Marouane El Abassi : le marché des changes va préserver un certain équilibre en termes d’offre et de demande de devises
Comment se comporte le dinar tunisien en cette conjoncture bien difficile, et avec quel impact sur le marché des changes ? Aussi, la convertibilité du dinar est-elle abandonnée, ne serait-ce que pour le moment. Le gouverner de la Banque centrale, Marouane El Abassi y apporte des réponses claires dans son interview à Leaders.
Le dinar tiendra-t-il le coup ?
A l’instar des autres pays, l’économie tunisienne serait fortement impactée par la crise du Covid-19. En revanche, nous nous attendons à une évolution moins contraignante au niveau de la balance courante avec un déficit qui va marquer une baisse significative en 2020 à 7.5% du PIB contre 8.8% en 2019. En effet, la contraction prévue des importations se traduira par une baisse des importations, avec en particulier la diminution de la facture énergétique due à la chute des prix internationaux du pétrole. Elle permettra de compenser une bonne partie de la baisse projetée des recettes en devises provenant des exportations de biens, du tourisme et des transferts des travailleurs à l’étranger.
La baisse du déficit courant va être accompagnée par un afflux de capitaux importants sous forme de financements extérieurs au profit du secteur public et privé dans le sillage de la mobilisation très engagée de toutes les institutions financières internationales, comme je l’ai évoqué, pour appuyer la Tunisie et relancer l’activité économique.
Au vu de ces projections de la balance des paiements, nous estimons que le marché des changes va préserver un certain équilibre en termes d’offre et de demande de devises, ce qui écarte le risque de pressions particulièrement fortes sur la valeur du dinar au cours des prochains mois.
Le niveau du stock des réserves en devises de la BCT offre également aujourd’hui un certain confort pour amortir le choc de la crise du Covid-19.
La convertibilité totale aurait-elle été abandonnée ?
Qu’on se le dise sans détour, la Banque centrale de Tunisie n’a jamais redouté de libéraliser ! Mieux, elle demeure convaincue que l’accès à l’international sous toutes les formes possibles relèverait plus de la survie pour l’économie nationale. D’ailleurs, depuis 2018, un certain nombre de mesures d’assouplissement ont été introduites et cette démarche s’est poursuivie en 2019 et continuera en 2020.
La Banque centrale de Tunisie demeure à l’écoute des attentes, légitimes et rationnelles, des opérateurs. Elle demeure fortement engagée dans ce chantier de levée progressive des restrictions de change et ce, en parfaite concertation avec les différentes parties prenantes et en interaction avec son environnement national et international et des pratiques ancrées avec la mise en place d’une nouvelle politique de communication, caractérisée par la transparence et l’ouverture.
Cependant, la crise du coronavirus engendrera des changements profonds au niveau de chaque pays et au niveau international. Elle vient nous rappeler que les risques de la convertibilité totale demeurent élevés pour les pays émergents. En effet, une telle décision requiert au préalable des conditions macroéconomiques favorables afin de profiter de ses bénéfices et de minimiser ses risques face à la volatilité des flux de capitaux.
Ainsi, la question n’est pas d’adopter ou non la convertibilité. Elle porte plutôt sur le fait de se concerter pour réviser le planning et la priorisation des futures mesures à adopter, surtout celles qui ne relèvent pas des attributions de la BCT. L’objectif étant de coordonner entre le timing parfait et les capacités de notre économie à interagir tout en tenant compte aussi des nouveaux défis posés aujourd’hui en matière de politique budgétaire et sociale.
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