Faouzi Ben Abderrahman: Le devoir d'exemplarité
Par Faouzi Ben Abderrahman - Dans le procès de François Fillion ancien Premier ministre français pour emplois fictifs et détournement de fonds, le jugement rendu le condamne à cinq ans de prison dont deux fermes et dix ans d'inéligibilité.
Commentaire du journal "le point"
La sanction est « lourde », la magistrate le dit et l'assume. Elle n'a trouvé « aucune justification » au comportement de l'ex-Premier ministre. Il a « manqué à son devoir de probité » et à son « devoir d'exemplarité ». En faisant « prévaloir son intérêt personnel sur l'intérêt commun » dans un but d'« enrichissement personnel », le prévenu « a contribué à éroder la confiance » des citoyens. Il a « abimé la vie de la démocratie ». Fin de citation.
Ce jugement rendu par la juge m'a interpellé car le devoir d'exemplarité n'existe dans aucun article de la loi pénale. La juge n'a pas seulement émis un jugement à l'encontre de l'ancien premier ministre mais elle lui a surtout asséné une leçon de morale. Faillir au devoir d'exemplarité est aussi grave qu'un acte juridiquement répréhensible par la loi, ceci transcende les simples discussions judiciaires ou réglementaires et représente la base du socle de valeurs d'un responsable politique. Inutile d'épiloguer sur cette justice hors de notre portée déjà au moment où on peine à avoir des juges réellement indépendants.
Pour revenir au cas tunisien de conflit, et au delà des investigations en cours sur lesquelles j'ai de sérieux doutes sur le climat d'indépendance hors de toute influence dans lequel elles vont se dérouler, vu la communication officielle du gouvernement qui sort un communiqué du conseil des ministres qui dénonce les manœuvres de déstabilisation du gouvernement par l'affaire du conflit d' intérêt de son président (faut-il rappeler ici que c'est la personne de Mr Fakhfakh qui est incriminée et non pas le Chef du gouvernement) , ce qui a manqué à Mr Fakhfakh c'est l'humilité de reconnaître qu'il a manqué au devoir d'exemplarité, de ne pas avoir vu que la question n'est ni un problème de procédures ni encore moins d'une discussion sur les délais.
Mr Fakhfakh n'a pas vu qu'il s'agissait bien du devoir d'exemplarité dans un pays où ce devoir à tellement manqué et manque toujours à une société en manque de repères, sa ligne de défense a toujours consisté à mettre en avant sa probité personnelle mais jamais à reconnaître ses torts et à s'en excuser malgré l'avis presque général de ses détracteurs et de ses alliés (dans le secret des confidences).
Depuis 2011 et l'avènement de la deuxième République, le devoir d'exemplarité n'a pas été (à de rares exceptions près) l'apanage de la nouvelle classe politique du pays.
Ceci est tellement inexcusable de la part d'une nouvelle génération qui se voulait en rupture avec des pratiques passées.
Finalement force à nous de constater que cette nouvelle classe politique dans sa grande majorité est loin d'être meilleure que ses prédécesseurs et que son arrogance et son manque d'humilité sont incompatibles avec la nécessité de reconstruction que nécessite le pays.
Cette nouvelle génération politique est venue à la politique trop souvent par hasard et s'est trouvée aux manettes du pays un peu trop rapidement sans en avoir ni l'expérience (ce qui en soi est pardonnable) ni la culture ni les compétences ni la connaissance profonde du pays et encore moins hélas le socle minimum de valeurs requises à part quelques exceptions bien entendu.
Notre démocratie est encore trop fragile : l'influence de l'argent (sale) est encore trop importante, la démagogie et le populisme sont les discours, la haine, l'esprit revanchard et la division du pays en sont les moteurs. Les cultures d'avant l'état (tribalisme, régionalisme, corporatisme) reprennent le dessus, Notre système politique est inadapté, il consacre l'hégémonie des partis politiques sur les institutions de la République. Notre justice peine encore à être indépendante, Notre état peine à être le garant du pacte social en mal de renouveau.
Nos indicateurs économiques sont tous au rouge. Un pays sans vision et un peuple sans repères et sans choix.
Les défis sont énormes, d'où la nécessité d'un leadership politique (actuellement absent) et d'une stabilité politique minimale. Une stabilité politique à quel prix ?
Alors à toutes les voix qui réclament la stabilité au prix du déshonneur, je dis : vous aurez et le déshonneur et l'instabilité.
Faouzi Ben Abderrahman