A propos des masques lavables et leur efficacité dans la lutte contre la Covid-19
Par Pr Ridha Bergaoui - Afin de contrer la propagation de la pandémie Covid-19, des mesures sanitaires sont recommandées par l’ensemble des autorités médicales. Il s’agit essentiellement du lavage fréquent des mains, de la distanciation sociale et du port d’un masque de protection ou bavette.
En Tunisie, comme dans de nombreux autres pays, le port du masque est obligatoire. Un arrêté du Ministère de la santé oblige le citoyen à porter le masque surtout dans les lieux publics et les espaces fermés comme les hôpitaux, les établissements de formation, les moyens de transport, les centres commerciaux... Tout contrevenant risque de s’exposer à des sanctions allant d’une simple amande à des peines de prison.
Le masque doit protéger et constituer une barrière contre le virus
Dans le cadre de la lutte contre la pandémie Covid-19, trois types de masques sont utilisés: le masque chirurgical, le masque FFP2 et le masque en tissu lavable. Le masque chirurgical est surtout utilisé par les malades pour éviter d’émettre des gouttelettes du virus et contaminer les surfaces et les personnes se trouvant tout autour. Le masque FFP2 est utilisé surtout par le personnel médical pour filtrer l’air et éviter la contamination par les malades. Ces deux types de masque sont à usage unique et ne doivent pas être utilisé plus de 8h de suite.
Les masques en tissu sont lavables et peuvent être utilisés de nombreuses fois conformément aux recommandations du fabricant. Ils sont économiques et sont les plus utilisés par le public. Nous nous limiterons dans ce qui suit aux masques en tissu.
Les masques protecteurs doivent répondre à des normes bien précises (comme les normes AFNOR, les plus utilisées dans les pays francophones) au niveau de la nature et des caractéristiques physiques des matériaux utilisés pour leur fabrication. Le respect de ces normes garantit la qualité du masque du point de vue ses pouvoirs de rétention des particules microbiennes et le degré de confort de son utilisateur.
Des masques lavables de qualité douteuse
On trouve des masques lavables aussi bien dans le circuit formel que le circuit informel. Les masques commercialisés dans les circuits formels en (pharmacies, grandes surfaces…) répondent théoriquement aux normes internationales et sont emballés dans des emballages individuels.
Toutefois il y a lieu de se demander s’il y a réellement un contrôle de la qualité de ces masques par les autorités médicales officielles qui doivent garantir à l’acheteur l’efficacité sanitaire et les caractéristiques physique et de durabilité du produit. Ces masques doivent obligatoirement porter au moins les indications suivantes : nom du fabriquant, garantie que le produit répond aux normes AFNOR, les matériaux utilisés et le mode d’emploi du masque avec mention du nombre de lavages maximum préconisé par le fabricant.
Dans les circuits parallèles, on trouve des masques (en bec de canard ou à plis) alignés parfois dans des brouettes et sur des étals en pleine rue, exposés tout le temps à la poussière et aux intempéries. On ignore tout de ces bavettes. On ne connait ni où elles ont été fabriquées (en Tunisie ou introduits illicitement par la contrebande) avec quels matériaux au juste et comment. Ces bavettes sont manipulées par n’importe qui. Tous les passants peuvent les essayer puis les remettre à leur place. Ces bavettes peuvent ne présenter aucune efficacité sanitaire contre la covid-19. Elles représentent un risque d’allergie et autres dangers pour les acheteurs.
D’autres bavettes sont confectionnées d’une façon artisanale. Ces bavettes ne respectent aucune norme et ne présentent aucune garantie pour le citoyen. Ce sont généralement tout juste un bout de tissu dont l’efficacité est bien douteuse.
Il faut souligner que le port du masque, surtout après un certain temps, n’est pas commode. On peut avoir la sensation d’étouffer et de mal respirer. Avec la chaleur estivale, le masque peut entrainer un inconfort thermique et une sensation de chaud et d’humidité sur le visage. Si on porte des lunettes, il y a souvent de la buée qui se forme avec le port de certains masques. Ces problèmes sont encore plus prononcés lorsque le masque ne répond pas aux normes. Il peut être également à l’origine d’allergies et de malaises divers.
Pour être efficaces les masques en tissu, même de bonne qualité, doivent être utilisés et manipulés par l’utilisateur selon un protocole bien défini. Ce protocole est malheureusement mal connu des usagers dont la plupart ignorent comment mettre correctement un masque et comment l’entretenir.
Bien mettre et entretenir son masque
Porter un masque ne sert à rien s’il est mal utilisé. Il est recommandé de se laver les mains avant toute manipulation du masque. Celui-ci doit être mis correctement en le portant soigneusement aux oreilles, par les élastiques, sans toucher aux surfaces planes. Le masque doit couvrir tout le nez et le dessous du menton. Il est recommandé de ne pas le placer sous le nez, sur la tête ou au dessous du menton. Ne jamais jeter son masque usagé en pleine rue car il représente un sérieux risque de contamination.
Afin de détruire les germes accumulés, le masque en tissu peut être lavé à la main ou à la machine. Le lavage se fait avec une eau tiède et du savon ou une lessive courante, faire sécher le masque à l’air, de préférence au soleil. Ne pas utiliser de l’eau de Javel ou un désinfectant, assouplissant… qui peuvent altérer les caractéristiques du masque et laisser des résidus pouvant être nocifs à l’inhalation lors de l’usage du masque. Repasser le masque peut aider à le désinfecter. A force de le laver à plusieurs reprises, la capacité de filtration du masque est altérée. Il sera utilisé tant que ses qualités filtrantes ou que l’intégrité du tissus (déformation en rétrécissant ou par distension) ne sont pas touchées.
Un masque est porté généralement durant un temps plus ou moins long qui n’excède jamais 4h. Il est impératif de laver son masque avant de le remettre de nouveau. C’est pour cette raison qu’il est conseillé de disposer de masques de rechange maintenus propres et prêts à l’emploi. Un masque mouillé (pluie ou autre) perd de ses qualités filtrantes et doit être remplacé par un autre sec.
Face à la pandémie, organisons la sensibilisation
Tous les spécialistes s’accordent à conseiller le port du masque pour rompre la propagation du coronavirus. Malheureusement, nombreux sont qui ont constaté et soulignés la réticence du tunisien à porter le masque. Certains vont l’imputer à la néglige, l’indiscipline, l’insouciance et l’ignorance de nos concitoyens. Il faut toutefois leur rappeler que, pour assurer la participation du citoyen à cette action collective, il faut commencer par le sensibiliser et l’éduquer. Il faut également lui garantir des masques de qualité, qui répondent aux normes internationales, la disponibilité et un prix abordable.
Le masque est un outil important dans la lutte contre la Covid-19. Porter le masque n’est plus un choix personnel, c’est une obligation légale et sociétale. Il est plus efficace lorsque tout le monde le porte et se protège mutuellement. Faisons preuve de civisme et soyons tous solidaires. Portons le masque, non comme une carte d’identité qu’on exhibe à la demande, mais comme une ceinture de sécurité qu’on met avant de prendre le volant de sa voiture ou le casque qu’on met avant de conduire sa moto.
Pr Ridha Bergaoui
Professeur universitaire