Révélations – Elyès Fakhfakh face à son destin ... incertain
Affirmatif ! Le président Kais Saïed n’a pas demandé au chef du gouvernement Elyès Fakhfakh de lui remettre sa démission. Ni ouvertement, ni par insinuation, lors de leur entretien mardi dernier. Affirmatif aussi, il lui a réitéré qu’il n’avait rien contre lui, sans pour autant lui réaffirmer publiquement son soutien total. Affirmatif enfin, en tant que juriste et soucieux du respect de la loi, il lui laisse l’appréciation de son implication ou non, d’une manière ou d’une autre, dans le conflit d’intérêts économique qui lui est reproché. Avec une présomption d’innocence juridique, tant qu’aucune condamnation définitive ne soit prononcée. C’est ce que confirment à Leaders des sources concordantes réputées proches du chef de l’Etat. Elles n’ajoutent pas cependant, un redoutable « mais ». Mystérieux, il tiendrait sans doute compte de la perception et des dimensions politiques.
La crise est au sommet de l’Etat. Sur fond de tension publique entre les deux présidents à Carthage et au Bardo, l’affaire Fakhfakh vient compliquer davantage la situation. Quatre mois seulement après son investiture, (au terme déjà de quatre mois auparavant de gestation, avortement du gouvernement Jemli compris), en pleine gestion de la pandémie sanitaire, le voilà sur la sellette. La coalition que Fakhfakh croyait avoir bâti pour gouverner s’est avérée poreuse, ne parvenant pas à sceller le pacte escompté. Fragilisé, affaibli, la confiance entamée, il se trouve pris, alors qu’il essaye de s’en sortir, entre les tentatives de récupérations exercées sur lui par diverses forces et tentations de ralliement à des « sauveurs – protecteurs. »
Motion de défiance ou départ consentant, si conflit d’intérêt avéré?
Le glas d’une motion de défiance contre lui, avec à la quille, la proposition d’un successeur, risque de sonner. Une course contre la montre s’engagera alors. Les députés à l’ARP partisans du départ de Fakhfakh sont-ils parvenus à réunir les 109 signatures requises, ou du moins des promesses confirmées ? C’est ce qu’on redoute le plus à Carthage. Le retrait de confiance à l’actuel locataire de la Kasbah et son remplacement en libre choix par un successeur qui ne soit pas proposé ou du moins agréé par le chef de l’Etat risque de poser un grand problème à la tête de l’exécutif.
La dyarchie, clairement définie par la Constitution, confinera le président Saïed, dans des attributions très précises, sans doute limitées par rapport à ses ambitions et à ses engagements. Une stricte application de la loi suprême fera du chef de l’Etat un régnant sans gouverner, en dehors de sa fonction de chef suprême des forces armées. Ce que Saïed craint le plus, malgré son respect à la Constitution. Voulant garder la main, il ne souhaiterait sans doute pas voir un processus de défiance aller jusqu’au bout, c’est-à-dire, disposer sous la main de la démission de Fakhfakh, au cas où... Même si cela n’est ni écrit, ni dit, ni laissé entendre, c’est qui semble prévaloir dans les esprits.
Les trois engagements liés qui ont manqué
Une bonne gestion de crise aurait dû inciter Elyès Fakhfakh d’apporter immédiatement trois réponses aux accusations de conflit d’intérêts.
La première, juridique : « Je le regrette, c’est par inadvertance, je cède mes actions. »
La deuxième, morale, et c’est la plus importante : « Les dividendes qui seront produites de ces marchés, seront versées automatiquement à des œuvres sociales, exemple, des associations pour l’emploi des jeunes, des handicapés, des régions défavorisées... »
La troisième, déterminante, politique : « Je remets mon mandat entre les mains de celui qui m’y a proposé à l’investiture du Parlement, le président Kais Saïed. » Sans garantir son salut, cette posture, si elle est sincère et convaincante, pourrait amortir quelque peu le désenchantement des Tunisiens.
Tout se jouera très vite !
Aujourd’hui, Elyès Fakhfakh semble enclin à s’en remettre à l’initiateur de son mandat, avec toutes les incertitudes qui existent, et les résultats possibles des différentes missions d’enquête (administratives et parlementaire).
Ce qui guette le plus dangereusement la Tunisie, c’est l’instabilité, une nouvelle longue période de consultations, de surenchères et de négociations pour pouvoir former un nouveau gouvernement. En pleine crise sociale, financière et économique, et avec tous les risques sécuritaires, le prix à payer en sera fort lourd.
Entre cet impératif de stabilisation du pays et cette aspiration légitime à la transparence et l’éthique dans la pratique du pouvoir, la Tunisie suit avec beaucoup d’appréhension une évolution accélérée de la situation politique. Des évènements significatifs pourraient en effet intervenir incessamment...