Majid Chaar : Un monde sans faim
Par Majid Chaar - Il y a 75 ans, la moitié de notre planète était en ruines, portant les stigmates du plus grand conflit de tous les temps. Alors que la guerre faisait rage, des hommes et des états préparaient la naissance de la première et la plus importante des organisations internationales: la signature de l'acte constitutif de la FAO ( l'Organisation des Nations Unies pour l''Alimentation et l'Agriculture), à Quebec-Canada, le 16 octobre 1945.
Un acte de foi dans l'avenir que la Journée Mondiale de l'Alimentation célèbre en ce jour de la fondation de la FAO .
Une planète affamée
75 ans déjà. Le scandale de la faim qui fait souffrir physiquement et moralement, la faim qui ronge le squelette, l'intelligence et la volonté, la faim qui tue- ce scandale inacceptable n'a pas disparu à l'aube de ce siècle:
Plus de 690 millions de personnes souffrent de la faim, soit 10 millions de plus depuis 2019.
La pandémie du Covid-19 pourrait voir grossir les rangs des affamés de 83 à 132 millions de personnes et l'impact de la malnutrition sous toutes ses formes, sur l'économie mondiale, est estimé à 3500 milliards de dollars par an.
Aujourd'hui, la planète "faim" compte plus de 2 milliards d'êtres humains appauvris et sans accès régulier à la nourriture.
75 ans après la création de la FAO, les progrès dans la bataille contre la faim, restent en deçà des espoirs des pères fondateurs.
Une mission de Sisyphe
Devant l'ampleur du fléau, les ressources financières restent limités, le multilatéralisme en régression et la FAO ne constitue pas une sorte de Ministère de l'agriculture du monde! Mais, malgré ses limites, les moyens d'action de la FAO sont très importants.
Elle n'en joue pas moins un rôle irremplaçable en tant que centre mondial des statistiques sur l'agriculture mondiale et le commerce des produits alimentaires.
Ensuite elle constitue un forum mondial pour ses 198 pays membres, pour dialoguer et se concerter sur tous les problèmes d'intérêt commun mais aussi, sur ceux qui pourraient les opposer.
En troisième lieu, elle fournit aux pays membres , avis et conseils sur les politiques agricoles , leur accorde l'assistance technique dont ils ont besoin et les aide dans l'élaboration des études, stratégies et projets de développement pour le financement international.
L'indifférence est le pire ennemi
Ce long combat contre la faim et la malnutrition fait appel à toutes sortes de moyens techniques, scientifiques et financiers, fait reculer le spectre de la faim mais n'en extirpe pas les racines: le monde aujourd'hui, grâce à ces progrès, produit plus qu'il n'en faut, pour nourrir la planète, théoriquement.
Fondamentalement, c'est un problème d' "accès" et de "distribution équitable" des ressources et des richesses.
Dans les faits, des millions d'hommes et de femmes se voient déniés l'accès à la nourriture, à la formation et au crédit parceque souvent détournés vers d'autres priorités politiques.
Devant la détresse généralisée des populations rurales et des jeunes des campagnes, le combat contre la pauvreté, l'exclusion et leurs corollaires, la faim et la malnutrition , n'a fait que renforcer cette conviction fondamentale: Le problème du développement est avant tout un problème moral. C'est Malraux qui disait que le 21ème siècle serait spiritualiste ou ne serait pas.et les progrès de l'humanité sont des progrès de la conscience humaine.
Certes, la réalité du monde actuel , nous offre une image de creux de la justice et de la solidarité internationale, un négatif- mais c'est précisément de là qu'il va falloir tirer la force de renforcer la situation.
Les jeunes au centre du drame
Si nous prenons vraiment conscience du drame de la jeunesse rurale, si nous voulons vraiment mettre nos jeunes en mesure de prendre leur destin en main, il faut commencer par une remise en question radicale de nos propres certitudes, par une véritable conversion du cœur! C'est à une telle révolution intérieure que nous sommes invités , aujourd'hui.
Tel est le sens profond de la Journée Mondiale de l'Alimentation, de la réflexion à laquelle elle nous convie, quelle que soit notre place ou notre fonction dans la société.
Avec le droit à la vie et à la liberte, le droit à la nourriture n'est-il pas le plus fondamental, le plus imprescriptible de tous?
Ce droit, lorsqu'il est bafoué, il n'y a plus de liberté, ni de dignité, ni même de vie.
Majid Chaar
Ancien directeur des médias, FAO