Cecil Hourani : Le conseiller de Bourguiba
C'est un compagnon atypique de Bourguiba, Cecil Hourani, qui nous a quitté le 18 juin dernier, à l’âge de 103 ans, dans son village ancestral de Marjaayoun, au Liban. Un nom peu connu des jeunes générations tunisiennes, mais une silhouette familière aux militants destouriens et à ceux qui étaient autour du ‘’Combattant Suprême’’ lors du dernier quart d’heure pour l’Indépendance à New York, puis à Tunis, durant la première décennie de la nouvelle République.
Lorsque Habib Bourguiba débarqua le lundi 2 décembre 1946 au port de New York où, parti d’Anvers, il était le seul passager du cargo le Liberty Ship, il n’avait pour viatique que quelques dollars américains, une adresse d’hôtel et quelques connaissances, sans beaucoup de précisions. Il s’y rendra et commencera à établir ses premiers contacts, en attendant l’arrivée d’un mandat postal pour payer son séjour. Le weekend approche vite. Pas un dollar pour manger, Bourguiba se réfugiera dans sa petite chambre en attendant une réponse aux courriers et appels lancés à des contacts à New York. Lundi 9 décembre, Cecil Hourani, 29 ans, bel homme à la mèche en l’air, vient l’appeler à la réception. Bourguiba descendra en pyjama, la mine défraîchie par le long voyage en mer et un weekend sans avoir rien mangé. Hourani s’en apercevra rapidement et l’invitera à commencer à un petit-déjeuner, continental, comme il se doit aux États-Unis.
Issu d’une famille libanaise émigrée en Angleterre où son père Fadlo s’était établi, Cecil Hourani est né le 6 avril 1917 à Manchester. Après une licence en sciences politiques et économiques, il sera enrôlé dans l’armée britannique et accompagnera alors les troupes au Moyen-Orient, renouant avec ses origines. Il fera alors le tour des capitales et y rencontrera nombre de futurs leaders arabes. A la fin de la guerre, il partira tenter sa chance, plus loin que ce qu’avait fait son père, aux États-Unis. A New York, il est rapidement recruté par le Bureau arabe de l’information, une toute petite structure montée par des pays arabes pour défendre auprès de l’opinion américaine et de l’ONU toute naissante (juin 1945) la cause palestinienne et celle des autres pays arabes en lutte pour leur indépendance.
Affable comme un Libanais, raffiné comme un British, Cecil Hourani se liera d’amitié avec Bourguiba, prenant soin de lui dès cette fin d’année enneigée dans un New York qui se vide pour les fêtes. Dès le mois de janvier 1947, et avec la reprise des activités diplomatiques, il s’empressera de le présenter à Dean Acheson, le sous-secrétaire américain aux Affaires étrangères. Au lendemain de l’indépendance, Cecil rejoindra Bourguiba à Tunis. Il sera nommé, par décret, conseiller, et sera chargé des questions internationales, fournissant des analyses, accomplissant des missions à Londres, Washington DC et d’autres capitales. L’ambassadeur de Tunisie auprès de J.F. Kennedy n’était autre à l’époque que Habib Bourguiba Jr. Cecil sera à ses côtés lors des moments forts comme la guerre de Bizerte et autres. Hourani se répandait dans les allées du Congrès, les médias et l’Administration américaine, pour relayer le softpower inventé avant l’heure par Bourguiba, et perfectionné par Bourguiba Jr. On en trouve les traces dans les archives américaines qui viennent d’être déclassifiées.
La suite nous est rapportée dans l’hommage suivant que lui rend Kais Laouiti. Fils de Si Allala, le compagnon fidèle de Bourguiba (et marié à Meriem Bourguiba, l’unique fille d’Habib Bourguiba Jr), il a, dès sa prime enfance, bien connu Cecil Hourani à Tunis. Leurs liens ont toujours été entretenus.
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