News - 29.08.2020

Pourquoi l’ambassadeur de France, Olivier Poivre d’Arvor, n’a pas été décoré par le président Saïed

  Pourquoi l’ambassadeur de France, Olivier Poivre d’Arvor, n’a pas été décoré par le président Saïed

Vives interrogations à Tunis à la suite de la visite d’adieu effectuée vendredi par l’ambassadeur de France, Olivier Poivre d’Arvor, au président de la République, sans en sortir le collier de la République au cou. Si la décoration d’un ambassadeur en fin de mission n’obéit à aucune règle écrite, la tradition de la diplomatie tunisienne est de la proposer au chef de l’Etat, pour récompenser des efforts méritoires et consacrer une durée de séjour de 3 à 5 ans. Dans le cas de l’ambassadeur de France partant, ces critères sont remplis. Sauf, qu’il n’y a pas eu de décoration vendredi ce qui a laissé libre cours à diverses interprétations... sauf la bonne.

L’ambassadeur Poivre d’Arvor est déjà titulaire d’une haute décoration tunisienne, dont il porte fièrement les insignes au revers de sa veste. Lors de la visite d’Etat du président Emmanuel Macron à Tunis le 31 janvier 2018, et faisant partie de la délégation officielle, il avait été fait à cette occasion, par le président Béji Caïd Essebsi, Grand officier dans l’Ordre de la République. Selon le code des décorations, les promotions dans l’Ordre sont soumises à un délai minimum de cinq ans, sauf faits exceptionnels. L’explication est ainsi fournie.

L’officiel et le personnel à la fois

L’entretien Saïed – Poivre d’Arvor, qui a duré plus d’une heure et quart (ce qui est particulier lors de visites d’adieu généralement chronométrées à 20 minutes), a été « très chaleureux » et « même ponctué d’une dimension personnelle », apprend Leaders. Le chef de l’Etat est revenu à cette occasion à sa première rencontre avec l’ambassadeur de France, en août 2019, alors qu’il était encore parmi les nombreux candidats à la Présidence, et souligné la qualité des relations bilatérales, fortement impulsées lors de sa visite à Paris le 22 juin dernier. Kais Saïed n’a pas manqué d’évoquer également ses nombreuses visites en France, en tant qu’universitaire et sa participations à des colloques notamment à Toulouse et à Paris. En guise d’hommage au diplomate français sur le départ, le président Saïed l’a invité à se faire désormais encore plus l’ambassadeur amical de la Tunisie en France et en Europe.

Le génie des deux communautés

Signe additionnel d’intérêt porté aux relations tuniso-françaises, l’entretien de fin de mission avec le Conseiller diplomatique du président de la République (nominé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Mechichi) a été convertie en séance de travail passant en revue les divers dossiers en cours et déblayant le terrain aux projets à lancer. Comme s’il s’agissait d’une réunion de prise de fonctions.

L’ambassadeur Olivier Poivre d’Arvor ne pouvait alors quitter le palais de Carthage, avant de s’envoler officiellement ce lundi à Paris, que sur une note d’émotion apparente. Mais, aussi de fierté d’avoir servi en Tunisie et en ce moment particulier, une fierté teintée "d’admiration au génie des communautés respectives sur les deux rives de la méditerranée".

Sa déclaration à la presse en témoignera...

Déclaration

''Je viens d’être reçu en audience par le Président de la République tunisienne, M. Kais Saied, à l’occasion de la fin de mon mandat de quatre ans comme ambassadeur de France en Tunisie. Lors de cet entretien très chaleureux et chargé d’émotion, j’ai souhaité adresser au président Saied le double message de l’immense affection et du plein soutien de la France à la Tunisie.

Un message d’affection car les liens entre la France et la Tunisie sont historiques, éternels et indéfectibles. Ils sont faits de valeurs communes entre pays égaux, liés par ces communautés humaines des deux rives que j’ai eu le privilège et le très grand bonheur de côtoyer pendant ma mission et qui font le sel de cette relation unique.

Affection pour la Tunisie démocratique qui force l’admiration de tous, qui maintient le cap d’un régime exigeant, y compris lorsqu’elle traverse les difficultés de la crise sanitaire et économique mondiale. 

Affection également pour un partenaire très important de la France et de l’Union européenne, avec lequel nous avons su nouer des coopérations majeures dans le domaine multilatéral comme bilatéral. Le président Saied a récemment fait à la France l’honneur d’une visite importante, qui a permis de tracer le fil de l’entente franco-tunisienne pour les prochaines années. L’engagement des président Saied et Macron pour obtenir le succès d’une résolution franco-tunisienne sur le Covid-19 au Conseil de sécurité doit être salué.  Le sommet de la Francophonie de 2021, qu’accueillera l’île de Djerba, permettra aussi de réaffirmer les valeurs que nous partageons.

Un message de soutien, car la France est, dans tous les secteurs, le premier partenaire de la Tunisie, et souhaite perpétuer cette relation exceptionnelle. Nos échanges économiques, notre coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, notre coopération culturelle, éducative, universitaire, nos projets communs sont innombrables, et doivent toujours se renouveler.  Je pense également aux communautés françaises et tunisiennes qui vivent des deux côtés de la Méditerranée et qui font la richesse de cette relation.

Un soutien au développement tunisien, puisque la France s’est engagé pour accompagner la Tunisie, avec des moyens très conséquents lors des dernières années. La visite présidentielle de juin dernier avait lancé le projet d’un soutien budgétaire de  350 millions d’euros à la Tunisie, à travers l’Agence française de développement. Nous souhaitons le concrétiser au plus vite.  J’ai confirmé au Président notre totale disponibilité pour cette signature.

Un soutien également à l’intelligence tunisienne, à travers nos projets universitaires, scolaires et culturels. Le Président Saied a fait des actions en faveur de la jeunesse une priorité, et nous souhaitons  contribuer, là où c’est nécessaire, à la formation de cette jeunesse, à son employabilité, un défi qui nous concerne tous.

Au terme de ces quatre années, d’une très grande intensité, comme ambassadeur de France en Tunisie, je tiens enfin à titre personnel et avec beaucoup d’émotion à exprimer aux autorités et au peuple tunisien l’expression de ma très profonde gratitude et de mon admiration pour la culture et les valeurs de cette grande Nation.

Vive l’amitié franco-tunisienne !''