La rentrée de Hédi Djilani: pour 9 mois seulement?
Se portera-t-il candidat à un nouveau mandat? Pour Hédi Djilani, comme pour l’organisation patronale, Utica, l'année sera courte : elle ne comptera que 9 mois. Démarrant juste au lendemain de l’Aïd, elle sera clôturée par le XVème congrès national, prévu à Tunis les 21 et 22 juin 2011. Pas moins de 1811 assemblées électives à tenir (1343 chambres régionales, 158 chambres nationales, fédérations et unions régionales). Année électorale, année d’approfondissement des réformes, année de consolidation de la relance économique : jamais l’agenda n’aura été aussi chargé. Le compte à rebours est déclenché.
Sans attendre la fin du ramadan, Hédi Djilani a réuni début septembre le conseil administratif, composé des membres du bureau exécutif, des présidents des fédérations nationales sectorielles et des présidents des unions régionales. Conjoncture économique, bilan estival, préparation de la rentrée, 8ème round des négociations collectives, réponse aux propositions relatives au recul de l’âge de la retraite et à l’augmentation des cotisations patronales, relance de l’investissement et de l’emploi, exportation et partenariats.
Quelles réponses peut apporter l’UTICA aux grandes préoccupations de la stimulation de l’investissement intérieur et de la création d’emplois ? Quelle attitude adoptera-t-elle face au risque de fragilisation de l’équilibre financier des régimes de sécurité sociale ? Renouvellement de ses dirigeants, ouverture sur les jeunes entrepreneurs et parité de la femme dans les différentes structures : chaque dossier garde toute son acuité.
Serait-il réaliste (et possible), d’imposer des taux de 25 à 30% de renouvellement des élus, de rajeunissement et de parité féminine dans toutes les chambres syndicales, fédérations et unions régionales, de façon systématique et linéaire? Sans oublier la grande question : qui se présentera à la présidence de l’organisation patronale? Hédi Djilani, 62 ans, aux commandes depuis 22 ans, compte-t-il rempiler pour un nouveau mandat ? La décision lui appartient-elle ? Interview Exclusive pour Leaders.
L'égoïsme qu'on ne regrette pas. « Vis-à-vis de ma famille, j’ai été égoïste et ce n’est pas à conseiller, confie-t-il, lorsqu’on l’interroge sur son bilan personnel. Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, je ne le regrette pas tant je suis exalté d’avoir mis à profit cette période pour accompagner un leader exceptionnel, le Président Ben Ali, auquel je dédie toutes mes énergies, en espérant apporter ma modeste contribution à l'oeuvre accomplie et au travail d’équipe sous sa conduite.» Hédi Djilani reconnaît humblement « qu’on ne peut pas parler de réussite totale dans l’action menée à l’Utica. Des dossiers auraient pu être mieux managés, mais l’ensemble est positif. On ne réussit pas seul et on doit surtout s’assurer que régions, métiers et générations avancent tous ensemble au même rythme. »
Sa plus grande fierté, Hédi Djilani la tire de la consolidation des structures de l’Utica qui dispose d’un nouveau siège à son image, et de sièges régionaux tous en propriété, d’une organisation administrative et financière solide et transparente. Mais aussi, celle d’avoir connu, côtoyé et travaillé avec tant d’hommes et de femmes, de tous horizons, d’avoir sillonné la Tunisie profonde et d’œuvrer en continu à la mise en œuvre du programme présidentiel, tracé par le Président Ben Ali, pour chaque décennie.
Sa plus grande frustration, est sans doute celle de n’avoir pas suffisamment convaincu ses pairs, chefs d’entreprises, petites et surtout les grandes, à contribuer au financement des activités de leur organisation patronale. Leurs exigences sont grandes, leurs demandes pressantes et leurs sollicitations multiples, alors que leurs cotisations sont modiques, insuffisantes pour couvrir les charges qu’exige un travail intense, des études approfondies et un appui constant.
Quand on l’interroge sur les grands défis qui se posent à l’entreprise, Hédi Djilani partage humblement ses convictions. La capacité d’exportation est-elle saturée? "Nullement. Le potentiel d’export n’est pas encore épuisé, demeurant encore large. Il faut constamment chercher d’autres marchés, d’autres créneaux et proposer d’autres produits encore plus adaptés. Le déficit de la balance commerciale n’est pas une fatalité. Même avec la Chine. Nous n’avons qu’à tenter sans cesse et positiver encore et toujours. Nous finirons bien par réduire le gap."
Partenariat international : "Nous devons maintenir la pression sur la mobilisation des IDE. Le partenariat est pour nous la voie passante des technologies, des capitaux et des marchés. En fait, nous ne sommes jamais suffisamment connus à l’étranger, même en France et nous devons faire connaître davantage nos potentialités et nos avantages compétitifs, chercher les partenaires appropriés et travailler avec eux avec un mental win-win. Nous gagnons à engager les nouveaux promoteurs sur cette voie."
