News - 03.07.2020

Le transport aérien et maritime après l’ouverture de nos frontières: Bourdes à répétition du gouvernement tunisien (Album Photos)

Le transport aérien et maritime après l’ouverture de nos frontières: Bourdes à répétition du gouvernement tunisien

Par Habib Mellakh - La Présidence du  Gouvernement a annoncé, le mercredi 24 juin 2020, dans un communiqué publié sur sa page Facebook, le détail des mesures sanitaires et d’hygiène à observer pour les personnes - Tunisiens et étrangers - entrant en Tunisie après la réouverture des frontières le 27 juin. Parmi les prérequis exigés,  pour l’entrée en Tunisie, des voyageurs en provenance de pays classés dans la liste orange (pays où le niveau de risque est considéré comme modéré), figure  un  RT-PCR  (l’une des techniques de laboratoire les plus utilisées et les plus fiables pour le dépistage du Covid-19).

La rédaction catastrophique d’un communiqué officiel

Le communiqué de la Présidence du gouvernement  énonce dans une phrase totalement absurde ce qui suit:

:المجموعة الثانية (اللون البرتقالي) ذات الانتشار المتوسط للوباء
  ضرورة الاستظهار بتحليل مخبري* قبل السفر بـ 72 ساعة على ألا يتجاوز تاريخ إجراء التحليل 120 ساعة عند الوصول

https://www.facebook.com/Presidencedugouvernementtunisien/photos/a.1065162546832565/3710790788936381/?type=3&theater

Cela donne la traduction suivante : « Pour la seconde catégorie (Liste orange), celle des pays à contamination modérée,  la présentation d’un test RT-PCR est exigée 72 heures avant l’heure du  vol. Quant à l’examen, il doit avoir été effectué  dans un délai maximum de 120 heures avant l’arrivée en Tunisie ».

Cette annonce a déstabilisé nos compatriotes désireux de rentrer au pays et qui  ont consulté la page Facebook pour connaître le protocole sanitaire exigé. Ils ont demandé, dans leurs très nombreux commentaires, des informations précises après avoir attiré l’attention sur l’absurdité de la phrase rédigée dans le communiqué puisque le voyageur est censé, en bonne logique présenter le résultat de son test, au moment de l’embarquement et non 3 jours avant l’embarquement, ce qui est une aberration.  Par ailleurs l’incohérence réside dans le fait que le communiqué évoque deux choses différentes, tantôt le délai requis pour la présentation du résultat du test, tantôt le délai maximum qui court entre la date du prélèvement et la date d’arrivée en Tunisie. Alors que le bon sens exige que l’on parle d’un délai minimum et maximum entre la date du prélèvement et la date  d’arrivée sur le sol tunisien, le communiqué pèche par un déficit d’information : il ne précise  pas dans quel cas le voyageur n’a le droit qu’au délai minimum et dans quelle situation il bénéficie du délai maximum.  

Malgré les innombrables questions soulevées par les internautes, la Présidence du Gouvernement n’a pas daigné présenter les éclaircissements demandés en publiant un nouveau communiqué. Et dire que la gestion du déconfinement est chapeautée par un ministère dédié aux ’’Grandes réformes’’ ! L’accès à l’information de nos concitoyens devient d’autant plus difficile qu’il  leur est impossible de joindre le numéro vert mis à la disposition du public par le ministère de la santé publique (80101919) en raison du sempiternel encombrement de la ligne. Curieusement, ce numéro ne figure nulle part sur le site de ce ministère et des amis sont allés le chercher sur le site de certaines missions diplomatiques accréditées à Tunis (sic !).  Cette situation reflète bien  les innombrables problèmes de communication dont le gouvernement est responsable pendant cette crise sanitaire.

En réalité, d’après des informations sûres fournies le mercredi 1er  juillet par des médecins travaillant au sein de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes (ONME), les autorités tunisiennes exigent des  citoyens et des étrangers, un test RT-PCR négatif effectué 72 heures avant l’embarquement pour les personnes voyageant en avion et 120 heures avant l’arrivée en Tunisie  pour les voyageurs empruntant le bateau.  Que le rédacteur du communiqué de la Présidence du Gouvernement et ceux qui ont été chargés de sa révision  n’aient pas été capables de communiquer cette information dans un arabe correct et compréhensible, est tout simplement scandaleux. Où va nous mener autant de laisser-aller ?

