Mahmoud Triki : Faisons de l’enseignement supérieur le pivot du développement
Par Mahmoud Triki, Universitaire
L’émergence de «l’Economie du Savoir» a fait du capital humain le principal déterminant du niveau de compétitivité des entreprises et des pays. L’enseignement supérieur devient stratégique pour un développement économique et social soutenu.
Le dysfonctionnement de notre système universitaire caractérisé par l’offre de programmes déconnectés des besoins du marché de l’emploi et la standardisation à outrance des programmes sont à l’origine du taux élevé de chômage parmi les diplômés. Une décennie après la révolution, le système continue à produire des « diplômés chômeurs » en recourant aux mêmes méthodes d’orientation des bacheliers et en offrant les mêmes programmes. Par ailleurs, l’instabilité politique et la dégradation de la situation économique et sociale du pays aggravée par la pandémie Covid 19 risquent de mener le pays vers une catastrophe économique sans précédent.
Sans prétendre donner une feuille de route pour rendre le système plus performant, les réflexions ci-dessous sont destinées à présenter les principaux axes à considérer pour faire du secteur un pivot du processus de développement économique et social du pays.
1/ Le Ministère de l’Enseignement Supérieur doit reconsidérer sa mission. Dans l’état actuel des choses, le Ministère est à la fois le régulateur, le promoteur et l’opérateur du système. La mission du Ministère devrait être celle de définir la politique du pays en matière d’enseignement supérieur et de recherche scientifique, de veiller à l’application de sa politique pour éviter les abus des institutions tant publiques que privées, et d’être le promoteur du développement du système pour mieux répondre aux aspirations des parties concernées (étudiants, Professeurs, employeurs et société civile).
2/ Accorder aux universités publiques davantage de flexibilité et d’autonomie de gestion tout en les tenant responsables de leur performance (admission des étudiants, recrutement et promotion des professeurs et du personnel administratif, financier et de soutien).
3/ Pour la validation des programmes, les organismes internationaux d’accréditation et leurs homologues nationaux qui restent à développer sont les mieux placés pour ce faire. Le verdict final revient aux employeurs qui déterminent les niveaux d’employabilité et de salaires des diplômés des différentes universités.
4/ En dehors du système français, La Tunisie peut s’inspirer d’autres systèmes jugés parmi les plus performants tels que ceux de l’Amérique du Nord, de l’Australie, ou encore de pays plus proches de nous dont les pays scandinaves, les Pays-Bas ou la Suisse.
5/ Il serait opportun de considérer le régime «d’universités privées à but non lucratif» et «d’Universités Off-Shore» pour attirer les universités de renommée à offrir leurs programmes en Tunisie contribuant ainsi au développement des exportations tunisiennes de Services Educationnels. Aux USA, pour l’année 2019, les recettes en devises engendrées par l’inscription d’étudiants internationaux étaient supérieures à 40 milliards de Dollars US. Un étudiant international est un touriste résident pour la durée de son programme d’études et un futur ambassadeur de la Tunisie dans son pays.
6/ L’octroi par le gouvernement de bourses aux lauréats admis aux universités tunisiennes publiques et privées dont les programmes sontinternationalement accrédités ; ce qui est le cas pour les lauréats tunisiens inscrits dans des universités privées étrangères de renommée (Grandes Ecoles privées européennes ou les universités privées nord-américaines).
7/ Gratuité de l’Education et Développement du Secteur Privé: L’université publique n’est pas gratuite. Elle est financée par les deniers de l’Etat et donc par le contribuable tunisien. L’université privée a le double mérite d’alléger les charges budgétaires de l’Etat et l’obligation d’être performante pour assurer sa survie et son développement. Mettre en cause son intégrité académique et scientifique est préjudiciable à ceux qui l’ont financée et ceux qui y travaillent. Notons que douze des vingt meilleures universités du classement de Shanghai dont Harvard, Stanford, MIT et bien d’autres sont privées.
Mahmoud Triki
Universitaire ayant enseigné à HEC Paris et à l’Université de Tunis. Il fut Directeur de l’ISG de Tunis ; Fondateur et Directeur de la Mission Universitaire et Scientifique de Tunisie (MUST) à Washington D.C., USA;Fondateur de Pro-Invest, bureau d’Etudes spécialisé en Education et en Formation Professionnelle et de la South MediterraneanUniversity (SMU), Première Université anglophone en Tunisie. Aujourd’hui, la SMU est dotée d’une école de Gestion (MSB) offrant des programmes internationalement accrédités, d’une école d’Ingénieurs (MedTech) et d’un Institut des Langues et des Cultures (LCI).