Maghreb : "La Tunisie est le pays qui en a le moins douté. Nous y œuvrons, c’est notre espace vital, c’est notre avenir."
Productivité et compétitivité : les gisements sont énormes et nous devons y puiser les fondements de notre croissance.
Sécurité sociale : "N’oublions pas lorsqu’on évoque les questions de retraite, que les employeurs sont eux aussi de futurs retraités, donc complètement concernés. Qu’il s’agisse du recul de l’âge de la retraite ou de la valorisation du taux de cotisation, nous nous trouvons ainsi doublement interpellés. A l’Utica, nous ne voulons pas que l’équilibre financier de la CNSS soit un jour mis en difficulté. La retraite est la récompense de l’effort et la porte pour la transmission du relai. Pour nous tous, c’est fondamental. C’est pourquoi, nous devons collaborer tous ensemble, Etat et organisations nationales et nous comporter en vrais décideurs responsables, afin d’aboutir aux solutions appropriées. La CNSS ne saurait faire l’objet d’aucun litige et ni être accaparée par aucune partie. Autour d’elle doivent se rallier toutes les volontés."
Gouvernance de la CNSS : "Je n’ai pas l’impression que nous contribuons pleinement à la gestion de la Caisse. Il va falloir trouver la meilleure façon pour qu’on puisse s’y impliquer davantage. Aujourd’hui, les pratiques modernes de gouvernance des organismes, à l’instar de celles entreprises et institutions, créent de multiples opportunités de participation utiles et nous pouvons nous en inspirer."
Régénération, rajeunissement et parité féminine au sein de l’UTICA : "La maturité du schéma de développement prôné par le Président Ben Ali consiste à donner à toutes les régions, tous les métiers et toutes les générations, les moyens de participer au développement et de réussir. Nous ne pouvons boucler ce schéma sans doter les organisations nationales de cette immense richesse que représentent la jeunesse et la femme. Nous devons donc y aller. Je comprends qu’il y ait des spécificités à prendre en considération. C’est pourquoi, nous avons convenu au sein du Conseil Administratif de ne pas l’imposer en obligation, mais de le recommander en consigne, en y insistant. Nous finirons par y parvenir!"
Grand chapitre à lui seul, le XVème congrès de l’UTICA. Quid du renouvellement des structures et de l’élection des congressistes, de l'élaboration des projets de motions et de l’élection du Bureau Exécutif devant, à son tour élire, le président de l’organisation. Autant les réponses sur les deux premiers volets sont nettes, autant, celles sur le 3ème aspect sont plus nuancées. Le calendrier des assemblées générales est fixé pour les chambres syndicales, unions régionales, chambres nationales et fédérations. La réflexion est engagée sur les documents du congrès. Quant à la candidature à la présidence de l’Utica, la question n’est pas encore tranchée. Dans un sens, comme dans l’autre.
«Ce n’est pas à moi de décider. C’est la situation qui dira qui est le mieux placé d'entre-nous pour être le meilleur interface possible de la base, du parti, du gouvernement… Personnellement, je suis dans l’expectative, prêt à partir, prêt à repartir pour un nouveau mandat. J’ai toujours essayé d’être le meilleur représentant possible de l’Utica auprès du RCD et du gouvernement et aussi, en retour, le meilleur représentant du parti auprès de l’Utica. Et c’est ma grande satisfaction.»
Ce qu’il ne dit pas, c’est que de la génération des fondateurs, autour de feu Ferjani Belhaj Ammar, à celle des compagnons du Changement, conduite par Hédi Djilani, et des anciens modestes bureaux à la rue Charles De Gaulle, à cette grande bâtisse vaisseau d’amirauté à la Cité El Khadhra, l’Utica a brillamment réussi sa mutation. Hédi Djilani y a largement contribué.
"A 40 ans, témoigne à Leaders l'un de ses compagnons de route, il avait répondu à l’appel de ses pairs, pour piloter la relance de l’organisation patronale, au détriment de la fructification de ses propres affaires. Son engagement, l'esprit d'équipe qu'il a inastauré et son implication dans le rayonnement international du patronat tunisien ont été payants. Au nom de l’Utica, il présidera l’Organisation Internationale des Employeurs. Quelle plus belle consécration internationale qui confirme la consolidation nationale de la centrale patronale"
"A 62 ans, ajoute-t-il, il ne cesse de servir son organisation et son pays, avec la même ardeur, la même adhésion aux valeurs du Changement et la même loyauté, gardant le cap sur les grandes préoccupations de l'Utica."
Partir ou repartir? Nous le saurons le 22 juin prochain, à l’issue du XVème congrès. D'ici-là, sérénité et concentration sur l'essentiel, pour Hédi Djilani.