Opinions - 04.10.2020

Abdelkader Maalej: Des célébrités tunisiennes

Abdelkader Maalej: Des célébrités tunisiennes

En lisant les biographies des ministres formant le  gouvernement du Premier ministre  Hicham Mechichi on ne peut que se  demander pourquoi la Tunisie est  elle arrivée au bord de l’abîme alors qu’elle possède un grand nombre de compétences dans tous les domaines. Où est ce que le bât blesse ? Ceux qui ont gouverné le pays au cours des 10 dernières années sont à n’en  pas douter les responsables de la situation quasi catastrophique dans laquelle se trouve  la Tunisie depuis le 14 janvier 2011. Mais en dépit de leurs échecs successifs nos politiciens ne sont pas prêts à faire leur autocritique et à reconnaître le tort qu’ils ont causé à leur patrie. Ils oublient que le Président Bourguiba qui avait libéré le pays  du joug du colonialisme avait solennellement  demandé au peuple de lui pardonner son erreur d’avoir voulu instaurer le collectivisme en Tunisie. Les voilà par contre capables inventer des théories nouvelles infondées pour justifier les critiques qu’ils adressent à la formation gouvernementale. Les dirigeants d’Ennhdha et leurs acolytes avancent une  thèse بدعة selon laquelle la démocratie ne peut se réaliser que par le truchement des partis. N’avons-nous pas pourtant appris que  la démocratie signifie que le peuple se gouverne  lui-même par lui-même et s’il le faut à travers des représentants par lui élus. Les élus peuvent être naturellement des représentants de partis ou  tout simplement des indépendants n’appartenant à aucun parti.

Notre propos ici consiste à présenter brièvement quelques célébrités enfantées par la Tunisie à travers sa longue  histoire  et qui ont énormément impacté non seulement la vie des Tunisiens mais aussi au delà de nos frontières.

Saisissant l’occasion fournie par  le triste  décès de feu Hammadi  Agrabi, notre grande star de football, j’ai jugé qu’il serait utile  de présenter quelques grandes figures ayant profondément marqué l’histoire de leur pays dans divers secteurs.

Hannibal 

La première figure qui s’impose à nous n’est autre que le général carthaginois Hannibal 247- 183 avant JC qui avait  joui et jouit encore   de l’admiration de tous ceux  qui ont traité de l’histoire de Carthage et des guerres puniques et entre autres le grand poète et écrivain français Chateaubriand. Ce dernier   qui avait   séjourné quelques jours en1807 en Tunisie sur son passage vers l’Espagne dans l’objectif de rencontrer son amante, avait écrit un intéressant  essai intitulé devant les ruines de Carthage.

Après des victoires éclatantes  remportées contre les Romains Hannibal  succomba dans  la bataille de Zana parce que son pays avait refusé de lui envoyer les renforts dont il avait besoin. Se sentant trahi  par son pays il préféra  terminer ses derniers jours en exile et exprima son  désir de ne pas être inhumé en Tunisie en faisant inscrire sur sa  tombe ingrate patrie  tu n’auras pas mes os. (Voir notre article intitulé Les cendres d’Hannibal publié par Leaders).

Mohamed ibn Sahnoun 777- 854

La deuxième grande figure  qui mérite d’être mentionnée est le célèbre jurisconsulte musulman Mohamed ibn Sahnoun  Attanoukhi (777- 854). Après avoir reçu une première éducation dans son pays natal, le jeune Mohamed se rendit au Machreq Elarabi et notamment à  Médine où vivait encores Mèlik ibn Anas, le fondateur du rîte malékite qui est l’un des quatre grands rîtes sunnites de l’Islam. Ibn Sahnoun n’avait pas selon nos sources rencontré Mèlik ibn Anas mais avait rencontré son meilleur disciple Aboulkacem et ce fut ce denier qui  lui transmit  toute la doctrine de son maître. Les  nombreux livres écrits par ibn Sahnoun furent réunis dans un grand ouvrage intitulé Almoudawana. C’est grâce à cet ouvrage que le rîte malékite s’est propagé  dans tous les pays de l’Afrique du nord et  en Egypte.

L’impact d’ibn Sahnoun ne s’était pas  limité à ces pays mais avait  été aussi manifestement important dans plusieurs autres pays africains en sus des pays déjà mentionnés tels que  à titre d’exemple le Sénégal le Mali le Togo et j’en passe.

