Mohamed Salah Ben Ammar: Adieu 2019
A la veille des fêtes de fin d’année chacun de nous fait le bilan de l’année écoulée et prend de fermes résolutions pour 2020. Et comme tous les ans le bilan sera incomplet et les bonnes résolutions resteront pour la plupart lettre morte, mais on continuera à le faire !
A l’échelle de notre pays, on ne peut pas de dire que 2019 a été une bonne année. Certains verront, à juste titre, dans les élections la preuve d’une certaine maturité de notre démocratie, d’autres diront que la consolidation de nos acquis en matière de sécurité est une réussite, enfin les 109 jours de réserves en devises deviendront certainement le prochain thème de campagne de l’équipe gouvernementale actuelle. Mais pour les foyers tunisiens 2019 sera probablement une année à oublier.
La valse des ministres et des responsables nous interdit de faire un bilan clair des actions des uns et des autres, en revanche on peut dire sans hésitation que si la configuration actuelle persiste , il y aura en permanence des tensions entre les trois pouvoirs en place. C’est sain si et seulement si les règles du jeu démocratiques sont clairement définies et ce n’est pas encore le cas actuellement. Cela risque de bloquer toutes les initiatives et puis la situation économique, alarmante de l’aveu de tous les experts, nécessite des actions urgentes. L’économie sera le principal défi de la prochaine équipe gouvernementale qui doit trouver 12 Milliards de dinars en peu de temps et en même temps satisfaire les revendications sociales et obéir aux injonctions de la banque mondiale et faire face à bien d’autres dilemmes insolvables à priori. Par ailleurs à l’échelle maghrébine la situation n’est pas rassurante avec la guerre en Libye qui est à nos portes, aucune divergence entre les trois pouvoirs n’est permise sur ce dossier.
C’est donc dans cette configuration que nous abordons 2020, une année charnière pour notre pays. Certes la situation est instable mais les fondamentaux restent les mêmes partout. Il ne peut y avoir de progrès sans vie politique. Les partis et les hommes politiques ont été déstabilisés (décimés) depuis 4 ans, ils doivent digérer l’électrochoc des élections de 2019, mais ce n’est pas pour autant synonyme de fin de la vie politique pour les porteurs de projets, c’est un sévère avertissement. La politique ne se fait pas dans les salons mais sur le terrain. La campagne électorale de 2024 est déjà commencée malheurs à ceux qui ne l’ont pas compris.
Du côté du pouvoir législatif, l’expérience du premier quinquennat de l’ARP a été catastrophique en termes d’images et de résultats, cela ne peut pas continuer ainsi. Des dizaines de projets de lois sont en souffrance depuis des mois, l’absentéisme des députés, les attitudes folkloriques de certains groupes nuisent à la crédibilité de cette institution, essentielle au pays, des initiatives sont attendues du côté du Bardo.
Un effort de modernisation, un chambardement même des méthodes de travail de départements cruciaux comme l’enseignement, les transports, la santé, la culture, le sport et d’autres domaines est attendu. Les méthodes de travail actuelles de notre administration sont devenues intolérables pour les citoyens. Ils se sentent pris en otage dès qu’ils ont à faire à elle. C’est l’une des sources de colère des citoyens. De ce côté l’informatisation des méthodes de travail synonyme de traçabilité et de transparence est freinée par tous ceux que la situation actuelle arrange.
Les élus locaux ne sont pas en reste, ils se débattent contre des années de laxisme et de corruption, certains ont jetée l’éponge au bout de quelques mois et pourtant rien ne sera possible sans eux. La propreté, les constructions anarchiques, les animations culturelles de nos villes laissent à désirer et nous savons tous combien le cadre de vie est important. A ce niveau la décentralisation ne doit plus être un slogan ou un facteur de division mais un solide projet.
Par ailleurs les partenaires sociaux, syndicats et patronat ne peuvent pas continuer à ignorer leurs responsabilités dans la situation actuelle, ce n’est pas seulement la faute des autres. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans la modernisation. On ne peut pas continuer à se jeter à la figure des accusations stériles, évasion fiscale face à revendications sociales inacceptables…Le partenariat n’est pas un vain mot. En toute responsabilité chacun devra remettre en question ses méthodes de travail. Oui l’évasion fiscale est encore un fléau dans notre pays mais par ailleurs le climat social actuel fait d’incertitudes et de revendications de toutes sortes n’est pas attractif pour les investisseurs locaux ou étrangers.
Enfin, last but not least l’absolue priorité, la priorité des priorités doit être donnée aux régions dites oubliées. C’est une question de cohésion nationale, d’avenir du pays, d’éthique, de patriotisme, de calculs politique, quel que soit la valeur utilisée, nous ne pouvons pas continuer à accepter ces disparités indignes, en termes de santé, de qualité d’enseignement, de résultats du baccalauréat, d’emplois, de vie culturelle, de tout.
« La fatalité veut que l’on prenne toujours les bonnes résolutions trop tard » disait Oscar Wilde, ne soyons pas fatalistes, ce n’est pas la faute des autres, chacun de nous sait ce qu’il doit faire dans son secteur, c’est une force, c’est énorme, c’est la moitié du chemin. Ne soyons pas des spectateurs, tous ensembles nous pouvons vaincre.
« You may say I’m a dreamer but (I hope) I’m not the only one… »
(Vous pouvez me traiter de rêveur, mais je ne suis pas le seul)
Bonne année 2020 à toutes et à tous !
Mohamed Salah Ben Ammar