Salem Mbarek, l’un des bâtisseurs de la Douane Tunisienne, n’est plus
Fin, élégant et courtois, Salem Mbarek qui vient de nous quitter à l’âge de 83 ans avait un signe distinctif particulier. Il savait donner à sa grande compétence de Contrôleur général des Douanes, la rigueur enrobée dans la douceur du verbe, l’intelligence de l’esprit et la capacité de persuasion. Fiscaliste, douanier, il gérait, commandait, participait à la confection des textes législatifs et règlementaires, formait et conseillait. De lui, sa fille Sonia, ancienne ministre de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine et politiste, comme ses deux sœurs, ont hérité, de leur douce mère aussi, de nobles valeurs.
Depuis son jeune âge, Salem Mbarek se sentait une vocation toute propre. Ce natif de Zaghouan, le 12 Juillet 1936 se destinera au service de l’État, en choisissant un corps stratégique où la souveraineté économique s’alliera à la sécurité nationale globale. Ça sera la Douane tunisienne. Il fera alors partie des toutes premières promotions tunisiennes envoyées par Bourguiba l’aube de l’indépendance et admise à l’École nationale des douanes de Neuilly en France. Studieux, curieux de connaître l’esprit des lois et le métier du vrai douanier, féru de séminaires spécialisés et de stages sur le terrain, et mélomane de surcroit, Salem Mbarek réussira brillamment son diplôme.
De retour en Tunisie, il intègrera la Douane tunisienne pour entamer une longue carrière, gagnant au mérite et au dévouement, galons puis étoiles, gravissant un à un les échelons de ce prestigieux corps. Il n’avait que 34 ans lorsqu’il sera nommé inspecteur des Douanes à Sfax. La capitale du Sud, et son port commercial portail de la méditerranée est un grand poste. Son périmètre s’étend au Sud, couvrant ainsi les frontières avec la Libye. Le chef régional des Douanes règne en maître, veille en connaisseur avisé, et surveille en patriote. Se faire contester, craindre ou adoubé, Salem Mbarek sera parmi les rares grands inspecteurs des Douanes adoptés par Sfax et le Sud.
Ce sera le début d’une longue carrière de 45 ans, au service du ministère des Finances, et de la Douane tunisienne, qu’il représente au niveau régional, national et international. Promu de fonctions en grades, Salem Mbarek sera légitimement nommé directeur général, puis contrôleur général des Douanes, au début des années 1990.
Il fût ainsi parmi les grands bâtisseurs de l’administration douanière, pendant des décennies de construction du projet national tunisien de développement, et formateur- expert de plusieurs générations d’administrateurs à l’École nationale d’Administration et celle de la Douane.
En lui remettant les signes de sa décoration dans l’Ordre de la République, le président Bourguiba lui adressera des félicitations particulières. « Vous avez la chance de servir, avec cette élite d’officiers supérieurs de la Douane, la patrie, l’économie et la République, et le mérite d’y réussir ! » Cet hommage ponctué prononcé par le chef de l’État, en présence du directeur général de la Douane, Hammadi Sekhiri, du ministre des Finances, Salam Mbarka et du Premier ministre, Mohamed Mzali, le comblait de bonheur. Deux de ses illustres collègues, dont Mustapha Badreddine, Habib Said et Mohamed Salah Hassine étaient également honorés par Bourguiba. Ce jour-là restera gravé dans la mémoire de Salem Mbakek.
Tous ses collègues et collaborateurs se rappellent d’un homme fidèle à ses principes, intègre, riguoureux et patriote, toujours affable. Ils évoquent également ses grandes capacités de leadership et d’arbitrage, ainsi qu’une discipline inégalée dans la gestion de ses départements, doublée d’une intransigeance quant à l’application de la loi.
Pour sa fille, Sonia Mbarek, retenue en France où elle entreprend des recherches universitaires après avoir décroché son doctorat en Droit, l’émotion est très vive et la peine, immense. « La perte d’un père est toujours très douloureuse. Mais ma peine est double, confie-t-elle à Leaders, d’une voix endeuillée. C’est d’abord la perte d’un père exceptionnel, qui a voué sa vie à nous donner le meilleur en valeurs, culture et éducation. Cette sérénité et ce courage que nous avons hérité de lui, ainsi que de ma chère mère, mes deux sœurs Monia et Aicha et moi-même, est ancré à jamais en nous. C’est ensuite la perte d’un conseiller très avisé à tous les niveaux, pour qui toutes les difficultés du monde semblaient si simples à surmonter. Tu nous manque déjà terriblement !’’
« Au revoir cher Papa ! Tu nous devances » lancera-t-elle du fond du cœur.
Paix à son âme !