Ibn Khaldoun  1332- 1406

La troisième  grande figure que je voudrais mentionner est  notre grand savant Abderrahmen ibn Khaldoun 

La famille de ce savant venait de Hadrimède. Après un séjour  à Séville, Andalousie, la famille s’installa  en Tunisie pendant la période hafside. C’était une famille de science et de savoir.   Né au mois de mai 1332 à  dans une maison encore visible sise à la médina de Tunis. Le jeune Abderrahmen   eut pour professeurs les grands maîtres de son époque dont son propre père Mohamed ben Haasan ben Jaber.Ce père décéda pendant la peste qui frappa le pays en 1349. En 1350 Abderrahmen fut désigné secrétaire particulier de l’émir  ibnou Ishaq al Hafsi. Apes la mort de ce Sultan  Abderrahmen se rendit  à Fez au Maroc où il intégra la suite  de certains émirs Au cours de ce séjour il eut des hauts et des bas ; tantôt il occupait des postes de haute responsabilité  et  tantôt il était congédié et  même  emprisonné pendant quelques temps  pour avoir pris position en faveur d’un Emir contre un autre en conflit.

Abderrahmen ibn Khaldoun allait ainsi traverser une période très agitée en se déplaçant entre l’Algérie le Maroc et l’Andalousie. Installé à Kàlet  ibn Salama-Algérie- où il demeura 5 ans 1375- 1380, ibn Khaldoun se mit à écrire son livre Alîbar, le titre du livre est plus long (le teme ibar signifie les leçons à tirer) et en 5 mois il termina   la rédaction de sa Moukaddima .Il décida alors de rentrer en Tunisie au mois de décembre 1378.Le Sultan hafside l’accueillit avec tous les honneurs et lui permit de se consacrer à l’enseignement en sus de certains autres avantages. Jaloux des faveurs accordées  à ibn Khaldoun par le Sultan d’aucuns se mirent à comploter contre lui auprès du Sultan. Ibnou Khaldoun demanda alors au Sultan Aboul Abbes de lui permettre de se rendre au pèlerinage. Le 13 octobre 1382 il débarqua à Alexandrie et se rendit au Caire où il décida de rester quelques temps pour se consacrer à l’enseignement. Il fut alors nommé Cadi malékite. Entre temps le Sultan d’Egypte Dhaher Barqouq الظاهر برقوق   fut appelé à venir au secours de Damas assiégé par l’empereur Témourlink. Le Sultan était  accompagné par quelques grands notables dont ibnou Khaldoun. D’aucuns parmi ces personnes allèrent à la rencontre de Témourlink pour lui demander de lever le siège sur Damas. Témourlink leur demanda si ibnou Khadoun était  encore à Damas. Apprenant qu’il y était  il le fit venir à sa rencontre et lui demanda d’écrire un livre sur les pays du Maghreb. Lorsqu’ibnou Khaldoun regagna le Caire le Sultan d’Egypte donna l’ordre de faire venir sa famille  de Tunisie. Le bateau transportant la famille fit malheureusement naufrage et tous ses membres périrent en cours de route. Quelques temps après Abderrahmen rendit lui aussi son âme à Dieu laissant à la postérité une œuvre littéraire et philosophique importante.         

En fait tout au cours de  sa vie  ibn Khaldoun n’avait jamais cessé d’écrire des ouvrages dont son livre ci dessus mentionné et son introduction Al Moukaddima, premier essai d’ordre scientifique  en sociologie. En effet bien avant Thomas Hobbes 1588-1679, John Locke 1632-1704, Spinoza  1632-1677, Emile Durkheim 1858- 1912 et tant d’autres grands sociologues, ibn Khaldoun avait rédigé sa célèbre Moukaddima, (les prolégomènes) où il avait   donné une explication anthropologique et sociale des  évènements historiques. En  un premier temps les Européens avaient essayé  de renier la valeur d’ibn Khaldoun dans ce domaine scientifique. Mais face à l’insistance de certains chercheurs intègres arabes et non arabes on a fini par reconnaître  qu’Abderrahmen ibn Khaldounllah est le vrai précurseur de la sociologie. Lors d’une conférence dernièrement donnée  sur le thème de la modernité et ses origines, Dr Hammadi Ben Jaballah a clairement confirmé que les sociologues  européens sus mentionnés et d’autres ont pris connaissance  de la Moukaddima et  ont été influencés par cet ouvrage sans précédent.

