Un Sarrazin qui n'aime pas les musulmans
Il s'appelle Sarrazin, terme par lequel on désignait les conquérants arabes et musulmans au Moyen Age. Mais comme son nom ne l'indique pas, il n'est ni Arabe, ni musulman, ni même islamophile, mais Allemand "de souche", membre du SPD, principal parti de l'opposition de gauche et islamophobe. Inconnu dans son pays, il y a quelques semaines seulement; il est devenu une célébrité après avoir commis un brûlot au titre évocateur: "L'Allemagne se détruit". Un livre où il fait part, dans un langage cru, de ses réflexions sur l'islam "incompatible avec le monde occidental" et les musulmans, en l'occurrence les Turcs, " qui font trop d'enfants", qui "vivent de l'aide de l'Etat", "qui ne servent à rien, sinon à produire des femmes voilées". Bref, rien que des accusations qui ne volent pas très haut et, de surcroît, n'ont même pas le mérite de la nouveauté : elles reprennent une à une les thèses chères de l'extrême-droite européenne. Rien qui puisse inquiéter outre mesure les musulmans, sauf que le livre se vend très bien et que le premier tirage est épuisé avant... sa sortie grâce "aux précommandes", ainsi que l'affirme son éditeur en se frottant les mains. Pour ceux qui en doutent encore, nous n'avons plus affaire à un acte isolé, à un marginal en mal de publicité, mais à une tendance lourde dans toutes les opinions publiques occidentales. En témoignent les différents sondages effectués ces derniers temps en France, en Allemagne (où on juge l'analyse de Sarrazin "correcte"), en Suisse et aux Etats Unis. Aujourd'hui, tout ouvrage traitant de ce sujet et indépendamment de ses qualités ou ses défauts est, un succès de librairie. Plus on fait dans la démesure et le politiquement incorrect, plus le succès est assuré. Parfois même, il suffit d'un passage, d'une seule phrase pour que le livre et son auteur passent à la postérité (cf. Houellebecq et sa fameuse phrase sur l'islam). Il faut dire que depuis les Croisades, cette islamophobie a toujours existé en occident. Ce qui est nouveau, c'est la manière dont elle s'exprime, notamment depuis le 11septembre. Les langues se sont déliées. Fini le temps du "je ne suis pas raciste, mais..." et des circonlocutions.
Montrer le vrai visage de l'islam
Même s'il n'est pas juste de mettre dos à dos la victime et le bourreau, une minorité de musulmans et notamment ont leur part de responsabilité dans cette montée de l'islamophobie avec une mention spéciale pour les émigrés établis dans les pays occidentaux parce que l'islam y est jugé à l'aune de leur comportement. Il avait suffi d'une fiction d'Orson Welles sur une attaque de martiens dans les années 40 pour provoquer l'affolement de millions d'Américains. Encore s'agissait-il d'une émission de radio. Que dire alors des attaques du 11 septembre retransmise en direct par toutes les télévisions du monde. Du coup, l'islam devient l'ennemi N°1 comme le nazisme dans les années 40, le communisme dans les années 50 et 60. Le sentiment anti musulman latent jusque-là est exacerbé par une certaine presse contrôlée en grande partie par qui vous savez. En contrepartie, qu'ont fait les musulmans pour rassurer les occidentaux ? Ils se sont contentés de développer un discours de victimisation et de manifester une sensibilité d'écorché vif vis à vis de toutes les critiques dont ils faisaient l'objet au lieu de faire preuve d'empathie et de procéder à un travail de pédagogie, d'abord en dénonçant et en se démarquant, ensuite en expliquant et en rassurant. Cela n'a pas été fait ou pas assez. De plus, quand on vit dans un pays étranger et qu'on veut y rester, il faut s'y intégrer (ce qui ne veut pas dire tourner le dos à sa culture, sa religion ou son pays d'origine), et ne pas choquer ses nouveaux concitoyens par des comportements ostentatoires. C'est ce qu’ont fait les Italiens, les Polonais, les Espagnols et les Portugais en France, c’est ce que font les communautés juives de tout temps. Ils sont Français, Allemands, Américains quand ils sont dehors. Leur culte, ils le pratiquent dans leurs temples ou pagodes, ou, mieux, chez eux. Le congrès eucharistique que s'est tenu à Tunis en 1930 a provoqué l'indignation des Tunisiens parce que les participants avaient défilé dans les rues de Tunis en arborant la croix. Même si la comparaison peut paraître osée, c'est à peu près, le sentiment que doit ressentir un Européen quand il voit des musulmans prier dans les rues de Marseille ou Lyon, alors qu’au même moment on agite dans certaines banlieues la menace d'islamisation de leur pays. C'est par un comportement responsable que l'on parviendra à changer la vision de l'islam et des musulmans, une tâche d'autant plus urgente qu'il existe dans ces pays, une partie de la population qui ne s'est pas encore remise de la perte des anciennes colonies et qui ne rate jamais une occasion pour monter en épingle le moindre incident et stigmatiser toute une communauté.