Journées de l’Entreprise : Quand le syndicaliste parle, on l’écoute aussi
Nous avons « écouté » Youssef Seddik, le sage de Tozeur. Place maintenant à Houcine Abassi, 72 ans, 13e secrétaire général de l’UGTT, l’Union générale tunisienne du travail (de 2011 à 2017). Il porte toujours en lui a modestie d’ancien « instit ». L’auréole du « Nobel de la paix » qui lui a été décerné en 2015 – à lui et à ses partenaires du Quartet du dialogue national (2013-2014) semble être un accessoire... Il parle si doucement que l’on oublie qu’il était un fervent défenseur du droit des travailleurs. Il parle, en fait, comme un « patriote », une race en cours de disparition depuis 2011.
C’est grâce à son ouverture d’esprit qu’il avait accepté l’idée de se pencher sur le sort dramatique du «patient tunisien ». Il accepta même de le faire avec son adversaire – mais pas son ennemie – la présidente du patronat tunisien (Wided Bouchamaoui) et deux autres militants syndicalistes qui dirigeaient le Conseil de l'Ordre national des avocats et la Ligue des droits de l'homme.
Cette période clé de l’histoire tunisienne post-2011 était marquée par une crise profonde et dangereuse (assassinats politiques, violence). Le pays ne savait plus distinguer entre le bien et le mal. « L’Etat avait perdu son rôle dans l’éducation de ses citoyens, et plus particulièrement de ses enfants », murmure Houcine Abassi.
Ce thème du « bien » et du « mal » était justement au centre des débats de la 34e conférence de l’IACE, le 7 décembre, à Kantaoui-Sousse (Journées de l’Entreprise). Les Tunisiens ont perdu, dit Abassi, la « connaissance » de leur pays, l’amour même de leur pays, ils découvraient ahuris une nouvelle classe de « riches » (née sur les décombres de 2011 et l’absence d’Etat). La « classe des gens honnêtes » était déclassée…
Le pays vivait sans « institutions » protectrices, les infrastructures étaient délaissées, les discours et les programmes des beaux « nouveaux parleurs » n’étaient pas suivis d’effets. Les querelles politiques étaient à leur comble. La haine a envahi les cœurs. Chacun pour soi et dieu pour personne !
Il n’y avait plus que l’option du « tawafek » (concorde, consensus). Le « Quartet » a réussi à relever l’impossible défi. Mais cette réussite s’est avérée sans lendemain qui chante. Car après les élections de 2014, la flamme est retombée. Elle s’est même éteinte. Cinq ans après, la crise est certes moins violente, mais elle a pris plusieurs visages.
L’ancien instituteur de Sbikha, petite ville au centre de la Tunisie, semble désemparé. S’adressant aux responsables de l’IACE, il a dit : « Vous allez faire des recommandations, c’est bien. Mais le pouvoir exécutif n’est pas entre vos mains. Je ne suis pas optimiste, je ne suis pas pessimiste non plus. Mais je ne vois pas l’horizon. »
Faut-il à nouveau recourir au « Quartet » ? Mais entre qui, avec qui et dans quel but ? La classe politique actuelle semble incapable de s’entendre sur « quelle Tunisie » elle envisage pour demain…
Ne perdant pas sa lucidité, Houcine Abassi a demandé aux chefs d’entreprise de faire un geste en direction de la jeune : aider (financièrement) des jeunes – comme Ela Ben Saad qui s’est exprimée ici même le 6 décembre – à poursuivre leurs études. Ce qu’ils ont promis de faire. De bon cœur.
Samir Gharbi
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