Mohamed Adel Chehida: Ne pas démissionner face aux téléphones connectés
Qui parmi nous n’a pas été tenté de changer son smartphone en passant à un modèle le plus récent et laissant le vieil appareil à un de ses enfants ?
J’avoue que depuis la révolution en 2011 et surtout depuis trois ans j’ai abusé de l’utilisation de mon appareil.
Quelle liberté! Je me sentais au même instant partout dans le monde « effet globalisation » ceci s’est fait évidemment au dépend de ma vie privée et familiale, rendues publiques volontairement ou non. Il est vrai que ces outils et le web nous ont facilité la vie à travers la communication, les contacts, faire nos achats et paiement online en quelques minutes de la maison ou même sur les lieux de travail mais tout ceci commence à prendre trop de temps de notre quotidien, à nous et à nos enfants.
Un ami me racontait, exaspéré de voir son fils adolescent de 15 ans utiliser exagérément les outils numériques pendant qu'il faisait ses devoirs à la maison, tout en travaillant il recevait des dizaines de messages de « chat », son téléphone n’arrêtait pas de vibrer et de s’allumer à chaque fois ce qui détournait son attention et l'empêchait de se concentrer, en plus il l’utilisait pour écouter la musique en même temps, il est allé jusqu’à dormir avec les écouteurs dans les oreilles. Son rendement et ses résultats scolaires baissaient. En plus des troubles de sommeil et de concentration, les conseils ou les incitations de mon ami provoquaient chez son fils des réactions brusques et inappropriées. Il est devenu irritable. Le tout a conduit mon ami et sa femme à se diriger vers un psychologue pour des conseils et une éventuelle prise en charge de l’adolescent pour addiction.
Devant l’utilisation inappropriée de ces outils numériques dans les classes françaises, le ministère de l’éducation a déjà interdit récemment son utilisation dans les établissements scolaires.
En Italie une étude de recherche récente à l’université Bocconi a Milan a été présentée aux autorités ministérielles. L’étude a intéressé 848 parents, 1499 élèves et 134 enseignants, 600 000 réponses ont été analysées.
Une partie des résultats a été publiée sur le journal Corriere Della Sera le jeudi 28 novembre. Ces résultats sont impressionnants. Ce qui saute aux yeux en premier lieu c'est que 23% des élèves utilisent leurs portables de cachette en classe, d'autre part les parents permettent à leurs enfants d’utiliser ces outils à très bas âge, 30% des enfants ont reçu leur premier téléphone entre 6 et 8 ans alors que seulement 19% des parents admettent d’avoir permis l’utilisation à leurs enfants, enfin il y a un gap très important en matière de savoir comment ménager ces outils entre parents, professeurs et les élèves.
L’étude montre aussi que l’utilisation de ces outils numériques se prolonge jusqu’au tard la nuit :
Age d’école primaire | Collège | Lycée |
23 h.10 | 23h.40 | 00h.10 |
Et c’est ici où on découvre nettement, l'esprit permissif (la démission) des parents, incapables d'imposer des règles d’utilisation, ni d'exercer un vrai contrôle sur leurs activités sur le web (sites, chat), avec tout les risques et les menaces du monde virtuel qui guettent notre jeunesse. En revanche l'étude révèle que 68% des adolescents italiens utilisent peu ou jamais leur smartphone pour faire leurs devoirs.
Où en est-on en Tunisie ? Est-ce qu’on a des études de ce genre ? que disent nos centres d’études stratégiques ?
En discutant avec ma nièce âgée de 15 ans et utilisatrice d’Instagram, elle dit que pour eux les jeunes, à part les chanceux qui font du sport ou autres activités, le monde virtuel reste un outil de socialisation et divertissement. C'est uneéchappatoire vu l’ampleur des tâches à faire entre devoirs et heures supplémentaires de leçons privées et surtout les risques de la rue.
Ma question se pose aussi : Quelle génération sommes-nous en train de préparer pour le futur ? Une génération de déprimées ? Car si d’un côté l’utilisation excessive perturbe le rythme du sommeil, de la sérotonine et la mélatonine avec le risque dépressif, le non divertissement de notre enfant produit le même effet. Selon moi la question touche l’intérêt national et intéresse aussi bien la santé publique que le l’éducation nationale.
Une grande réflexion et des débats constructifs sur des bases de statistiques nationales sont nécessaires. On doit protéger nos enfants à d’éventuels addictions tout en sachant que le digital est une partie intégrante de leur quotidien, d’où la nécessite d’un grand travail de sensibilisation des élèves sur les risques d'une utilisation abusives de ces outils et surtout leur faire découvrir la richesse du réel et de la vie collective.
Mohamed Adel Chehida