L'édito de Taoufik Habaieb: Trois priorités et un impératif
Plan dinar, trêve sociale et prise en charge du Covid-19 et de ses suites seront le mur de vérité du nouveau locataire de la Kasbah. Sans renflouement des finances publiques, point de salut. Négocier avec le FMI un plan d’ajustement qui servira de plateforme de ralliement à d’autres bailleurs de fonds sera la première lueur d’espoir d’un sauvetage financier et d’une relance économique.
Le prix à payer sera lourd en sacrifices, tant les exigences en réformes et coupures budgétaires sont aussi pressantes qu’incontournables. Les Tunisiens doivent en être édifiés.
Honorer les engagements pris vis-à-vis des syndicats est le gage d’un retour de la confiance. De précédents gouvernements avaient signé avec l’Ugtt des accords d’augmentations de salaires, d’indemnités et de primes, et laissé à leurs successeurs la quasi-impossibilité de servir leurs montants.
Se rétracter, ce serait achever la crédibilité de l’État, déjà bien entamée, et envenimer le climat social, sous haute tension. Y accéder, juste pour acheter la paix sociale, sans contrepartie à convenir en assiduité, productivité et performances, conduirait vers l’abîme. Un nouveau contrat social est à conclure, quitte à procéder au règlement par tranches. L’essentiel est de faire respecter la signature de l’État.
Le rebond brutal ces jours-ci du Covid-19, par surprise et sans anticipation possible, rappelle des moments douloureux. Panique, hésitations, soumission générale au confinement et pertes en tous genres restent pénibles à porter. Le virus menace encore plus dangereusement des vies humaines et risque d’entraîner un désastre économique plus accéléré à subir de plein fouet.
Impréparation, fragilité du dispositif sanitaire et sous-équipement médical sont flagrants. Le bilan économique est encore plus accablant. Fermetures d’entreprises et faillites, licenciements, arrêts de production, et leurs cortèges d’assèchement de revenus et de contestations sociales ne font qu’assombrir chaque jour davantage de tristes horizons.
Sur un double tableau sanitaire et économique, la prise en charge immédiate sera déterminante. La Tunisie n’a pas le droit de se départir d’une volonté résolue d’endiguer la pandémie et d’enrayer le plus possible ses effets socioéconomiques.
Le sauvetage de l’entreprise est aussi vital que celui de la vie humaine. Un État frileux, tatillon et pingre, un système financier rivé à ses rentes, ne prenant aucun risque et ne prêtant guère de secours, se conjuguent à une administration obsolète, désarticulée, multipliant les obstacles. Nous en connaissons déjà les résultats. Les dégâts à venir n’en seront que plus graves, faute d’un sursaut collectif et immédiat.
Ces trois priorités absolues, financières (FMI), sociales (Ugtt), sanitaire (Covid-19 et ses suites), se trouvent confrontées aux exigences d’une rentrée scolaire et universitaire au demeurant hypothétique à assurer dans des conditions optimales, les restrictions sanitaires en plus. Ni l’état des locaux, ni la disponibilité des transports, des hébergements en internats et en foyers universitaires, la plupart défectueux, n’offrent des gages de respect des règles d’hygiène et de distanciation. Le coût de plus en plus exorbitant des fournitures scolaires, des cartes de transport, des tickets de restaurant et des frais d’hébergement, sans parler des ordinateurs et de la connexion internet, fait saigner les maigres ressources de millions de parents.
Ce sont ces détails concrets qui préoccupent le plus le Tunisien en cette rentrée. L’appréhension est d’autant plus grande que tous ont le sentiment que personne n’est à la barre pour s’en occuper à bras-le-corps. Les politiques sont ailleurs.
La crise politique reste insoluble. Plus qu’une succession accélérée de gouvernements qui sape toute stabilisation, c’est l’ensemble du système politique qui est grippé. Le régime électoral conçu pour la constituante de 2011 est absolument désuet pour des législatives dégageant une majorité. La Constitution, aux multiples insuffisances, instituant un régime hybride avéré inopérant, voire accablant, bloque le fonctionnement harmonieux des institutions.
Si l’urgence est aux priorités du quotidien, l’impératif est de revisiter l’architecture du système politique et ses piliers constitutionnels et de faire sauter les verrous qui les entravent. Dès à présent, dans la sérénité, loin des passions et du sectarisme.
L’avenir de la Tunisie, de la démocratie et de l’union nationale en dépendra.
Taoufik Habaieb
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Excellent edito si Tawfik . Le prochain gouvernement doit s'en inspirer pour éviter une plus grande détérioration de la situation et stabiliser le pays dans une période de grands risques .