Kheireddine 1820- 1890

Kheireddine, appelé le père de la réforme en  Tunisie est la figure la plus marquante du mouvement  réformiste de la Tunisie moderne. Circassien d’origine, le jeune enfant perdit son père très tôt et fut pris prisonnier par un groupe de guerriers qui  l’amenèrent à Istamboul et le vendirent à un notable de céans nommé Tahcine Bik Mohamed qui cherchait un copain à son fils unique après le décès de sa femme. Le père veilla à l’éducation des deux enfants. Malheureusement le fils décéda après quelques temps et le père décida de se séparer de son ami, Kheireddine, qui avait alors 17 ans. Il le vendit au souk des esclaves à un envoyé du Bey de Tunis qui voulait avoir  un petit mamlouk bien instruit et ayant quelques  connaissances de la langue française. Ahmed Bey   se chargea de l’éducation  de cet enfant  et l’inscrivit à l’école militaire du Bardo. Dés lors le jeune Kheireddine allait briller et avoir une histoire retentissante en  grimpant tous les grades militaires jusqu’à devenir général de brigade  et tous les postes politiques les plus élevés dont  celui de Premier ministre. Le Bey Ahmed premier lui confia  plusieurs missions de grande importance pour le pays. Il le chargea de la défense des intérêts du pays devant la justice française dans la fameuse affaire des deniers publics volés par Mahmoud Ben Ayed et transférés en France. Assisté par son ami Le général Hussein, Khair-Eddine  réussit à récupérer une partie de  cet argent.

La politique réformiste de Kheireddine allait susciter contre lui la jalousie et  la haine de l’homme le plus proche de lui en l’occurrence son gendre  le Premier ministre Mustapha Khaznadar. Kheireddine présenta en 1864 sa démission du Ministère de la guerre  et de la présidence du Grand conseil. Advint alors la fameuse révolte d’Ali Ben Ghdahem. Face au danger imminent qui menaçait le pays et la tentative de certains pays européens  d’intervenir  pour  faire sortir la Tunisie de l’emprise ottomane le Bey demanda à Kheireddine de se rendre dans plusieurs pays européens pour défendre la cause tunisienne.

Au cours de ce long périple Kheireddine apprit  comment ces pays avaient pu réaliser leur développement économique et scientifique. Inspiré par la renaissance européenne, il rédigea son célèbre ouvrage Intitulé AqwamAl ma çelek fi màrifiti ahwel Almamelek, أقوم المسالك في معرفة أحوال الممالك le chemin le plus droit pour connaître l’état des royaumes où Il avait consigné les idées  susceptibles selon  lui d’assurer le développement du pays. A la suite de la révolte de 1864 et aux difficultés économiques qui s’en suivirent Kheireddine fut désigné à la tète de la commission financière  chargée de veiller au remboursement des dettes de la Tunisie aux pays emprunteurs étrangers. En raison de ses succès successifs dans toutes les missions qui lui étaient confiées le Bey décida de le nommer grand vizir en remplacement de son gendre Khaznadar. Accueilli avec grande allégresse par la plupart des citoyens, Kheireddine s’attela au travail essayant de mettre en pratique toutes les idées   exprimées dans son livre sus mentionné. Il entreprit  une immense série de réformes politiques, économiques sociales agraires et culturelles dont notamment la fondation en 1875 du Collège Sadiki, de l’association des waqf de la bibliothèque zitounienneمكتبة العبدلية  El ibdillia  et tant d’autres réalisations. En récompense le Bey lui offrit le grand domaine  d’Enfida dont l’histoire est très connue et il est inutile d’y revenir. Mais malgré  ses succès Kheireddine  n’échappa pas aux intrigues tramées contre lui par ses jaloux ennemis et après quarante ans passés au service du pays il décida de quitter la Tunisie et alla s’installer à Elacitana en Turquie en 1877. Le Sultan Abdelhamid  l’accueillit  à bras ouverts et le nomma Grand vizir de l’empire ottoman. Grâce à sa sagesse et à ses compétences   Kheireddine accomplit une œuvre colossale au service de son nouveau pays dont notamment la signature du  traité de paix  en 1878 à Belin  conclu entre la Turquie et la Russie. Une année plus tard Kheireddin rendit son âme à son créateur.

