Réaffirmation de l'engagement pour l'Afrique à un moment plein de promesses
Un jour comme celui-ci (*) est spécial pour toute la Banque et pour son président. Certes, c’est le jour d’investiture d’un nouveau président prévu par les textes, mais c’est aussi un jour de fierté, de réflexion, d’humilité, mais par-dessus tout un jour de réaffirmation de notre engagement.
Fierté pour l’action de la Banque, en tant qu’institution; réflexion sur les domaines où nos résultats n’ont pas été à la hauteur; et enfin, humilité, face aux défis qui nous attendent et par-dessus tout, réaffirmation de notre dévouement à la réalisation de nos nobles objectifs.
Le 5 septembre 2005, les actionnaires de la Banque me faisaient le grand honneur de me confier la présidence de la Banque pour cinq ans.
Au moment où je prenais fonction, j’étais parfaitement conscient du poids de cette responsabilité et de ce que cette noble mission représente pour un fils ou une fille de l’Afrique.
Prenant appui sur les bases jetées par mes six prédécesseurs, nous sommes, ensemble, allés de l’avant, je pense. Néanmoins, je suis le premier à reconnaître que le chemin à parcourir reste long.
Certaines de nos réalisations sont à leurs balbutiements, plusieurs initiatives sont encore «en chantier», et nous avons encore de nombreuses étapes à franchir.
Toutefois, qu’il s’agisse de la consolidation des finances de l'institution, du renforcement de ses capacités internes, de la réorientation de ses choix stratégiques, de la gestion des crises successives, du renforcement des partenariats et surtout de la recherche de résultats là où on en a le plus besoin, sur le terrain, notre banque se montre chaque jour à la hauteur.
Ensemble, nous avons démontré que nous sommes une institution mûre qui sait ce qu'il faut faire à un moment où les clients de la Banque attendent plus de cette dernière.
Aujourd'hui, les pays membres me font l’honneur de me confier une fois encore le gouvernail du navire pour les cinq prochaines années au moment où de profondes mutations s’opèrent en Afrique et dans l’économie mondiale.
J’éprouve un réel sentiment d’humilité face à la confiance placée en moi en tant que capitaine d’une équipe faite d’ hommes et de femmes talentueux et dévoués qui constituent la direction et le personnel de la Banque et à qui je veux rendre hommage.
Au moment de ma prise de fonction pour un second mandat, je prends aujourd'hui l’engagement de continuer, avec mon équipe, à œuvrer, et à bâtir au quotidien une organisation de stature mondiale, une institution déterminée et attentive, dont les pères fondateurs peuvent être fiers et que les populations africaines méritent.
En d’autres termes, nous devons être prêts à approfondir et à ancrer les réformes institutionnelles, même si et surtout lorsqu’elles sont douloureuses ou difficiles.
Je ne me fais aucune illusion quant aux obstacles qu’il nous faudra surmonter, la complexité de la nouvelle donne économique. Je reste néanmoins pleinement confiant dans notre détermination à venir à bout de ces difficultés.
Notre détermination est renforcée avant tout par les défis qui se posent à l'Afrique à l’heure actuelle, mais aussi par les nouvelles possibilités que lui ouvrent les changements intervenus dans l'économie mondiale ces dernières années.
Cette détermination repose aussi sur l’appui ferme et soutenu apporté à la Banque africaine de développement, et la confiance placée en elle par les pays membres pendant la décennie écoulée, et en particulier ces cinq dernières années, pour lui permettre de répondre aux besoins croissants et en mutation du continent.
Qu'il s'agisse de la reconstitution des ressources de l'institution, du renforcement de ses capacités internes, de l’extension de son champ d’action, et de l’accroissement de sa capacité à réagir aux chocs externes, vous avez fait preuve d’une confiance totale dans votre institution.
Ce faisant, vous avez maintenu la flamme de votre foi en l’avenir de l'Afrique, en donnant à ses populations les moyens de se prendre en charge, à travers l’édification d’institutions africaines solides. Le récent triplement historique du capital de la Banque en est un témoignage éloquent.
Je suis parfaitement conscient que la situation économique de nombreux pays partenaires et participant au FAD devient beaucoup plus difficile, tout en restant confiant que la volonté politique de soutien au développement de l’Afrique reste entier.
