Habib Majoul est décédé : fidèle compagnon de Ferjani Belhaj Ammar et un des bâtisseurs de l’Utica
Figure de proue de l’UTICA, Habib Majoul, longtemps vice-président de la centrale patronale aux côtés de son mentor Ferjani Belhaj Ammar, et député à l’Assemblée nationale s’est éteint mercredi à Tunis à l’âge de 95 ans (né en 1924). Cet illustre djerbien, issu d’une famille de commerçants et d’industriel s’était toujours distingué par sa discrétion légendaire, sa grande perspicacité et son engagement patriotique. Fidèle parmi les fidèles pour les siens, il ne s’était guère soucié de sa propre carrière, encore moins d’accaparer les affaires. Avant de rendre l'âme, il a livré discrètement un message à lire en testament "Poussez les compétences, faites-leur confiance!" A méditer par les temps qui courent.
Sadikien, Habib Majoul partira en France début des années 1950 préparer d'abordà Toulouse une licence en Droit, puis suivre à Paris diverses formations économiques, financières et commerciales. Il tâtera aussi le journalisme et fera une expérience dans une radio parisienne. De retour à Tunis à l’aube de l’indépendance, il devait tout naturellement rejoindre l’entreprise familiale conduite par son cousin et quasi-frère Chedly Majoul. C’est alors que Bourguiba, devant former le premier gouvernement de l’indépendance, le 15 avril 1956, nommera Ferjani Belhaj Ammar, fondateur de l’UTICA, ministre du Commerce. Demandant conseil pour le choix de son chef de cabinet, Si Ferjani n’avait reçu de meilleure recommandation que celle pour Habib Majoul, un jeune fraîchement émoulu des écoles françaises, patriote et intègre. Commencera alors une longue aventure, nourrie de respect, d’amitié et de fidélité.
Une saga commence
Lorsque Ferjani Belhaj Ammar quittera à sa demande e ministère du Commerce le 29 juillet 1957, c’est naturellement qu’il demandera à Habib Majoul de le rejoindre à l’UTICA. La centrale patronale devait se consolider, après l’indépendance, gagner en restructuration interne et expansion dans les régions et les secteurs, Majoul est bien indiqué pour architecturer et conduire le projet dessiné par Si Ferjani.
Le duo fonctionnera à perfection, sans la moindre fausse note. On lui doit sa contribution substantielle à l’élaboration avec Mohamed Ennaceur et Habib Achour du contrat social en 1974 et des conventions collectives, la création en décembre 1977 de l’hebdomadaire Al Bayane, organe de l’UTICA et d’interventions substantielles dans les débats parlementaires. Habib Majoul a été lors de nombre de mandats législatifs, rapporteur de la commission du budget et des finances, y apportant une riche expérience et une vision novatrice.
Malgré tant de soubresauts politiques, économiques et sociaux (1978, 1984, etc.) l’attelage Belhaj Ammar – Majoul, solide et harmonieux, ralliant autour de lui des jeunes cadres de valeur et favorisant l’émergence de nouvelles générations d’opérateurs économiques, portera avec succès la centrale patronale jusqu’en 1988.
Un véritable testament
Quand « le changement du 7 novembre 1987 » devait emporter Si Ferjani et lui trouver un autre successeur à la tête de l’UTICA, Habib Majoul a nettement signifié sa détermination de partir lui aussi. « Je suis arrivé avec Si Ferjani, je pars avec Si Ferjani ! » dira-t-il courtoisement, comme pour s’excuser de sa fidélité.
Depuis lors, pendant plus de 30 ans, il s’est éclipsé des feux de la rampe, déclinant tout hommage, même pendant le 70ème anniversaire de l’UTICA, s’interdisant la moindre prise de position publique, la moindre déclaration à la presse. Son dernier message, quelques jours avant son décès, à son neveux et quasi-fils, Samir Majoul, président de l’UTICA : «poussez les compétences, faites leur confiance ! » Un véritable testament.
Taoufik Habaieb