Aboulkacem  Chebbi

La Tunisie a certes enfanté une nombreuse progéniture dans les domaines littéraires,  artistiques  religieux et sportifs à l’instar de Açad ibn Fourat (Sidi Mehrez, Tahar Haddad, Mahmoud Messedi, Mustapha Khraief. Mais le rayonnement  de tous ces illustres n’a que très peu dépassé les bornes de la Tunisie si on excepte  Açad ibn Fourat qui avait participé à la conquête  de la Sicile en 828 et le grand écrivain Mahmoud Messedi dont le célèbre roman le barrage- السد- avait émerveillé le doyen de la littérature arabe Taha Husseein. Mais   on ne peut omettre  de parler de notre  grand poète de tous les temps dont la réputation a dépassé les frontières nationales et qui  avait  joui et jouit  encore de l’admiration de tous ceux ont pu savourer ses merveilleux poèmes en Tunisie et au Machreq Alarabi , je dois citer Aboulkacem Chebbi. 

Aboulkacem Chebbi est né en octobre 1906 au village de Chebbia prés de Tozeur. Après des études primaires dans sa ville natale Aboulkacem poursuivit ses études à la mosquée Zitouna. Dés son jeune âge il ne cessait de dévorer  les livres et les revues en provenance du Machreq Alarabi. Alors qu’il était encore étudiant  à la grande mosquée il commença à composer des poèmes qu’il envoyait à la revue égyptienne Apollo qui les publiait régulièrement sans problème. Aboulkacem devint ainsi célèbre au sein des milieux littéraires en Tunisie et des pays du Mahreq. Le père d’Aboulkacem était un magistrat qui était souvent muté dans diverses villes du nord ouest du pays et se déplaçait continuellement  d’une région à une autre. Son fils Aboulkacem devait naturellement accompagner sa famille là où elle allait. Ces déplacements successifs avaient permis à Aboulkacem de connaître plusieurs endroits intéressants et cela avait crée en lui un souffle romantique. En 1929 le père décéda. La famille dut quitter Tunis et rentrer à Tozeur ; étant l’ainé de ses frères Abpoulkacem devint le seul soutien de la famille. Il se maria mais  malheureusement il tomba gravement malade et mourut un an après son mariage.

Outre sa production poétique ( أغاني الجياة les chants de la vie) Aboulkacem publia un livre intitulé L’imagination  poétique chez les Arabes qui était à l’origine une conférence donnée à Tunis. Le livre  suscita beaucoup de critiques en Tunisie et ailleurs dans le monde arabe en raison de ses idées quelque peu infondées mais justifiées par les admirateurs par la jeunesse du poète et son  manque de maturité.

Aboulkacem publia aussi une nouvelle intitulée Pages saignantes – صفحات دامية- et une pièce théâtrale intitulée Le saoul –  السكير- 

On ne peut clore ce chapitre sans réciter les quatre vers devenus célèbres et annexés à notre hymne nationale

Si le peuple tient un jour à vivre

Le destin doit certainement suivre

Les ténèbres devront se dissiper

Les chaînes finiront par se couper.

Abdelaziz Thaàlibi

Parmi les célébrités qu’on ne saurait ignorer il nous faut citer Abdelaziz Thaàlbi, fondateur du Parti  libéral constitutionnel. Thaàlbi est né à Tunis en 1874. Après avoir terminé ses études à la Zeitouna Il fonda le journal سبيل الرشاد  , La voie de la mtûrité en 1896.qui ne tarda pas à être suspendu par le gouvernement. De 1895 à 1902 Thaâlbi se lança dans  un long voyage qui le conduisit en Libye en Egypte et en Inde. En 1902 il fut condamné  à  deux mois de réclusion pour ses idées réformistes. En 1912 il fut expulsé du pays et ne rentra au pays qu’en 1914. En 1919 il se rendit en France pour défendre la cause tunisienne et il fut arrêté et traduit  en justice, En 1920 il fonda avec quelques uns de ses compagnons le parti libéral destourien. En 1923 il quitta de nouveau le pays et n’y rentra qu’en 1937. Au cours de ce long périple Thaàlbi se rendit en Egypte en Iraq et en Inde où il était toujours bien reçu et où il accomplissait de nombreuses missions politiques. A son retour en Tunisie Thaàlbi décida  de se ranger du  coté du vieux destour contre le parti néo destourien fondé en 1934 par le jeune leader Habib Bourguiba. Thaàlbi rendit son âme à Dieu en octobre 1944.