Vous avez raison en retour, d’exiger des résultats, une plus grande efficacité et la tenue des engagements pris à l'intérieur et à l'extérieur.
Excellences, Mesdames, Messieurs, chers amis,
La décennie écoulée, et en particulier les trois dernières années, a été marquée par de profonds bouleversements dans l'économie mondiale, et un changement du discours sur l’Afrique ; de l’organisation de la meilleure coupe du monde, du rapport de McKinsey à Goldmann, et un nombre plus en plus large d’analystes.
Il est désormais admis que la dynamique positive développée par l’Afrique depuis le tournant de la décennie n’est pas un feu de paille, une nouvelle illusion.
Assurément, dans de nombreux pays, la pauvreté est encore profonde et la croissance du revenu par habitant est désespérément lente. Bref, nous n’avons pas encore atteint la vitesse de croisière, mais les choses ont évolué.
Tout en consolidant nos options stratégiques au cours de ces cinq prochaines années, nous devons prendre conscience de ces profonds changements dans l’économie mondiale, et de la nouvelle dynamique dans une bonne partie de l’Afrique.
Nos orientations stratégiques restent valables : l’approfondissement de l’intégration régionale, le développement du secteur privé, le déficit d’infrastructures, énergétiques en particulier, le développement des compétences surtout technique et scientifique, la gouvernance et l’appui aux États fragiles.
Dans le contexte de ces axes stratégiques qui demeurent clé pour l’Afrique, un défi en particulier se pose : celui du changement climatique et ses conséquences pour la sécurité énergétique et alimentaire.
Et au moment où nous approfondissons et consolidons nos choix stratégiques, le nouveau paysage internationale nous interpelle:
Premièrement, nous devrions nous adapter à un monde marqué par des restrictions budgétaires et des choix économiques difficiles de nos partenaires traditionnels.
Je ne doute pas de la volonté de nos partenaires de tenir leurs engagements. Cependant, la nouvelle donne exigera de toutes les agences de développement et réaliser une division du travail digne de ce nom. Mais aussi commencer, dès maintenant, à innover autour des voies et moyens de faire jouer un effet de levier pour chaque dollar versé au Fonds africain de développement et donner une signification fonctionnelle à l’idée d’«une seule banque».
Deuxièmement: exploiter les opportunités créées par les changements structurels survenus dans l'économie mondiale et permettre à l'Afrique d’en récolter les dividendes et non pas simplement d’être le pourvoyeur de matières premières en établissant des partenariats durables avec des acteurs émergeants.
Pour ce faire, nous devrons comprendre pleinement ce nouvel écosystème, et nous interroger sur nos instruments, nos méthodes et notre modèle, qui, si je ne m’abuse, remontent aux années 1960.
Pendant ces cinq prochaines années, nous allons renforcer sensiblement notre capacité interne de génération et de diffusion du savoir, non seulement afin d’éclairer notre propre travail, mais aussi pour déterminer les voies les meilleures qui permettraient à l’Afrique de tirer des dividendes de cette nouvelle économie mondiale.
Excellence, Mesdames et Messieurs,
À présent, permettez-moi de conclure : dans quatre ans, la Banque africaine de développement célébrera son cinquantenaire, cinquante ans de service à l'Afrique. Il est courant ces derniers temps de sous-estimer les réalisations de ce continent. Mais, regardez la BAD : d'institution modeste en 1964, elle est devenue un acteur mondial rivalisant sur un pied d’égalité avec les meilleurs du monde, fournissant 12 milliards de dollars de concours aux pays africains pendant la seule année 2009. Bref, une institution qui fait la fierté de l’Afrique.
Jetez un autre regard sur la mosaïque que forment les 53 pays du continent, et vous verrez à la fois ce qui peut être désespérant, mais aussi, de nombreux acquis qui méritent d’être célébrés, et un continent qui libère progressivement son potentiel, trace une nouvelle voie pour son avenir et ce dans une économie mondiale en mutation.
C’est pourquoi, nous réaffirmons ensemble ce matin notre engagement à consacrer nos énergies, nos talents et notre imagination à la cause de cette Afrique, en ce moment plein d’espoirs et de promesses.
(*) Discours d’investiture pour le deuxième mandat 2010-2015
Tunis, 1er septembre 2010