Des bourdes en série

Il n’y a pas que les malheureuses bévues linguistiques. Les autorités sanitaires ne semblent pas avoir prévu, au moment de l’élaboration du protocole sanitaire le cas des voyageurs qui prennent le bateau et qui sont obligés de parcourir de grandes distances avant d’arriver au port d’embarquement. Le communiqué catastrophique de la Présidence du Gouvernement  évoque, il est vrai, ce délai de 120 heures mais ne précise pas dans quel cas ce délai pourrait être accordé. La  règle des 120 heures  ne semble pas avoir été prévue, au départ, ou du moins communiquée aux autorités chargées de l’appliquer à l’étranger. Il s’agit plutôt d’un assouplissement de la règle des 72 heures, intervenu ou signifié à la suite  du climat très tendu qui a prévalu le mercredi 1er  juillet au port de Gênes, lorsque les autorités italiennes ont interdit, en application du protocole sanitaire tunisien qui leur avait été communiquée, à 300 familles tunisiennes résidant en Belgique, en Allemagne et en Suisse l’accès au bateau devant les conduire au Port de la Goulette à cause de l’expiration du délai de 72 heures, relatif à la validité du test RT-PCR exigé. C’est en raison de cet incident que  Mohamed Rabhi,  président de la commission de confinement au ministère de la Santé, a annoncé dans une déclaration, accordée en date du 1er juillet à Mosaïque FM la prolongation de la validité des tests de dépistage du Covid-19 (RT-PCR) de 72 à 120 heures pour les voyageurs tunisiens qui entrent en Tunisie, venant de pays classés sur la liste orange. La nouvelle réglementation a été ainsi annoncée sur les ondes d’une radio privée et ne figure dans un aucun communiqué officiel publié sur le site et/ou la page FB du ministère de la Santé ou de l’ONMNE chargé d’établir et d’actualiser le classement des pays selon leur situation épidémiologique. Cela constitue une autre erreur de communication.

Le classement des pays en trois groupes (liste rouge, liste orange et liste verte), selon leur situation épidémiologique et le risque de contamination qu’ils font courir à  notre pays (fort, modéré et faible), classement destiné à nous prémunir de la propagation de virus, connaît de nombreuses incohérences et bizarreries qui s’ajoutent à la série de bévues précitées. Ces aberrations font que des pays, où la maladie sévit encore, sont sur la liste verte tandis que d’autres pays, où le virus est pratiquement vaincu, font partie de la liste orange. Nous sommes dans une drôle de situation où les critères de classement établis ne semblent pas respectés au point où l’on se demande s’il ne s’agit pas de décisions politiques en contradiction totale avec l’avis des experts. Nous nous demandons  aussi si la durée de la quarantaine proposée et la nature du confinement (auto-confinement ou quarantaine obligatoire) n’obéissent  pas à des considérations politiques alors qu’elles devraient être dictées par des motivations scientifiques.

Des pays européens auraient d’ailleurs contesté ces classements et menacé la Tunisie de mesures de réciprocité au cas où ces classements ne seraient pas revus. Une délégation d’ambassadeurs représentant des pays européens a d’ailleurs été reçue par le ministre de la Santé publique pour débattre de  la question de ces classements. Le mercredi 1er  juillet la France passe  de la liste orange à la liste verte et la Belgique saute de la liste rouge à la liste verte, vraisemblablement à la suite de ces tractations en haut lieu.

Une autre bourde monumentale est à mettre au passif des autorités politiques tunisiennes. Sur les vols de Tunis Air à destination de Tunis, les enfants de moins de 12 ans sont, depuis le 2 juillet, exempts de la présentation d’un test RT-PCR pour pouvoir entrer en Tunisie. Est-ce une faveur accordée à Tunisair ? Nouvelair et les compagnies étrangères seraient-elles soumises à un autre protocole dans une flagrante violation du principe du protocole sanitaire unique qui doit être respecté par tous les voyageurs sans aucune discrimination ? Toutes ces décisions loufoques  ne couvrent-elles pas de ridicule tout le pays ?

Il s’agit là de cafouillages, de ratés, d’un manque de planification et d’anticipation auxquels le gouvernement tunisien ne nous a pas habitués pendant la gestion de la crise sanitaire sauf en de rares moments comme pendant  la gestion chaotique du paiement des subventions et celle tout aussi chaotique  des livraisons de masques . Cette dernière a été, rappelons-le, l’une des bourdes majeures dans une lutte qui a donné jusqu’à présent de bons résultats que les erreurs et parfois les errements ne doivent pas occulter.

Le ministère de la Santé va-t-il se décider à réactiver la campagne de prévention ?

Il s’agit maintenant de transformer l’essai, comme on dit en rugby, en confirmant les premiers succès. Pendant toute la période qui verra le retour de nombreux Tunisiens résidant à l’étranger - pour lesquels le séjour tunisien est synonyme de divertissement, de fête et de laisser aller - et au cours de laquelle on s’attend à un grand afflux de nos frères algériens, il est salutaire de ne pas baisser la garde. Le ministère de la Santé publique doit réhabituer les Tunisiens au respect  des mesures barrières en renouant avec les campagnes de sensibilisation et  en insistant particulièrement sur la nécessité du port du masque lorsque la règle de la distanciation physique ne peut pas être appliquée. Alors que les Tunisiens, qui portent, actuellement, des  masques, apparaissent comme des extra-terrestres, ou au mieux comme des gens ayant la phobie du coronavirus, il est indispensable que le gouvernement veille, au cours de cet été, à sensibiliser les citoyens aux dividendes à engranger grâce au port du masque, qu’il incite les industriels à leur fabrication et qu’il anticipe pour avoir un stock de masques de protection respiratoire, de masques chirurgicaux et d’équipements médicaux individuels pour l’automne prochain, saison où de nombreux experts, de part le monde, craignent la survenue d’une seconde vague de la pandémie.

Habib Mellakh

* RT-PCR