Lecture critique des politiques du pouvoir en Tunisie de 1955 à 2010: l’analyse perspicace des parlementaires et le témoignage des principaux acteurs (Vidéo)
C’est une première dans les pays arabes! Aucune formation politique qui a été aux commandes d’un Etat n’a jusque-là procédé à une analyse indépendante, sereine et objective de son exercice. Reconnaître ses erreurs, dénoncer ses errances et faire amende honorable, n’est pas dans les mœurs de la région. L’association des anciens parlementaires tunisiens, présidée par Me Adel Kaaniche s’y est exercée, avec courage et méthodologie.
Deux ans durant, entre 2016 et 2017, pas moins de 400 anciens députés, ministres, ambassadeurs, gouverneurs, chefs de parti, militants politiques et syndicalistes, leaders d’opinion, chercheurs, se sont succédé à sa tribune pour des séances d’audition, parfois fort animées, souvent studieuses. D’Ahmed Ben Salah à Hassen Godhbani, de Hédi Baccouche et Ahmed Néjib Chabbi à Mohamed Ali Ganzoui et Mohamed Jeri, de Mongi Safra à Hédia Chouachi, de Mhammed Jnifen et Mohamed Lassir à Mohamed Ibrahim Hassaïri, les éclairages fournis sont de première main.
La synthèse des travaux a été réunie dans un ouvrage désormais de référence publié sous l’intitulé de: «Lecture critique des politiques du pouvoir en Tunisie de 1955 à 2010 » que vous pouvez télécharger à partir de ce lien. Il fera l’objet d’une première présentation – débat ce samedi 14 décembre à la Cité des Sciences de Tunis.
Courage et méthodologie
Me Kaaniche et son équipe ont fait montre de courage. Il fallait, d’abord en pleins tumultes post-2011, prendre l’initiative de constituer cette amicale et surtout oser revisiter, sans parti pris, 55 ans de pouvoir, sous Bourguiba (1955 – 1987), puis sous Ben Ali (1987 -2010), reconnaître les défaillances et les faux pas, prospecter au fond de l’histoire ce qui n’avait pas jusque-là été révélé, corriger notre connaissance de tant d’évènements majeurs. Le conflit Bourguiba – Ben Youssef, la guerre du Bizerte, le coup d’arrêt à l’expérience collectiviste, le traité de Djerba scellant l’union avec la Libye, le refus obstiné de l’ouverture démocratique, ou encore la tyrannie sécuritaire, l’érosion du modèle économique, l’échec des politiques d’emploi et de répartition équitable des richesses constituent autant de balises à étudier en profondeur. Sans pour autant occulter les réalisations accomplies, les défis relevés et l’avancée significative enregistrée par la société tunisienne.
L’association des anciens parlementaires a également fait preuve de bonne méthodologie. Il incombait en effet aux organisateurs de structurer et modérer les débats, puis aux rapporteurs de synthétiser ces matériaux si denses et si précieux, recueillis en documents écrits et présentations audio-visuelles, pour en constituer un corpus de fond.
Quelle ambition ?
« Ni repenti, ni justification, encore moins auto-flagellation ou recherche de réhabilitation, explique à Leaders, Me Adel Kaaniche, mais plutôt une contribution à partir de l’examen critique à l’exploration des perspectives d’avenir. Il est clair que la Tunisie, neuf ans après janvier 2011, n’a pas encore pleinement tiré enseignement de ce qui s’est passé et n’arrive pas à engager une véritable réconciliation générale. Politique, économique et sociale, en plus de sa dimension judiciaire, cette indispensable réconciliation gagne à s’effectuer autour d’un projet commun, fondée sur une trêve sociale d’au moins deux ans, d’une relance économique et d’une prise en compte effective des populations vulnérables et des régions défavorisées. Il appartient à toutes les familles politiques de dépasser leurs clivages idéologiques et mettre fin à leurs querelles stériles pour rallier dans un même élan commun les organisations sociales agissantes, notamment l’UGTT, l’UTICA, l’UTAP et d’autres composantes de la société civile. »
Me Kaaniche est fortement persuadé que le courant patriotique qui avait animé le mouvement national regroupant destouriens, communistes, socialistes, nationalistes arabes et syndicalistes, est aujourd’hui plus que jamais de grande mise. Il lui appartient, affirme-t-il, de conduire de nouveau ce grand rassemblement dont la Tunisie a aujourd’hui grandement besoin. Groupe de pression politique ou nouvelle force pour l’exercice du pouvoir ? Pour le président de l’Amicale des anciens parlementaires, ni l’un, ni l’autre, mais une force de mobilisation, de réflexion et de proposition.
T.H.