)
Les orateurs - dont Mme Michèle Sibony, porte-parole de l’Union Juive Française pour la Paix » (UJFP) - ont expliqué qu’Israël réserve des traitements et des réglementations différentes pour chacune des communautés : arabes d’Israël, druzes, bédouins, chrétiens… La loi sur « l’Etat-Nation » du 19 juillet 2018 a exclu le quart de la population non-juive (goyim) et est devenu l’Etat des seuls juifs. Ce qui fait dire à l’historien israélien Shlomo Sand : « Selon ses principes législatifs, mon pays n’appartient pas à l’ensemble de ses citoyens, mais aux juifs du monde entier, qui préfèrent cependant ne pas y résider. » (Médiapart, 21 novembre 2019). Israël érige 462 barrages militaires en Cisjordanie occupée, mutile 3000 jeunes Gazaouis. Une équipe de foot formée de ces jeunes handicapés s’est produite à Marseille récemment. La Cour Pénale Internationale est constamment menacée par les Etats Unis pour exonérer Israël. C’est pourquoi, du reste, des délégations de toute l’Europe se retrouveront la semaine prochaine devant le siège de cette Cour à La Haye, pour demander où en sont les dossiers de plaintes déposés par la Palestine et les Palestiniens, sachant que toutes les conditions sont réunies depuis plusieurs années pour que la Procureure Générale Fatou Bensouda s’en saisisse.
Le vendredi 29 novembre prochain, qui sera la Journée Internationale de Solidarité avec le Peuple Palestinien, verra un grand nombre de militants propalestiniens internationaux à la Haye.
Lors de ce colloque au Sénat, Mme Eléanor Merza Bronstein de l’ONG « Voix alternatives juives » a parlé de son action dirigée en hébreu vers les Israéliens pour leur rappeler les 650 localités palestiniennes détruites, la nature coloniale du régime israélien et la colonisation de peuplement. Elle a évoqué la bataille juridique autour de son livre en hébreu « La Nakba ». La ministre de la Culture et des Sports Miri Regev a tenté, par deux fois, d’interdire l’ouvrage affirmant que le terme de Nakba est interdit par la loi. Le tribunal a débouté la ministre, la loi sur la Nakba spécifiant seulement son interdiction quand on fête le jour de l’indépendance. Mme Merza Bronstein a noté les glissements sémantiques en Israël où la défaite du club de foot de Tel Aviv devient « une nakba » et les réfugiés des « infiltrés » affirmant que 16,2% des Israéliens sont pour le retour des réfugiés. Elle a rapporté que l’ancien chef d’état-major Benny Ganz a utilisé au cours de la dernière campagne électorale ses faits d’armes : bombardements sur Gaza, nombre de « terroristes » éliminés… L’oratrice a conclu en disant que son mouvement est très minoritaire mais cela n’empêche pas le pouvoir israélien de le pourchasser sans relâche. Mais elle revendique un privilège : « il faut se battre pour qu’ils lâchent ».
Pour M. Maurice Buttin qui dirigeait les débats : « Le sionisme va à sa perte. » Face à la dégradation de l’image d’Israël, M. Buttin signale que, ce même samedi 16 novembre, se tient au Palais des Congrès de Paris, une réunion patronnée par le CRIF et l’ambassade d’Israël pour essayer de faire reluire l’image d’Israël qui se dégrade de plus en plus dans de nombreux pays.
Pour l’ambassadeur Herfi, accepter la solution des deux Etats est « une concession de la part des Palestiniens ». Il insiste sur le fait qu’Israël est né d’un projet colonial mais il fonde des espoirs sur le BDS.
Quant à M. Ziad Medoukh, professeur de français palestinien à Gaza, il insiste sur la résilience des Palestiniens et pense que si les missiles gazaouis ne font pas de gros dégâts chez l’ennemi, ils sont porteurs d’un message on ne peut plus clair : les Palestiniens résistent. Les Israéliens veulent toujours se peindre en victimes alors qu’ils essaient des armes sur les Gazaouis pour peaufiner leurs techniques en liaison avec les Américains. M. Medoukh déplore fortement la division des Palestiniens et déclare : « Gaza en a marre de la division mais priorité d’abord à l’occupation. » Depuis 20 ans, il n’y pas eu d’élections palestiniennes alors que le Hamas est maintenant illégitime. Il fait remarquer que le Pdt Mahmoud Abbas a accepté le verdict des urnes et a fait de Hénya son Premier Ministre mais l’Union Européenne a cassé cet attelage en ne versant pas les salaires des fonctionnaires palestiniens à Gaza durant sept longs mois. L’UE est le premier donateur de l’Autorité Palestinienne a rappelé M. Medoukh. L’orateur note que l’unité est nécessaire comme le prouvent les cas du Vietnam et de l’Afrique du Sud. Il affirme que la paix ne se fera pas sans la justice car il n’y a pas de solution militaire à ce problème. Il salue le travail remarquable de la société civile palestinienne face notamment aux meurtres de pêcheurs et de paysans palestiniens perpétrés de sang froid par l’armée et la marine sionistes.