Abdelaziz Thàalbi est l’auteur de plusieurs livres dont La Tunisie martyre qui lui valut d’être emprisonné, L’esprit libéral du Coran et le miracle de Mohamed. 

Mohamed Tahar Ibn Achour 1879- 1973

Tahar Ibn Achour, d’origine andalouse selon  son petit fils Laziz ibn Achour, est le plus grand jurisconsulte tunisien de tous les temps. On n’exagère en rien si on le compare à Mohamed ibn Sahnoun ou  même à Malek ibn Anas le fondateur du rîte malékite ou à d’autres grands jurisconsultes  de ce calibre.  
Né à la Marsa dans la maison de son grand père maternel Mohamed Laziz  Bouattour Premier ministre de 1882 à 1902, Tahrar ibn Achour allait avoir une éducation exceptionnelle. Il était le disciple distingué des plus grands Ulémas de son époque à l’instar de Omar ben Cheikh, Mohamed Nakhli, Salem Bouhajeb, Mohamed Merghni et d’autres. Après avoir terminé ses études à la mosquée Zitouna Tahar Ibn Achour fut désigné professeur de première puis deuxième catégorie à la grande mosquée dont il avait été recteur à deux reprises. En dépit de l’opposition des conservateurs du corps enseignant Tahar ibn Achour avait pu réformer l’enseignement zitounien en y introduisant les matières scientifiques à savoir les mathématiques, la physique, la chimie  l’histoire et la géographie.

Parallèlement à sa carrière de professeur Tahar ibn Achour fut aussi désigné mufti puis  شيخ الإسلام المالكي (Cheikh du rîte malékite) en 1932 et il était le premier tunisien à revoir ce glorieux titre.

En 1968 Tahar ibn Achour était le premier tunisien auquel fut décerné le plus grand cordon du prix Bourguiba de la culture.
L’œuvre culturelle réalisée par le défunt est colossale. Tahar ibn Achour est l’auteur  de l’une des meilleures exégèses du Coran  Attahrir  wattanwir التحرير والتنوير

Tahar ibn Achour  a également publié plusieurs ouvrages ayant  trait de prés ou de loin au culte musulman et aux sciences de l’éducation  dont notamment l’aube n’est il pas proche

أليس الصبح بقريب  et les visées de la chaeiaà مقاصد الشريعة 

Ces ouvrages  sont inclus dans les programmes d’enseignement non seulement de l’université zitounienne mais aussi dans l’enseignement supérieur dispensé par plus d’une université dans le monde arabo-musulman.

En sus de cette  œuvre gigantesque, Tahar ibn Achour s’était  manifestement distingué dans le domaine littéraire. C’était lui  qui avait  découvert puis édité et commenté le recueil poétique du célèbre poète  Bachar ibnou Bord  714 -784  et du recueil d’un autre grand poète arabe Annbigha Adhoubièni  mort en 604. Il a aussi expliqué et commenté Nahj albalagha   نهج الحماسة  (Le chemin de la rhétorique)  de Ali ibnou Abi Taleb et le célèbre (Livre d’exaltation) كتاب الحماسة  du grand poète Abou Tammam qui faisait parie de la suite rapproché  du Calife abbasside Almàmoun.

Habib Bourguiba 1903-2000

Le dernier homme dont je voudrais parler n’est autre que le Président Habib Bourguiba et d’emblé je reconnais que c’est le seul personnage pour lequel je n’ai pas eu besoin de revenir à des sources afin de recueillir les informations dont j’ai besoin car j’ai été un témoin oculaire de presque tout son itinéraire depuis les années 40 du vingtième siècle excepté la période de ses études en France. En fait pour la période couvrant sa jeunesse  son retour de France et sa fondation du Néo Destour  je me fonde sur les conférences qu’il avait lui-même données à l’IPSI au début des années 60 et que j’avais suivies avec toute mon attention.

A son retour de France en 1927 au terme de ses études supérieures, avec ses jeunes camarades  revenus eux aussi de France, Bourguiba devait résoudre le conflit qui l’opposait aux vieux destouriens appelés les Gharanta et à leur tête Abdelaziz Thaàlbi Mouheddine Klibi. Une fois ce, problème réglé,  le nouveau leader Habib Bourguiba se consacra à la lutte nationale pour l’indépendance de la Tunisie. Cette  lutte allait s’avérer être  très dure pour lui et ses compagnons. Pendant des années – plus de dix ans- il allait être emprisonné déporté et exilé en Tunisie et en France notamment à Borj Le Beuf et au port Saint Nikola. Surnommé le combattant suprême Habib Bourguiba, ou plutôt la Tunisie  obtint finalement gain de cause en 1956. Après une courte période transitoire en tant que Premier ministre,  Bourguiba abolit la monarchie et fut élu par l’Assemblée constituante premier Président de la république tunisienne le 25 juillet 1957. 

