Noureddine Friaa : L’auto entrepreneur : Un nouveau régime qui mérite d’être réétudié
Par Noureddine Friaa - Le décret-loi N°2020-33 du 10 juin 2020a introduit un nouveau régime appelé« régime de l’autoentrepreneur » qui s’applique à toute personne physique de nationalité Tunisienne exerçant à titre individuel une activité dans les secteurs de l’industrie, de l’agriculture, du commerce, des services, de l’artisanat ou des petits métiers et dont le chiffre d’affaire annuel ne dépasse pas 75000 TND et précise que les personnes qui déposent la déclaration d’existence prévue par l’article 56 du code de l’IRPP et de l’IS à partir de la date de publication du décret-loi sont exclues du bénéfice du régime de l’autoentrepreneur.
(Téléchargez la publication de BDO Tunisie sur le régime de l’autoentrepreneur)
Toutefois l’article 2 de ce décret-loi a limité le bénéfice de ce régime aux personnes qui ont déjà déposé une déclaration d’existence telle que prévue par l’article 56 du code de l’IRPP et de l’IS avant la publication du décret-loi : Un nouveau régime qui s’applique aux anciens!
Ce nouveau régime permet à l’autoentrepreneur de bénéficier d’un traitement fiscal et de sécurité sociale spécifiques qui consistent à payer une contribution unique, libératoire de l’impôt sur le revenu, de la TVA et de la contribution au profit de la caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
Le montant de la contribution unique est fixé à:
• 0,5 ℅ du chiffre d’affaires annuel au titre de l’impôt sur le revenu ; et
• 7,5 ℅ au titre de la contribution au profit de la CNSS, calculés sur la base des deux tiers du SMAG ou du SMIG selon le secteur d’activité.
En l’absence d’un exposé des motifs de ce décret-loi, il est vraiment difficile de comprendre et même de décrypter l’intention visée par l’instauration de ce nouveau régime qui ne couvre que les personnes qui sont déjà en exercice avant le 10 juin 2020.
Il est à rappeler qu’il y a moins de deux ans, l’article 42 de la loi des finances pour l’année 2019 a introduit un régime fiscal et social simplifié visant à encourager les personnes, qui exercent une activité à but lucratif sans le dépôt d’une déclaration d’existence, pour adhérer au système fiscal et social.
Ce régime ouvert aux personnes qui exerçaient dans la clandestinité fiscale et socialepourrait avoir un effet positif sur la lutte contre le commerce parallèle et le secteur informel et surtout l’élargissement de l’assiette imposablecontrairement au régime l’autoentrepreneur dont l’accès a été malheureusement limité aux personnes physiques soumises au régime forfaitaire à la date de publication du décret-loi N°2020-33 du 10 juin 2020.
Le régime de l’autoentrepreneur actuellement limité à ceux qui sont en exercice avant le 10 juin 2020 va compliquer davantage le régime d’imposition des personnes physiques soumises au régime forfaitaire et va même le fragmenter sans augmenter le rendement fiscal de ce régime fortement contesté. On peut même s’attendre à une diminution de la contribution des personnes physiques dont le chiffre d’affaires varie entre 10000 TND et 75000 TND qui verront leur impôt sur le revenu passer de 3 ℅ du chiffre d’affaires annuel à seulement 0,5 ℅ du chiffre d’affaires annuel, ce qui nous parait contraire aux objectifs d’efficacité et d’équité fiscale.
Une autre aberration de ce nouveau régime a été apportée par l’article 2 du décret-loi et qui consiste en l’exigence d’une déclaration d’existence des personnes physiques de nationalité Tunisienne exerçant à titre individuel une activité dans le secteur de l’agriculture. Or, les agriculteurs personnes physiques n’ont jamais été soumis au dépôt de la déclaration d’existence et la seule tentative de les soumettre à cette obligation par l’article 66 de la loi des finances 2014 dont l’application a été suspendue par décision du chef de gouvernement est restée depuis, une lettre morte. Un agriculteur ne pourra jamais être un autoentrepreneur !
Le régime de l’autoentrepreneur tel qu’apporté par le décret-loi N°2020-33 du 10 juin 2020 a l’air d’un allègement de la charge fiscale des forfaitaires en activité, plutôt qu’un nouveau régime incitatif visant à atténuer les répercussions de la Covid-19 sur la conjoncture économique et sociale en Tunisie.
Noureddine Friaa
BDO Tunisie
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