News - 07.10.2020

Hasna Ben Slimane, ministre de la Fonction publique: Faire bouger le mammouth

Hasna Ben Slimane, ministre de la Fonction publique: Faire bouger le mammouth

Le Journal officiel a amputé son ministère de moitié. Publiant la composition du gouvernement Hichem Mechichi, il a attribué à Hasna Ben Slimane seulement la fonction de «ministre auprès du Chef du gouvernement chargée de la Fonction publique». Le complément Gouvernance a été omis. Qu’à cela ne tienne ! Pour elle, sa nouvelle mission est entière et indivisible. Pur produit du Tribunal administratif, ce moule prestigieux et formateur où elle a passé 20 ans, et élue en janvier 2019 membre de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), lors du renouvellement du tiers, et choisie par ses pairs porte-parole de l’Instance, elle apporte un regard croisé et une connaissance approfondie des rouages de l’Etat.

Dans le vaste bureau dont elle a hérité, donnant sur la place de la Kasbah, avec à droite le ministère des Finances et à gauche la présidence du gouvernement, la nouvelle ministre n’est pas adepte de la langue de bois. «Ma mission n’est pas de procéder à une modernisation de la fonction publique selon une démarche à l’ancienne, mais d’instaurer une gouvernance publique démocratique», déclare à Leaders Hasna Ben Slimane. Toute une mentalité et une perception à changer, ajoute-t-elle. La Fonction publique est souvent perçue comme un gisement d’emplois et la gestion du personnel de l’Etat et l’image de l’administration publique est obérée d’un sentiment de lourdeur, de blocage, de lenteur et d’un visage inhumain. Malgré tous les efforts fournis par la quasi-totalité des agents publics, leur mission n’est pas appréciée à sa juste valeur. Le rôle de l’administration publique n’est pas orientée essentiellement vers les services à rendre au citoyen. Il s’agit de services de base, fondamentaux, que tout citoyen est en droit d’exiger avec la célérité requise et la qualité appropriée.»

Déterminée

Pour Hasna Ben Slimane, ce changement crucial constitue le véritable défi à relever tant au bénéfice de l’usager des services publics que des agents de la Fonction publique. Plus de qualité et d’efficience, mieux de relation et d’interaction. Cette conversion / reconstruction n’est pas facile à mettre en œuvre, reconnaît-elle, tant les résistances fortes sont nombreuses à vaincre. Mais la ministre est déterminée à faire aboutir ce vaste chantier.

Parmi ses outils privilégiés, la numérisation de l’administration, mais dans une nouvelle approche. L’esprit digital doit présider la démarche, souligne-t-elle. Avant de penser aux équipements à acquérir et aux solutions informatiques à déployer, il s’agit de s’imprégner d’abord d’un esprit digital et de conduire une réflexion globale portant sur les méthodes et l’organisation, et intégrant totalement l’utilisation des nouvelles technologies à tous les niveaux. Elaborons d’abord les process et mobilisons les moyens, puis mettons en place les dispositifs.

Le digital qui libère l’un et facilite pour l’autre

La ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance compte s’y prendre en favorisant un débat interne pluriel devant aboutir à un alignement convaincu autour de cet objectif et la démarche de sa mise en œuvre. Chaque agent public doit être convaincu de la plus-value dont il bénéficiera une fois déchargé, grâce à une numérisation soigneusement conçue, de tâches répétitives qui l’exténuent et lui prennent tout son temps au bureau, l’empêchant de réfléchir sur le sens de sa mission et le privant de la possibilité de formuler des propositions d’amélioration de son travail et de celui de ses collègues. Le changement n’est perceptible que lorsque l’agent le réalise lui-même et voit le reflet sur le visage du citoyen, satisfait.

Concrètement, les initiatives ne manqueront pas. Dans la capitalisation sur l’existant et le lancement de nouveaux chantiers, l’expérience pilote de la maison des services administratifs, fixes ou mobiles sera élargie jusqu’aux coins les plus reculés. En un seul contact et même endroit, l’usager pourra effectuer toutes ses démarches pour obtenir un document d’état civil, payer une redevance ou une facture et déposer un dossier.

Une dématérialisation rapide

«Ma première réunion, dès ma prise de fonctions, confie à Leaders Mme Ben Slimane, je l’ai tenue au siège du ministre des Technologies de la communication avec mon homologue Fadhel Kraïem. D’emblée, je voulais donner un signal fort à toutes les équipes et lancer immédiatement les chantiers urgents. Audit des sites web et plateformes des divers départements ministériels et organismes publics avec recommandations de mise à jour et à niveau, accélération du décret relatif à l’échange des données, interconnexion des fichiers et bases de données, utilisation massive de la messagerie interne et renforcement des différentes applications dédiées services au citoyen: tout est prioritaire.»

«Nous devons parvenir rapidement à la dématérialisation généralisée et à zéro papier, se fixe Mme Ben Slimane comme objectif tangible. Réduire au minimum les contacts directs face-à-face du citoyen avec l’administration et lui permettre d’effectuer toutes ses démarches en ligne ou à travers les maisons des services, sans le contraindre à des déplacements de loin et dans plusieurs administrations, est nécessaire à concrétiser.»

Trancher des questions brûlantes

Les services de la Fonction publique, reconnaît la ministre, subissent beaucoup de pressions intérieures et extérieures. Qu’il s’agisse de nouveaux recrutements et concours, de régularisations de situation, d’avancements, d’apurement de dossiers en instance, nous devons procéder rapidement, en toute équité sans obérer l’Etat ni d’effectifs superflus, ni de charges nouvelles. Parfois, des décideurs politiques ont essayé d’esquiver des demandes brûlantes d’emploi, en préconisant des solutions précaires qui finissent par se compliquer aujourd’hui.

Le cas des ouvriers des chantiers publics et autres catégories gagnerait à être tranché rapidement. Une stratégie claire et efficace est indispensable à déployer afin de résoudre tant de problématiques aiguës.

La gouvernance est l’autre volet de la mission de la ministre Ben Slimane. Elle la conçoit comme une partie intégrante de la Fonction publique. Transparence, redevabilité, fluidité et optimisation des moyens en sont les vecteurs essentiels. Le sens de l’équité et de l’efficience en est le moteur. Les pressions sont aussi fortes que multiples, tous comme les freins. Mais, guère impossible à surmonter.

Un credo fortement porté

La méthode de Hasna Ben Slimane pour accomplir sa mission est inspirée de son expérience au Tribunal administratif, et tout récemment à l’Isie. «Le quotidien risque de vous happer et vous ne saurez le dompter que par l’organisation et la programmation. Mais aussi l’élaboration d’un tableau de bord qui consigne les délais, détecte les retards d’exécution et signale les blocages. La première tâche consiste à prendre connaissance de tous les dossiers pendants et anticiper ceux devant se déclarer, puis effectuer un tri afin de fixer les priorités et une échéance propre à chaque dossier. Cette programmation obéissant à des considérations objectives doit cependant tenir compte des facteurs temps et impact. Ce qui vaut pour le ministre doit le valoir aussi pour chaque agent.»

Quand on lui demande l’index de performance qu’elle se fixe pour sa mission, Hasna Ben Slimane énonce son credo sans hésitation. Une administration publique de qualité, à visage humain, dédiée services, soutenue par un engagement citoyen et la société civile, garantissant la satisfaction aussi bien de l’usager que de l’agent public.»

Vœu pieux qui ne cherche qu’à être exaucé.