Michel Warshawski, journaliste et militant pacifiste israélien, dépeint le paysage politique israélien : l’opinion israélienne est très stable mais la guerre du Liban a fracturé le pays en sifflant la fin du consensus national, des voix s’élèvent contre la politique de guerre et d’occupation. L’extrémiste d’origine moldave Avigdor Liberman est pour la cession des localités à très forte population palestinienne comme Beit El Fahm. Il veut la séparation quand il ne parle pas d’expulsion, un peu dans le sillage de la cantonisation préconisée par Ariel Sharon, un corrompu dont les enfants ont fait de la prison à sa place. M. Warchawski parle longuement de la guerre sans relâche menée par l’armée israélienne contre les bédouins car les militaires veulent construire de nouvelles villes sur les terres ancestrales des tribus. Il cite le cas de la loi interdisant l’élevage de la chèvre noire « coupable d’atteintes à l’écosystème » pour couper les vivres de cette population. Du coup, les bédouins se mirent à élever des chèvres blanches et la loi fut amendée ! Pour l’orateur, Tel Aviv est une ville totalement européenne et de gauche. Quant à la droite, elle a des valeurs, des objectifs et une stratégie, plus le pouvoir depuis 14 ans.
Israël est actuellement très riche et très performant, négociant directement avec la Chine et l’Inde mais pas avec l’Europe « molle »et « décadente ». Il pointe cependant les succès de BDS - qui a 15 ans d’âge - : ainsi une importante compagnie hollandaise de l’eau a rompu avec Mekorot, l’opérateur national israélien pour « vol de l’eau des Palestiniens. »
Il est revenu au Pr Ivar Ekeland, membre du bureau du CVPR-PO et de l’AURDIP (Association des Universitaires pour le respect du droit international en Palestine), ancien président de l’Université Paris-Dauphine, de faire la synthèse du colloque et de tirer les conclusions. Projet sioniste, Israël va vers un Etat d’apartheid. Qu’y a-t-il à droite de l’apartheid ? se demande l’orateur qui pointe la situation en France où le projet de loi Maillard veut criminaliser toute critique d’Israël et restreindre le débat public. De fait, l’apartheid se propage. Aux Etats Unis, « America First » revient à « la force prime le droit » et Donald Trump se permet de parler de « pays de m…. ». En Israël, on ne veut pas voir les Palestiniens : c’est irréaliste mais cela se propage ailleurs. On va fermer les frontières face aux réfugiés climatiques. Comme en Israël, on ne voit plus le Bangladesh.
« Ce qui nous anime, ce qui nous ressemble, c’est la Justice et les mouvements pour un monde plus juste et plus solidaire qui se multiplient : nul doute, « l’apartheid disparaîtra en Palestine » conclut le Pr Ekeland.
Cause perdue la Palestine ?
C’est le vœu de la propagande israélienne et de ses thuriféraires comme « ces trente personnalités arabes pour en finir avec le boycott d’Israël » à en croire l’Express du 20 novembre 2019.
En réalité, Israël a mis en place un puissant service d’experts en com’ avec des réseaux internationaux et des moyens financiers énormes pour « redorer » l’image d’Israël à l’étranger. Il suffit de lire l’ouvrage « La propagande d’Israël » (Investig’Action, Bruxelles, 2016) du Pr Ilan Papé, un historien israélien en exil à l’Université d’Exeter (GB) pour s’en convaincre.
Mais « Il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes », dit l’adage français. De Tunis à Paris et d’Ottawa à Atlanta, ceux qui ont la Palestine au cœur et qui croient en la justice et en la primauté des droits de l’homme disent à Israël : « Bas les pattes. Liberté pour la Palestine ! »
Mohamed Larbi Bouguerra