Dr Mohamed Sahbi Basly : Où va le monde? Qu’est-ce qui va changer...!
Tout le monde s’accorde à dire que la pandémie du Covid-19, qui a déjà bousculé nos habitudes et nos certitudes, serait en passe de changer la face du monde tel qu’on l’a connu à ce jour avec ses repères, ses dogmes, ses normes et sa philosophie.
Pourtant, à y voir plus clair sur les tenants et les aboutissants de cette terrible épidémie, force est de constater que contrairement à ce qui est avancé ici et là, le monde et ses relations internationales ne changeront que très peu, en tous les cas pas en profondeur.
En revanche, au niveau local ou national et peut être au sein des ensembles régionaux, l’échelle des priorités va certainement être bousculée pour ne pas dire renversée.
Essayons de voir de plus prés ce qui s’est passé ces derniers six mois:
• Une alerte qui a tardé selon certains beaucoup, pour annoncer un foyer épidémique de Covid-19 à Wuhan, une ville chinoise, réputée une autoroute du commerce de gros et très fréquentée par des étrangers et qui de surcroît héberge selon la presse française un laboratoire scientifique de haute sécurité installé dans le cadre de la coopération Sino - Française.
• Ce virus est inconnu, on ne connaît pas son origine, on découvre à peine son génome, on saisit mal son mode de propagation, on n’a pas de traitement adéquat et de surcroît il se propage très vite, ne respecte pas les frontières, ni les races, il tue sans crier gare de la même manière les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, les jeunes comme les vieux.
Jamais la communauté scientifique n’a été autant divisée sur l’origine de ce virus, sur sa capacité léthale, ou sur les moyens médicaux et prophylactiques à mettre en œuvre pour endiguer ce fléau devenu planétaire. On a pourtant vu de nombreux scientifiques américains, européens et même africains discuter des protocoles thérapeutiques pour apaiser l’opinion mondiale effrayée à juste titre par cette morbidité qui s’est invitée dans nos rapports intimes et dans nos foyers.
Rien n’y fit la communauté scientifique reste divisée à ce jour, bien au contraire, certains sont partis sur des thèses multiples pour expliquer l’avènement de cet épiphénomène contre nature, allant jusqu’à privilégier la thèse de la fuite accidentelle du laboratoire de wuhan pour expliquer l’origine de cette catastrophe, une théorie je dois l’admettre difficile à imaginer. D’autres parlent de mutations génétiques du virus apparenté au SRAS ce qui me semble plus probable.
C’est la raison pour laquelle le politique s’est emparé de la question pour adopter des mesures dans le désordre total, en procédant pour l’essentiel au confinement général et total de la population et a mobilisé les moyens financiers nécessaires pour cela notamment en Europe, pays les plus touchés par le corona virus à ce jour. C’est cette mesure précisément, accompagnée par d’autres gestes quotidiens, qui a su montrer son efficacité pour limiter la propagation de la maladie à l’échelle nationale.
Pourtant cette pandémie a pu montrer également les limites de l’ensemble européen à juguler un fléau sanitaire inconnu de ses frontières, elle a mis à nu leur incapacité d’agir collectivement pour avoir une réponse commune face à ce défi planétaire.
Cependant, l’épidémie du Corona va devoir terriblement bouleverser les priorités économiques et sociales des pays les plus riches et les pays à économie intermédiaire comme la Tunisie.
Il est attendu après cette épidémie que l’état reprenne ses droits sur les secteurs essentiels notamment les secteurs économiques à incidence sociale, directe ou indirecte. Le rôle de l’état dans la préservation du capital humain redeviendra central, le droit à la santé, à l’éducation et à la couverture sociale sera privilégié ainsi que le retour au biologique dans l’alimentation, à la production propre avec un regain certain vers la prévention et la lutte contre la pollution de l’environnement qu’il soit naturel ou industriel.
Ces thèmes seront l’apanage à travers le monde des prochaines campagnes électorales et constitueront les programmes électoraux des années à venir, tous partis politiques confondus.
Dans le même ordre d’idées, de nouvelles ressources énergétiques seront mises en œuvre, assisterons nous à la fin de l’ère du pétrole, du gaz et du nucléaire... Ceux là même qui ont fait la suprématie de certains pays aux dépends des autres... J’en doute à l’heure actuelle ..? Cependant cette crise à mon sens aura certainement pour conséquence le renforcement de la dé- globalisation.
Nous devons nous préparer à cette phase post Covid-19 dès maintenant et c’est plutôt une bonne nouvelle pour les pays pauvres et ceux à revenu intermédiaire qui arrivent difficilement à maîtriser et pour cause, les règles du marché imposées par les plus grands.
La Chine premier commerçant du monde, connaîtra un ralentissement de son taux de croissance, et ne profitera pas de cette «aubaine», comme certains analystes à tord, le laisse supposer. L’économie de la Chine est étroitement liée à celle de l’Europe et des États Unis d’Amérique, la chute de l’un n’est pas sans conséquences sur l’autre. Le monde occidental s’il souhaite renouer avec la croissance dans un avenir immédiat, doit certainement compter sur la Chine et vice versa.
C’est pour cette raison qu’il est impératif pour nous Africains et Arabes de préconiser un autre modèle de développement économique, qui réponde à nos besoins, davantage centré sur l’homme, le vrai capital et agent de production et recentré sur les valeurs de solidarité et de partage qui ont disparu de manière drastique ces dernières décades. C’est à ce prix qu’une troisième colonne économique pourrait et devrait émerger pour maintenir un équilibre alimentaire et économique pour ses populations respectives, gardant en tête que l’Asie et l’Occident finiront toujours par faire bon ménage pour gérer le monde de demain qui recèle d’énormes opportunités précisément après le Covid-19 .
Dr Mohamed Sahbi Basly
Ambassadeur Rtd
Président de l’organisation méditerranéenne de la Route de la Soie
Membre du Bureau Politique de Tahya Tounes