Quelques mois après l’indépendance et alors qu’il n’était encore que le Premier du roi Lamine Bey, Bourguiba promulgua le 13 aout  1956 la première loi de la Tunisie indépendante en l’occurrence le CSP. Il va sans dire que cette loi  était et est encore unique en son genre dans le monde arabe si ce n’est dans tout le monde.

Bourguiba s’attela ensuite à la construction d’un Etat tunisien moderne. Après la libération de la femme grâce au CSP Bourguiba organisa le secteur de l’éducation en construisant  des écoles partout  dans les coins les plus reculés du pays et en rendant l’enseignement gratuit et obligatoire pour tous les enfants jusqu’à l’âge  de 16 ans. Il  organisa aussi le secteur de la santé en instaurant surtout le planning familial qui a permis à la  Tunisie de ne pas subir  les effets néfastes d’une démographie galopante.

Malheureusement le long parcours  de Bourguiba n’allait pas être de tout repos ; les fautes allaient se succéder et les crises sociales allaient se poursuivre. L’assassinat de son  ennemi invétéré Salah Ben Youssef était un crime exécrable. L’échec de l’expérience collectiviste essayée par feu Ahmed Ben Salah pendant les années 60 et les graves démêlées avec l’UGTT ajoutées au marasme général allaient sonner le glas.   L’élection en tant que  Président à vie  provoqua  le mécontentement de la majorité du peuple tunisien. Sénile et constamment   malade Bourguiba n’était plus apte à gouverner le pays.
Le 7 novembre 1987 Bourguiba fut renversé par son premier ministre le général Zineddine Ben Ali.

Une page lumineuse qu’on le veuille ou non de l’histoire de la Tunisie indépendante fut tournée. Bourguiba termina le reste de ses jours, plus de 10 ans en résidence surveillée dans une villa à Monastir. Il rendit son âme à Dieux le 6 avril 2000. Par ingratitude le despote Ben Ali refusa même d’organiser des funérailles nationales dignes de son maître et ne permit pas  à une chaine de télévision française  de couvrir les obsèques. Paix à son âme.

Les femmes

Jusque là je n’ai parlé que de figures masculines. Mais la Tunisie n’a pas produit que des hommes. Elle a également enfanté un grand nombre de femmes célèbres. Deux augustes hommes de lettres s’étaient  penchés sur cette question en l’occurrence Hassin Hosni Adelwaheb mort en 1944 et Hechmi Sebài 1904-1984. Le premier publia un livre intitulé les femmes célèbres de شهيرات التونسيات et le second une série d’articles – une quinzaine- sur les célébrités féminines tunisiennes dans le journal Tunis Soir au cours des années 40 du vingtième siècle. L’auteur de ces lignes a lui-même écrit 2 livres sur les femmes journalistes pionnières l’un en arabe intitulé la presse féminine en Tunisie et l’autre  en français intitulé L’information au féminin publié par Edilivre à Paris. Parmi les pionnières journalistes,  il faut notamment citer   Bchira Ben Mrad première femme leader politique et Tawhida Ben Cheikh première médecin et première journaliste en Tunisie. Il nous sera impossible ici de parler  de toutes les femmes tunisiennes célèbres et nous sommes obligés de nous  limiter à 5 ou 6 grandes  figures. Nous devons néanmoins signaler que nous avons été plus souples pour les femmes que pour les hommes dans l’application de notre critère de sélection à savoir le rayonnement en dehors de la Tunisie.

