Confinement, Dé-confinement et dépistage de masse pour Covid-19 : l'arsenal de la dernière chance ?
La Tunisie arrive à une période charnière de l'évolution de la Pandémie Covid-19 due au nouveau virus SARS-Cov2. En effet, les derniers chiffres annoncés par le Ministère de la Santé à la date du 13 avril 2020 font état de 747 cas confirmés dans 23 gouvernorats sur 24, alors que le nombre réel serait de loin beaucoup plus élevé si les tests étaient plus largement utilisés. Le nombre de décès est de 34 ; les services de réanimation dédiés travaillent à plein régime et le dépistage ciblé par les tests rapides devrait être opérationnel au cours des prochains jours. Après une montée exponentielle du nombre de cas jusqu'à fin mars les 2 premières semaines d'avril montrent une stabilisation des nouveaux cas autour d'une vingtaine par jour ce qui laisse inaugurer une bonne réaction aux mesures de confinement, bien que nous ne voyons que la partie à ciel ouvert de l'iceberg.
Il a paru utile à la cellule de veille de l’Académie Beit Al-Hikma en tant qu'organisme indépendant de livrer quelques réflexions et recommandations qui pourraient être utiles afin de se référer à une analyse scientifique de la situation avec les données dont nous disposons. Nous faisons également quelques propositions que nous soumettons à la compréhension et à l’avis du lecteur de ce communiqué.
Analyse de situation
1- La transmission transversale du virus dans tout le pays est avérée, ce qui nous place de fait dans le niveau 3 de l'épidémie sur une échelle de 5.
2- Les mesures prises pour le confinement total de la population à l’exception de certains secteurs stratégiques pour assurer le train de vie et la continuité de l'état ainsi que le couvre-feu préalablement instauré, ces mesures associées à la distanciation sociale ont certainement eu des effets positifs sur le ralentissement de la propagation épidémique du virus. Ce sont les principales armes efficaces dont nous disposons ; elles doivent cependant être appliquées d’une manière rigoureuse et s’étaler dans le temps pour maintenir des effets prolongés.
3- Si cette stabilisation persiste au cours des prochains jours, il serait utile d'envisager quelques stratégies de dé-confinement partiel comme cela a été proposé dans d’autres pays, par exemple en France à partir du 11 mai.
Propositions
1- Le dé-confinement: Quand? Comment? Pourquoi?
1.1-Le dé-confinement Pourquoi ? et quand ?
A notre avis, et en dépit de l’efficacité du confinement, cette mesure ne devrait pas être prolongée sous peine de troubles sociaux graves et des perturbations économiques psychologiques importantes, même avec les aides gouvernementales promises pour assurer l'approvisionnement de la population. Ceci est attesté par les tensions sociales rapportées par différents médias et radios et la non-observance du confinement, dans certains quartiers et qui continue à alimenter la transmission autochtone du virus.
1.2-Comment procéder au dé-confinement
Sur le plan santé, le processus du dé-confinement doit s’accompagner du minimum possible d’impact négatif sur la morbidité et la mortalité ; c’est pourquoi le dé-confinement ne saurait être total sous peine de se retrouver au niveau 4 de l’épidémie avec un scenario hospitalier équivalent à celui des Etats Unis, de la France ou de l'Espagne, avec le tableau de structures sanitaires débordées et un nombre élevé de décès.
Pour mener à bien ce dé-confinement, l’idéal serait de disposer des informations sur la distribution de l’immunité au sein des populations de telle sorte que les régions à niveau relativement élevé d’immunité pourraient être les premières à en bénéficier. A défaut de cette information pour le moment, il serait recommandé dans un premier temps de commencer par les zones enregistrant une faible vitesse d’apparition de la maladie. L’Observatoire National des Maladies Nouvelles et Emergentes devrait disposer de la liste des localités répondant à ce critère. Dans un deuxième temps, la mise en œuvre des tests rapides de dépistage aidera à étendre le dé-confinement aux zones enregistrant des taux d’immunité élevés.
Des mesures d’accompagnement doivent également être observées et notamment:
1- Maintenir la séance unique administrative vu que nous approchons du mois saint de Ramadhan.
2- Continuer dans tous les gouvernorats le "contact tracing" des cas groupés et détecter les nouveaux clusters.
3- Laisser les écoles et les universités fermées afin d'éviter de répandre le virus dans le milieu familial car il est difficile d’assurer la distanciation sociale dans ces établissements.
4- Poursuivre l’interdiction des réunions et des manifestations culturelles et sportives.
5- Généraliser le port de masques au fur et à mesure de l'importation/fabrication sur place.
6- Organiser les transports en commun en fixant le nombre maximum de passagers, par taxi, par bus et par rame de métro.
7- Renforcer le dépistage et la recherche de contacts ; cette mesure associée à la distanciation sociale a permis de réduire l'incidence des cas à Singapour, en Corée du Sud et en Allemagne, bien qu'il existe un risque que le virus se propage à nouveau une fois les mesures de contrôle assouplies
1-3-Pourquoi est-il important de faire le dépistage biologique du SARS-Cov-2 ?
La Tunisie fait partie de la pandémie Covid-19 qui touche le monde ; son système de santé se trouve fragilisé et les structures de soins en réanimation médicale risquent d’être rapidement saturées.
Par ailleurs la mesure du confinement appliquée à toute la population risque de ne pas pouvoir résister aux pressions économiques et sociales dans certaines agglomérations sociales et géographiques dans le pays.
Pour ces raisons et bien d’autres considérations épidémiologiques, le dépistage des porteurs de la maladie est important à mettre en place, son impact peut être positif à l’échelle de l’individu et de la collectivité.
• A l’échelle individuelle, le patient dépisté sera traité plus précocement et facilement amené à prendre les dispositions nécessaires pour préserver sa santé et celle de son entourage.
• A l’échelle de la collectivité, le dépistage permet de mieux comprendre le potentiel épidémiologique de la maladie, de prendre par conséquent les mesures urgentes appropriées et d’anticiper les mesures futures. Ce dépistage pourrait aussi mieux orienter le dé-confinement à travers l’identification des zones géographiques enregistrant un niveau relativement élevé d’immunité.
• Apprécier la gravité de la maladie (nombre de décès/nombre de cas symptomatiques dépistés) et le potentiel de diffusion de l’infection (nombre de cas positifs/ nombre de cas testés)
Le dépistage de masse pour lutter contre Covid-19
La cellule de veille maintient son avis sur le dépistage de masse proposé dans le communiqué 1 émis le 01/04/2020
Conclusion
La cellule de veille de l’Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts « Beit al-Hikma » recommande :
• d’amorcer la réflexion urgente sur un plan de dé-confinement progressif tout en maintenant la séance unique et la fermeture des écoles et des universités.
• de lancer le dépistage de masse du Covid-19 dans les premières localités dé-confinées.
• d’élargir la pratique du test Covid-19 aux laboratoires qui maitrisent la biologie moléculaire qui répondent aux conditions de sécurité exigées.
• d’adopter les tests sérologiques et élargir leur pratique aux laboratoires d’analyses médicales de biologie, de génétique, d’immunologie.