La Kahéna

La première femme dont on doit  parler n’est ni arabe ni musulmane comme c’était  le cas d’Hannibal. Cette femme n’est autre que la reine berbère la Kahéna dont le nom  signifie comme on peut le deviner la devineuse. Nos sources ne nous  fournissent pas malheureusement beaucoup d’informations sur la vie de cette célèbre reine. Comme à l’impossible nul n’est tenu voici quelques données connues concernant la vie de cette reine. Commandant l’armée autochtone cad l’armée berbère  La Kahéna  s’opposa farouchement à l’invasion arabe. Suite à  la prise de Carthage  par les arabes, Hassan ibnou Ennoman décida de marcher sur l’armée de la Kahéna. Ce fut la bataille de Meskina qui couta aux armées musulmanes des pertes cruelles et se termina par une cuisante défaite pour l’armée d’Hassan ibnou Ennôman. Parmi les nombreux prisonniers musulmans  se trouvait un jeune chef de noble ascendance Khaled ibnou Yazid que la reine  voulut s’attacher par des égards particuliers. Mais Hassan ibnou Ennôman n’abandonna pas. Il regroupa son armée et adressa  une lettre secrète  à Khaled pour lui demander des renseignements sur l’état de l’armée berbère. Après avoir reçu la réponse secrète de Khaled Ennôman décida de lancer l’assaut contre la reine. Ce fut une défaite cinglante  pour l’armée berbère. Répliquant  fièrement  à l’appel de Khaled ibnou Ziad qui lui criait fuyez fuyez la reine lui répondit une reine n’abandonne jamais la bataille vivante. Elle opposa aux arabes  une résistance farouche à Eldjem mais elle ne parvint pas à les vaincre,  Les armes à la main La Kahéna tombèrent au milieu de ses hommes et ce fut la débandade au sein  de son armée.

Fatma Elfehria

Après la chute des Aghlabides  les Idrissides fondèrent leur dynastie dans une petite localité appelée Ouelili au Maroc. Afin de raffermir leur pouvoir ils firent venir  un grand nombre d’Andalous et de Kairouanais de Tunisie.

La ville d’Ouelili s’avéra alors trop exigüe pour les nouveaux venus  les Idrissides fondèrent en l’an 192 de l’hégire la ville de Fez. Le courant migratoire emmena au troisième siècle de l’hégire- dixième siècle- deux sœurs kairouanaises Fatma fille de  Mohamed Elfehri et sa frangine Meriem. Fatma fonda en 245 de l’hégire une grande mosquée qui donna plus tard naissance  à la célèbre université Elquaraouine. Mariem moins célèbre que sa frangine Fatma fonda elle aussi une autre grande mosquée à Fez.    

Asma fille d’Açad Ibn Fourat et Khadija fille de M.Sahnoun

Nous arrivons maintenant au troisième siècle de l’hégire marqué par la présence de grands maîtres du droit musulman en l’occurrence le cadi hanafite Açad Ibn Fourat qui avait commandé l’expulsion de  Sicile et mourut glorieusement sous le murs de Syracuse en 828 et Mohammed ibn Sahnoun dont nous avons déjà parlé. Chacun de ces deux illustres maîtres avait enfanté une fille éduquée par ses propres soins et devenue jurisconsulte notoire de son époque.

Asma fille d’Açad ibn Fourat avait donc appris grâce  à son père  toute la  doctrine de Abou Hanifa d’Iraq et brillait par ses interventions  lors des réunions qui se tenaient dans la maison de son père et elle répondait à toutes les questions que lui posaient les jurisconsultes de son époque.

Khadija fille de Mohammed ibn Sahnoun propagateur du malékisme en Afrique du nord était à l’image de son père. Confiante et sûre dans son jugement Khadija jouait le rôle de conseillère juridique de son père. Dans la maison paternelle elle tenait un cercle où la meilleure société féminine se donnait rendez vous et discutait de toutes les choses d’esprit. 

La Jezia Alhilalia

La Jezia, qui n’était pas une indigène était et est encore  la personne la plus folklorique et la plus réputée par sa poésie populaire. Qui était cette femme quand et comment elle était venue en Tunisie ?

Lorsque les Fatimides furent chassés de la Tunisie par les Sanhajites il y’a plus de mille ans Ils allèrent s’installer au Caire. Pour se venger de leurs ennemis installés à Mahdia. Ils décidèrent de faire envahir la Tunisie par des vagues successives de Hilaliens chargés de piller le pays et d’y semer le désordre et le chaos. Parmi les envahisseurs hilaliens on comptait la tribu des Doréid dont le chef s’appelait Hassen ibn Sarhen. La sœur de ce denier n’était autre que la dite Jésia. Celle ci était mariée à l’émir de Hedjaz Chérif ibn Hachem. Or la tribu de ce dernier était en conflit permanent avec la puissante fraction des Doréid. Avant de partir à l’assaut de la Tunisie ils  décidèrent de ne pas abandonner la frangine de leur chef chez leur ennemi Chérif ibn Hachem. Pour atteindre leur objectif ils eurent recours à une ruse. Ils firent semblant d’observer une trêve avec la tribu de Chérif ibn Hachem et d’établir des relations amicales. Ils l’invitèrent à participer à une partie de sa chasse accompagné son épouse. Pris dans  le piège dans un pays qui n’était le sien Chérif ibn Hachem vit sa femme ravie par les Doréid qui l’emmenèrent avec eux en Tunisie/

Célèbre par sa radieuse beauté  sa sagesse sa bravoure  et sa  muse  lyrique La Jézia prit part à l’invasion hilalienne de la Tunisie. Ces Qualités lui valurent l’admiration et l’amour de tout le monde. Mais rien ne la consolait de la lointaine absence de son amant. La pudeur qui est une sorte de soumission à l’usage et aux mœurs de la tribu lui commanda d’observer un silence qu’elle ne rompit jamais. Elle consentit même à se marier avec un noble de sa tribu, Mahdi ibn Makrab. Ses aphorismes, ses nombreux poèmes lapidaires, ses nostalgiques rappels de l’héroïsme passé ont été pieusement rassemblés et transmis à la postérité. Sa musique  n’a pas cessé depuis lors d’être fredonnée par ses admirateurs. J’ai moi-même une fois rencontré un vieillard capable de réciter plusieurs morceaux de sa musique. Je regrette maintenant de ne pas avoir consigné ces strophes.

L’épopée de ce personnage légendaire a retenu l’attention de plus d’un en Tunisie et en Egypte et certains historiens et écrivains ont écrit de longs essais relatant les aventures  de cette  guerrière amoureuse  dans son fond fond

Aziza Othmana (XIIème siècle)

Nous clôturons ce long essai en parlant de la plus célèbre des femmes tunisiennes de tous les temps à notre humble avis. Il s’agit  d’Aziza Othmana  fille d’Ahmed Pacha Bey et épouse du fameux moradite Hammouda Pacha Bey.  Son père  lui fit apprendre le Coran dés son jeune âge et acquérir  une  éducation religieuse étendue. Le luxe de la cour royale ne  fit pas oublier à cette femme les couches les plus déshéritées de  son peuple. Ses œuvres pieuses se succédaient sans cesse. La plus importante de ces ouvres est bien sûr le célèbre Hôpital Aziza Othmana qu’elle construisit pour aider les indigents
 En manque de moyens. L’hôpital fut appelé en un premier temps l’Hôpital Sadiki mais la notoriété publique n’entend le nommer que l’Hsôpital Aziza Othmana. Pour assurer à cette grandiose  œuvre un fonctionnement continu et bénéfique la fondatrice lui fit rattacher un énorme habous un ensemble  de biens dont les revenus pécuniaires étaient consacrés  à la gestion de l’hôpital.

Aziza Ohmana créa outre l’hôpital une œuvre largement dotée pour l’affranchissement des esclaves et des prisonniers. A ce propos nul n’ignore que c’était Ahmed Bey premier qui prit l’oukase d’abolir l’esclavage en 1846 devançant même les Etats-Unis d’Amérique qui ne prirent cette décisions que quelques années après la Tunisie.

Un autre témoignage touchant de son amour pour les  nécessiteux nous est donné par sa constitution d’un habous destiné à prendre en charge les frais   de circoncision de leurs enfants.

Après avoir accompli le pèlerinage en compagnie de sa proche suite Aziza Othmana réalisa une touchante œuvre restée inédite dans le monde arabe. Elle créa ce qu’on a appelé le habous des fleurs. Pour que sa tombe reste éternellement riante elle affecta les revenus d’un immeuble à l’achat de fleurs qui devaient être déposées  chaque matin sur la dalle dans le mausolée du souk des Belghas où elle dort son dernier sommeil.

Il y’a bien sûr plusieurs autres femmes célèbres dont nous n’avons pas parlé dans cet essai à l’instar de Saîda Mannoubia née en 589 de l’hégire et de certaines princesses hafsides. Nous ne l’avons pas fait parce que tout simplement elles étaient à notre avis  au dessous du seuil d’impact interne et externe que nous avons fixé pour notre sélection et qu’elles n’avaient pas eu un grand rayonnement en dehors de leur pays, mais elles méritent toutes qu’on leur adresse nos égards.

Abdelkader Maalej